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    Le Service des Recueils

    Par Véra Colmaire, Chef du Service des Recueils Bibliothèque Nationale

    Connaît-on bien le Service des Recueils du Département des Entrées ? Quel est son rôle dans la chaîne du traitement du livre ? Que reçoit-il plus précisément ? Comment traite-t-il cette masse hétéroclite de documents ?

    Tout d'abord quelle est la définition des recueils ou publications mineures à la Bibliothèque Nationale, mais aussi dans bien d'autres bibliothèques (1) : tout ce qui n'est pas un livre d'après les recommandations de l'UNESCO concernant les statistiques de l'édition. C'est-à-dire, d'une part les publications à caractère publicitaire tels que les catalogues, publications de propagande commerciale, industrielle ou touristique, les publications à caractère technique traitant de l'activité d'une branche de l'industrie ou du commerce, mais aussi - et toujours d'après la définition de l'UNESCO - des publications jugées comme ayant un caractère éphémère : tarifs, horaires, calendriers, programmes, etc., mais encore tous ces documents que l'on distribue très généreusement parfois sur la voie publique tels que les tracts, imprimés les plus divers... que l'on jette tout aussi naturellement le plus souvent ! Ces documents rassemblés en recueils deviennent parfois des raretés recherchées par les historiens quelques années, voire quelques siècles, plus tard.

    C'est en gros l'essentiel de ce qui arrive au Service des Recueils. On verra plus loin, qu'en raison de certains impératifs de traitement, de classement ou de conservation, le Service des Recueils est amené à traiter d'autres publications.

    Où trouve-t-on ce genre de publication ? Quelles sont les bibliothèques intéressées par ces publications ? Il est évident que la conservation et le traitement des recueils est essentiellement un problème de bibliothèques nationales, chargées de conserver l'ensemble de la production imprimée nationale, ou de certaines bibliothèques de province (comme en France ou en Italie par exemple) qui reçoivent et doivent conserver tout ce qui est imprimé dans leur secteur déterminé par la loi. Mais le problème ne se pose pas uniquement au niveau des bibliothèques recevant le Dépôt légal. Il peut concerner certaines bibliothèques spécialisées, comme celle des « Sciences Po » qui essaie d'obtenir et de rassembler tous les documents des partis politiques, tracts et papiers électoraux. Toujours à « Sciences Po », sa section économique reçoit la plus grande partie des comptes rendus d'assemblées générales des nombreuses sociétés financières, industrielles et commerciales. Ces derniers documents ont leur place également (ou du moins devraient l'avoir) dans les bibliothèques d'histoire économique, tout comme les bibliothèques d'art doivent réunir tous les catalogues d'exposition, par exemple. C'est à la Bibliothèque de la Faculté de pharmacie que l'on trouve, je crois, la collection la plus importante de prospectus pharmaceutiques diffusés par les laboratoires auprès du corps médical.

    A la Bibliothèque Nationale, il n'est pas question de spécialisation ; même dans le domaine des recueils nous restons encyclopédique, Dépôt légal oblige ! Plus de 13.000 documents reçus en 1977. Le dépôt légal n'est pas l'unique voie d'entrée des documents, même si de loin elle est la plus importante. A l'occasion de dons importants de certains centres de documentation (Crédit Lyonnais), une partie de ce qui est offert intéresse directement les recueils. Il nous arrive même d'en acheter ! Cela est rare, il est vrai. Citons, par exemple : BENOIT (Pierre). - Antinea parle... Cusenier, 1929. Très belle plaquette. Pièce en vers avec planches en couleurs, formant buvard ; ou bien avec des textes de Paul Reboux, Curnonsky, etc. ; une plaquette publicitaire éditée par le Res-taurant Les Vikings, en 1930 ; en encore, éditée par les Grands Magasins du Printemps, une plaquette relative à l'inauguration des nouveaux bâtiments, le 16 juin 1924. Avec des textes de J.L. Vaudoyer...

    Le Service des Recueils de la Bibliothèque Nationale reçoit donc toutes les publications entrant dans les catégories définies par l'UNESCO ; mais certains critères de traitement, de classement ou de conservation peuvent constituer un élément supplémentaire d'appréciation déterminant le traitement par le Service des Recueils : fiches sous cartonnages ; fiches numérotées pour recettes de cuisine, cours, travaux pratiques divers ; montages particuliers sous forme de réglettes ou de disques...

    C'est après entente entre ies services intéressés que certaines séries seront prises par le Service des Recueils ; ainsi tous les cours par correspondance ou de formation professionnelle, à l'exception de ceux diffusés par la voix commerciale, les cahiers de devoirs de vacances ; les cahiers de modèles d'écriture, avec ou sans nom d'auteur ; les courses hippiques, les règles de jeu: croquet, sarbacane... (2) , les documents en blanc (questionnaire, carte d'identité, passeport), etc. Certains documents particuliers peuvent au contraire être traités par d'autres services. Les tracts et documents électoraux par le Service de l'Histoire de France, des publications administratives mineures par le Département des publications officielles (brochures techniques de l'E.D.F., du Ministère de l'Education...).

    Actuellement, le Service des Recueils est constitué de trois fonds distincts. A chaque fonds correspond un fichier et une cotation particulière. En premier lieu nous avons ce que nous appelons encore les - Anciens recueils » qui ont une cote de regroupement magasin, suivie d'un exposant et dont les collections sont regroupées au 5e étage des magasins des imprimés, côté rue des Petits-Champs (environ 370 m2). Il s'agit là du premier regroupement effectué à la fin du siècle dernier. Afin d'assurer une meilleure conservation et d'éviter un traitement individuel long et sans intérêt, Léopold Delisle décida de procéder à un regroupement des pièces de même nature, de leur donner en cote une lettre de la série à laquelle ils se rattachaient, et un exposant qui restait le même dans tous les formats (Fol, quarto, octavo) : Citons, par exemple, V. 50 pour les chambres syndicales ; R. 33 pour les Sociétés de secours mutuel ; V. 839 pour les Banques ; Q. 10 pour les catalogues de libraires ; V. 36 pour les catalogues de vente d'objets d'art : V. 38 pour les catalogues de bibliothèques. Le classement à l'intérieur de ces cotes se faisait, soit par ordre alphabétique de villes ou d'organisme, soit par ordre chronologique selon les documents. Certaines séries, considérées comme plus importantes, firent l'objet de fiches détaillées : catalogues de ventes d'objets d'art et de livres ou catalogues spéciaux : actes royaux, factums, actes épiscopaux. Ces anciens recueils ou « Recueils factices », comme on les appelait alors, continuèrent sur cette lancée avec quelques changements ou modifications, mais aussi quelque désordre dû aux recherches, jusqu'à la veille de la deuxième grande guerre environ.

    En 1943, M. Porcher, alors conservateur des Entrées, décida de clore ces anciens recueils et d'ouvrir une nouvelle série appelée W. C'est ce qui constitue le deuxième fonds de l'actuel Service des Recueils dont les collections sont conservées au 6e étage Petits Champs (180 mètres environ). Chaque document faisait l'objet d'une fiche et recevait une cote. Cela devait permettre, en plus du fichier de travail, d'alimenter un fichier mis à la disposition des lecteurs à la Salle des Catalogues. Des consignes furent données pour que les anciens recueils soient repris et traités dans la nouvelle série W au fur et à mesure des possibilités. C'est encore la consigne que nous avons actuellement, mais toujours difficilement réalisable. En 1943, par manque de connaissance technique, car il y avait du personnel ; actuellement par manque de personnel. Donner une cote par document nous reporte à ce qui se faisait avant la décision de Léopold Delisle ; il n'était plus question de regroupement, mais de dispersion de ces documents qui ne prennent le plus souvent, pour ne pas dire toujours, de la valeur que lorsqu'ils sont réunis. Ce procédé devait très vite se révéler néfaste tant pour le traitement que pour la recherche des documents. Le Service s'asphyxiait littéralement de tous les côtés. Lorsqu'en 1958, le Service changea une nouvelle fois de cap, il avait été donné 80.000 cotes et les fiches établies ne faisaient l'objet d'aucune recherche, ni dans le Service, ni avec les autres services de traitement de la Bibliothèque Nationale. A titre d'exemple : les fiches d'itinéraires établies par le Touring Club de France pour tel ou tel tronçon de route, de parcours touristique, faisaient l'objet d'une fiche et d'une cote ! Les fiches établies, très sommaires, simplifiées à l'extrême ne comportaient aucune date ! Le fichier énorme, était sans utilité !

    C'est en 1958 que s'opéra, sous l'autorité de Mlle Dougnac, sur proposition de Mme Honoré, alors Chef du Service des Publications Officielles, un redressement devenu indispensable, redressement facilité par l'application des règles de catalogage relatives à la notion de COLLECTIVITE-AUTEUR. En effet, la quasi-totalité de ces publications émanent d'une collectivité : sociétés, instituts, centres, foires, etc. Il devenait alors très simple de regrouper sous une même cote Wz les publications d'un même organisme, ce qui se faisait déjà aux P.O. depuis quelques années pour tous les documents mineurs administratifs (circulaires, notes...). Si le regroupement ne pouvait se faire sous le nom de la collectivité-auteur, le regroupement se faisait autour d'un sujet, d'un centre d'intérêt : (Recueils de recettes de cuisine] ; (Recueils de documents touristiques édités par les Syndicats d'initiatives).

    Le fonds W restant fut repris, trié et regroupé. Ne pouvant tout traiter d'un seul coup, on choisit de traiter en premier lieu les séries les plus demandées : documents des sociétés industrielles, financières, commerciales... ; Catalogues de grands magasins (Manufrance, Bon Marché, La Redoute...) ; Programmes de spectacles de compagnies théâtrales (repris en 1977 par le Département des Arts du Spectacle) ; les palmarès (malheureusement tout n'est pas encore traité).

    Le reste est classé, en attente de traitement, mais d'accès facile pour les recherches. Pour tout ce qui concerne le domaine technique, commercial ou industriel par ordre alphabétique"; les autres documents sont classés par centre d'intérêt (religion, publicité, associations de bienfaisance, associations sportives, médecine vétérinaire, conventions collectives, etc.). Les magasins du Wz se trouvent au sixième étage des combles de la Réserve, et occupent 350 mètres de rayonnages.

    Où en sommes-nous actuellement ? Nous continuons sur cette même lancée évidemment, en triant et regroupant les documents, en donnant la priorité de traitement à d'autres séries ou brochures : tous les documents émanant d'une nouvelle collectivité, afin de ne pas les mettre en attente, dans la mesure où ils présentent un certain intérêt d'actualité (Bibliothèque publique d'information, Fondation de France, Laissez-les vivre, Renault-Acceptance, etc...) ; tout ce qui intéresse la formation professionnelle ou permanente ; tous les documents isolés ne pouvant constituer un recueil, avec ou sans nom auteur ; tous les cours par correspondance, qui par analogie aux manuels scolaires sont cotés El. Wz, et vont à l'Annexe de Versailles. Nous y ajoutons les documents sortis à l'occasion de recherches pour les lecteurs. Nous en profitons pour les reprendre, les traiter, établir une fiche et les coter en Wz.

    En effet, après avoir recherché, et repris au besoin, ce qui pouvait se trouver dans les anciens recueils, le fonds W et les piles en attente, nous avons fait le point et mieux vaut les traiter en Wz. C'est ce que nous venons de faire dernièrement afin de répondre aux besoins de M. Poitelon pour l'établissement du « Catalogue des périodiques vietnamiens, laotiens et cambodgiens » en cours d'élaboration, en recherchant puis retraitant les rapports annuels de nombreuses sociétés indochinoises qui figureront ainsi dans ce catalogue avec des cotes Wz.

    Pour en terminer avec le traitement des recueils, quelques mots sur le catalogage : notice établie le plus souvent au nom de la collectivité éditrice, avec généralement un titre factice ; par exemple : (Documents administratifs et financiers) ; Documents techniques d'information) ; ou encore : (Rapports des Assemblées générales) permettant ainsi de regrouper des documents de même nature ; ensuite tout ce qui doit apparaître comme sur les autres fiches bibliographiques, avec en plus, en dépouillement, une date fléchée, représentant la date du premier document reçu. Conjointement à cette notice bibliographique, une fiche table est toujours établie, comportant tous les renseignements connus sur la collectivité sortie (date de création, fusion, changement, adresse, sigles, etc.). Une fiche de « suite » est établie pour toute publication nécessitant un bulletinage (rapports annuels, séries numérotées...). Pour les publications n'émanant pas d'une collectivité, une fiche peut être établie soit avec un titre factice de regroupement (Recueil de guides sociaux et familiaux) ; soit au nom de l'auteur ; soit encore au titre pour les isolés. Peu de recueils font l'objet d'un traitement analytique ; les documents émanant d'un organisme sont assez hétérogènes, et le mot-matière concerne davantage l'organisme que le contenu du dossier lui-même. Les notices établies, vérifiées, dactylographiées, circulent entre quelques services seulement : Département des publications officielles ; Services des collectivités privées, de ''Histoire de France, du Nouveau catalogue général. Ces fiches alimentent les fichiers de la Salle des catalogues et du Service bien évidemment, et figurent depuis 1971 au Nouveau Catalogue général (3) .

    Le Service des Recueils est un service autonome. Dans le cadre du traitement des collections, il se substitue au Dépôt légal pour faire les réclamations nécessaires, assure le rondage des documents, le classement en magasin, la conservation et la communication des documents (traités ou non) des différents fonds. La conservationdes documents pose des problèmes que nous ne pouvons pas toujours régler (manque de personnel, manque de moyens financiers, disparité de la présentation matérielle de ces documents). La plupart des documents sont placés dans des boîtes ou des pochettes entoilées ; certaines séries sont reliées.

    Quant à la communication, c'est l'activité la plus intéressante, la plus prenante, même si elle est très contraignante. Passionnante par le contact même avec les lecteurs, le profond désir de les satisfaire malgré la difficulté et la complexité des recherches : problème de personnel, dispersion des fonds, manque d'instruments de référence. A titre d'exemple, voici quelques centres d'intérêt recherchés dernièrement par les lecteurs : brochures d'agences de voyage pour une thèse du 3e cycle ; comptes rendus d'Assemblées générales de sociétés de crédit mutuel du XIXe siècle ; documents intéressant les associations ouvrières, les premières coopératives ouvrières (la Verrerie d'AIbi, première coopérative ouvrière créée par Jean-Jaurès entre autres) ; prospectus de la fin du XIXe siècle concernant des appareils réprimant la sexualité, pour Michel Foucault ; etc. Il nous arrive de demander aux lecteurs de nous accompagner sur place afin de mieux cerner ce qu'ils recherchent, mais aussi pour ne pas sortir, puis reclasser, une pile de documents sans intérêt pour leurs besoins. En 1977, nous avons servi près de 200 bulletins dont les recherches peuvent être brèves ou demander plusieurs heures.

    En conclusion, le Service des Recueils tente dans la mesure de ses trop faibles moyens, de mettre à la disposition des lecteurs toutes les collections de son fonds, même si c'est une tâche difficile et ingrate parfois. Le regroupement des trois fonds devrait permettre une meilleure utilisation des ressources de nos précieuses (certains de nos documents ont pris le chemin de la Réserve des Imprimés) et uniques (nous sommes les seuls à posséder des collections aussi anciennes et complètes) collections. Le Service des Recueils devrait prendre, au fur et à mesure de ce regroupement, un intérêt évident au point de vue de la recherche scientifique en général, mais plus particulièrement dans les domaines économiques et sociologiques. L'effort est considérable. mais l'enjeu en vaut la peine. Publications mineures, arts mineurs, cela ne forme-t-il pas un tout qui constitue notre culture ?

    1. Voir : La contribution de Madame Honoré pour les « Mélanges offerts à Monsieur Julien Cain », Paris. 1968. p. 57-66. retour au texte

    2. Voir : Le catalogue de l'exposition organisée à la Bibliothèque Nationale tn 1975, sous la Direction de R Pierrot » Le Livre dans la vie quotidienne ». retour au texte

    3. En 1977 le Service a traité près de 9 000 brochures et établi 800 fiches bibliographiques environ sans compter les fiches de renvois. retour au texte