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    Les éditions locales des quotidiens régionaux

    Par Danielle Le Nan

    Une enquête faite en 1976-77 révèle qu'il existait alors 72 quotidiens régionaux comportant au minimum 400 éditions locales ; sans doute plus, car tous les journaux contactés n'ont pas donné la liste précise de leurs éditions.

    Qu'appelle-t-on édition locale ? Un grand quotidien (Le Dauphiné libéré, La Dépêche du Midi, Ouest-France, La Voix du Nord) publie, outre l'édition de la ville, siège de la rédaction du journal que l'on nomme édition principale, diverses éditions donnant les informations d'un ou de plusieurs départements (ou simplement d'une partie d'un département) placés dans sa zone de distribution, d'influence: ce sont les éditions locales.

    Leur nombre est tout à fait variable : Ouest-France comporte 12 éditions ; La Montagne : 14 éditions; Sud-Ouest: 17 éditions; La Dépêche du Midi: 23 ou 25 éditions selon les périodes de l'année) ; Le Dauphiné libéré : 45 éditions ; Le Progrès : 48 éditions (douze départements et Genève).

    Chaque édition locale d'un quotidien régional comprend des pages communes à l'édition principale et à toutes les éditions locales : 1re et 2e pages, avant-dernière et dernière pages.

    Ces pages donnent les informations nationales (politique intérieure et étrangère, événements nationaux et internationaux) vues depuis la province. Toutes les autres varient selon les éditions et donnent les nouvelles du département, du canton, de la commune, du village.

    Cette presse locale est très prisée par les lecteurs. Alors que la presse parisienne connaît la crise que l'on sait, la presse régionale se porte plutôt bien, car elle répond à un besoin d'information souvent très local : événements près de la vie quotidienne, naissances, décès, mariages, fêtes, foires, manifestations sportives ou culturelles.

    Les observateurs politiques eux-mêmes ne négligent pas cette presse ; les commentaires des éditorialistes des grands quotidiens régionaux sur les événements de la politique intérieure ou extérieure sont pris en considération (Roger Bouzinac pour Nice-matin; Pierre Rouannet pour Le Berry républicain, jusqu'à il y a encore quelques semaines).

    La presse régionale et locale, étant donné sa nature, se révèle être une source de renseignements extrêmement riches pour l'historien, le sociologue : étude de la vie sociale, des mentalités, reflets et répercussions de la politique nationale ou internationale, des événements nationaux et internationaux, au plus profond du pays.

    Où peut-on trouver la presse locale ? En principe à la Bibliothèque Nationale qui reçoit le dépôt légal ; en fait, elle est éparpillée et lacunaire.

    La Bibliothèque Nationale veille à recevoir toutes les éditions principales ; comme pour tous les périodiques, chaque numéro qui arrive est pointé et tout numéro manquant réclamé ; les réclamations doivent être faites très rapidement, car, après trois ou quatre jours au maximum, les directions de journaux se sont débarrassées des « invendus » ; le quotidien est éphémère, un jour chasse l'autre...

    Mais, faute de personnel pour classer, estampiller, pointer, réclamer chaque numéro, faute aussi de locaux pour recevoir le flot quotidien et le traiter, puis pour le conserver, la Bibliothèque Nationale éprouve les plus grandes difficultés à conserver les éditions locales des quotidiens régionaux. Pour ne donner qu'un seul exemple, la conservation des quatorze éditions de La Montagne nécessite un carton, pour deux journées seulement ; et il faut une tablette « normalisée » pour ranger un mois des quatorze éditions !

    Puisque la Bibliothèque Nationale ne peut pas communiquer toutes les éditions locales, où le chercheur a-t-il une chance de les trouver ? Un certain nombre d'éditions locales sont conservées sous la forme originale : soit dans la bibliothèque municipale de la ville, chef-lieu du département concerné par l'édition (mais ici se posent aussi les problèmes de locaux et de personnel, et les collections sont souvent incomplètes) ; soit aux Archives départementales du département concerné (mais elles connaissent les même problèmes que les bibliothèques municipales) ; soit au siège du journal lui-même qui conserve, en général, une collection complète en archives, dont il se sert pour la documentation courante.

    Mais les éditions locales ne sont pas conservées en totalité à la Bibliothèque Nationale qui a pour mission de conserver tout ce qui paraît en France. Dès maintenant les chercheurs le lui reprochent car ils s'intéressent de plus en plus à la presse locale ; les demandes sont fréquentes. Voici quelques années, il nous a été demandé de rechercher quelle avait pû être la répercussion de l'Appel du 18 juin dans les départements. Nous n'avons pû répondre que très partiellement à la question. Nous orientons donc les chercheurs, en espérant qu'ils auront satisfaction, vers les autres lieux de « conservation » que j'ai mentionné plus haut.

    Quelles solutions pourraient permettre de résoudre ce problème ? Le microfilm serait un moyen pour le résoudre et permettre à la Bibliothèque Nationale de remplir sa mission. L'enquête nous a permis de savoir que certains journaux étaient déjà microfilmés, soit par l'A.C.R.P.P. (Association pour la conservation et la reproduction photographique de la presse) : douze journaux, en effet, préparent eux-mêmes le travail avant l'établissement du microfilm par l'A.C.R.P.P. en disposant les éditions locales derrière l'édition principale selon une « grille » préétablie ; soit par les bibliothèques municipales : deux journaux, Var-Matin (grille établie en collaboration entre la bibliothèque municipale de Toulon et le journal ; microfilm établi par le façonnier) et le Dauphiné libéré (effectué par la bibliothèque municipale de Grenoble pour les seize éditions, correspondant aux départements de l'ancienne province du Dauphiné, sur les quarante-cinq que totalise le journal) soit par les archives départementales : pour un journal Paris-Normandie depuis 1967, le film est fait par les archives départementales à la demande du journal ; les années 1960 à 1966 ont été faites par l'A.C.R.P.P.) ; soit par les journaux eux-mêmes et ceci pour onze journaux (le film est alors établi soit par le journal lui-même, soit par un façonnier de la ville).

    Le département des Périodiques, de son côté, a tenté une expérience depuis 1975, pour quatre journaux, totalisant vingt-deux éditions... seulement... Il s'agit de L'Echo du Centre (Limoges), L'Indépendant (Perpignan), Nord-Eclair (Lille) et La République du Centre (Orléans). Le travail de préparation (classement des éditions locales à la suite de l'édition principale, selon une grille pré-établie) est un travail minutieux, long et difficile, car il faut bien « repérer » les éditions indiquées par un nombre variable d'étoiles, ou par des lettres ; à certains moments, des éditions différentes jusque-là fusionnent, puis se scindent différemment, sans que tout cela soit évident... Ce travail occupe une personne et demie à temps complet ; et, en janvier 1977, seul le premier semestre 1976 de ces quatre journaux était prêt pour le microfilm.

    A la bibliothèque municipale de Toulon, une personne à mi-temps est nécessaire à la préparation des quatre éditions de Var-Matin ; or les liaisons sont constantes, étroites et quotidiennes avec le journal.

    L'expérience tentée par le département des Périodiques, en liaison avec l'A.C.R.P.P. qui établit le microfilm, risque fort d'être stoppée à la fin de cette année, par manque de personnel.

    Le problème est urgent et grave. La Bibliothèque Nationale a établi un programme d'achat des microfilms existants. Il convient que l'A.C.R.P.P. fasse d'urgence appel aux autres journaux pour augmenter le nombre de ceux qui s'intéressent à la microcopie. Enfin, pour les journaux qui s'en désintéressent, il est nécessaire que locaux et personnel soient donnés au département des Périodiques de la Bibliothèque Nationale pour pouvoir recevoir, trier, pointer, réclamer, puis « préparer » les éditions locales avant de les faire microfilmer.