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    Projets Nord-Américains

    Par Chauveinc Marc

    Je voudrais présenter ici deux communications qui proviennent du continent nord-américain et révèlent l'esprit d'entreprise, l'imagination, le sens des responsabilités nationales qui nous font bien défaut, puisque nous chicanons sur les projets d'envergure, et que nos querelles stériles nous font faire depuis des années un sur-place épuisant mais parfaitement inefficace.

    Le premier projet est américain, il s'agit du développement d'un « Système national de périodiques » dont M. Welsh, directeur adjoint de la Bibliothèque du Congrès a rendu compte. Partant de la constatation que le prêt interbibliothèques (10 millions de prêts] fonctionnant depuis 1865 devient pour les grosses bibliothèques une charge insupportable (rappelons que grosse bibliothèque veut dire aux Etats-Unis 4 à 5 millions de volumes), les responsables de ARL ont étudié dès 1970 différentes solutions. Cette étude est reprise en 1975 par la National Commission on Libraries and Information Science qui a publié en 1977 un rapport intitulé : « Effective access to the periodical litterature : a national program ».

    Le but est assez simple mais doit être rappelé : « Placer tous les habitants du pays dans les mêmes conditions d'accès aux ressources de l'information » et ceci par une amélioration de l'accès aux documents, une accélération de celui-ci, une diminution de la charge des grands établissements et une utilisation plus efficace des fonds individuels.

    Il s'agissait aussi de :

    • - réduire le coût du prêt inter ;
    • - trouver une méthode sûre d'accès au document alors que le prêt inter traditionnel est très aléatoire ;
    • - permettre aux bibliothèques déchargées d'une tâche extérieure, de mieux consacrer leurs moyens à leurs propres besoins, donc de réajuster leurs collections ;
    • - d'assurer une saine conservation des périodiques ;
    • - d'assurer enfin le respect des auteurs et éditeurs.

    Le système proposé est un système à trois niveaux :

    Niveau 1 : Bibliothèques locales, d'Etat et régionales chargées de satisfaire les besoins courants des lecteurs sur place.

    Niveau 2 : Centre national de périodiques possédant un fonds exhaustif de périodiques lui permettant de répondre aux demandes non satisfaites au premier niveau.

    Niveau 3 : qui se compose des Bibliothèques nationales et de grandes bibliothèques faisant office de bibliothèques de dernier recours par leurs collections uniques, à l'appui des deux premiers niveaux.

    Le Centre National des Périodiques

    La Bibliothèque du Congrès a été chargée de préparer ce CNP à condition que les locaux et les crédits lui soient attribués.

    Ce CNP serait constitué d'une collection de périodiques uniquement, d'environ 36.000 titres au départ pour atteindre 60.000 titres courants par la suite (ce qui est loin des 200.000 titres paraissant dans le monde). Le Centre prendrait des abonnements à ces titres et essayerait de se procurer des collections rétrospectives. Dans un premier temps la médecine sera exclue puisqu'il existe un système efficace de prêt centré sur la National Library of Medecine.

    Le CNP doit établir un catalogue collectif de tous les périodiques auxquels il peut donner accès, les siens et ceux des bibliothèques de secours afin de simplifier l'accès. Ce catalogue sera fait à partir de l'ISDS. D'autre part toutes les demandes, si possible par télex ou par ordinateur, devront passer par lui afin d'uniformiser les circuits.

    A la différence de la BLLD, le CNP ne prétend pas être exhaustif mais entend bien développer l'échelon local d'une part, et d'autre part, les grandes bibliothèques. Ce catalogue collectif lui permet d'être un centre d'orientation du prêt inter.

    Toutes les bibliothèques auront accès au CNP moyennant paiement de droits qui varieront selon l'âge et l'utilisation du périodique. Les tarifs seront suffisants pour dissuader les bibliothèques de renoncer à un abonnement en ne se fiant qu'au CNP. (Un fameux rapport King sur la photocopie aboutit à des conclusions très menaçantes pour les bibliothèques).

    Le CNP aura aussi une autre fonction plus originale : service de distribution pour certains éditeurs. C'est-à-dire qu'il servira de magasin de vente pour des collections anciennes, des articles individuels et de centre pour une publication de documents à la demande. Ce rôle sera appelé sans doute à modifier la chaîne traditionnelle de production et de distribution d'information.

    La localisation du Centre n'est pas encore précisée, mais les proportions tendent vers Chicago où existe déjà un Center for Research Libraries riche déjà de 3.000.000 de documents. Il est clair que le Centre sera organisé pour :

    • - accélérer le prêt ou la photocopie des documents (transmission par ordinateur, référence par ISSN, utilisation de microfiches...) ;
    • - conserver les collections nationales.

    Le Centre sera financé par des subventions du gouvernement et par les droits des utilisateurs. Ils sont estimés à 3.750.000 $ la deuxième année, et diminueront à partir de la quatrième année lorsque le Centre aura sa vitesse de croisière.

    En conclusion, on peut dire que toutes les études entreprises aux Etats-Unis depuis 1970 ont conclu qu'un CNP était la solution la plus économique et la plus efficace pour la fourniture de documents.

    Et rappelons les termes mêmes de la communication concernant les rapports du CNP avec les bibliothèques :

    « Quelle opinion ces centaines de bibliothèques locales vont-elles se faire des services du CNP ? Leur responsabilité primordiale est la réponse aux besoins immédiats de leurs usagers. Par conséquent, nous nous attendons à ce que les plus petites bibliothèques se dotent d'importantes collections des publications les plus convoitées et qu'elles ne comptent sur le CNP que pour les ouvrages les plus rarement utilisés. Nous estimons que cela aboutira à une nouvelle répartition des abonnements (plutôt qu'à des annulations) qui sera avantageuse à tous les partis intéressés. Une politique des prix sera expressément formulée par le CNP afin de décourager les demandes d'ouvrages de grande utilisation et d'encourager, au contraire, l'acquisition de ces ouvrages au niveau local. Des décisions à l'égard des achats, des emprunts, des éliminations devront être revues dans l'optique de la sélection du CNP.

    Nous envisageons les recours aux bibliothèques du 3e niveau comme une démarche d'appui pour le CNP en ce qui concerne les ouvrages très peu recherchés. Le CNP concluera certainement des accords avec diverses bibliothèques pour la communication rapide d'ouvrages demandés... Nous souhaitons que les demandes auprès de ces bibliothèques de dernier recours se limitent aux matières spécialisées et ésotériques et que la plupart des publications demandées aux Etats-Unis soient accessibles soit par la voie du CNP, soit par la voie du réseau de bibliothèques locales ».

    Le deuxième rapport intéressant présenté à Strbské Pleso a des conséquences beaucoup plus internationales. Il est signé par J. Mc Ree Elrod, bibliothécaire de l'Ecole de théologie de Vancouver au Canada.

    Il s'agit d'un projet intéressant les bibliographies nationales et notamment la distribution des notices bibliographiques, car s'il y a une production importante de notices sur support informatique, il n'est pas certain que les bibliothèques puissent y avoir accès. La plupart du temps celles-ci refont le catalogage des documents qu'elles acquièrent alors que celui-ci est déjà fait par l'Agence bibliographique nationale.

    En dehors des questions de coût nécessité à l'achat de toutes les bibliographies nationales, la plus grande difficulté est le temps nécessaire pour les consulter afin de trouver la notice du livre à cataloguer. Une solution serait la production de ces bibliographies sur microfiches. Déjà aux Etats-Unis une compagnie privée « MARC Applied Research Company » publie pour 295 $ les MARCFICHES qui sont des répertoires cumulés avec index auteurs titres de toutes les notices publiées sur bande magnétique par la Bibliothèque du Congrès.

    Les notices elles-mêmes sont simplement ajoutées par ordre d'entrée, seuls les index sont refusionnés à chaque production. Blackwell fournit le même service avec les titres cumulés américains et canadiens (680 $ par an).

    Ni Londres, ni Paris, ni Canberra, ni Copenhague ne produisent de microfiches, c'est pourquoi J. Mc Ree Elrod fait deux propositions :

    • 1) Que toutes les bibliographies automatisées publient leurs notices en microfiches sous forme de listes numériques par ordre d'entrée avec des index cumulés. Cette édition sur microfiche, dont le gros intérêt est la cumulation régulière des index (pluri-annuelle), serait disponible en dehors de la publication imprimée.
    • 2) Ces index nationaux seraient fusionnés dans un seul index de toutes les bibliographies nationales. C'est une idée simple, mais neuve et très intéressante. Pouvoir consulter dans un seul registre sur microfiche toutes les bibliographies nationales, quel gain de temps et d'argent. Car l'abonnement aux microfiches doit être bien inférieur à celui des éditions imprimées.

    Le troisième rapport ayant retenu mon attention est celui de Michael Malinconico sur les Mémoires de masse et l'organisation de fichiers.

    Il est évidemment très technique et n'intéresse que les « mordus » de l'informatique. Toutefois cette technique se popularise, redescend de son piédestal pour se répandre dans le public et il n'est pas inintéressant de connaître les tendances de l'évolution. Qui dit informatique dit prévisions à long terme et une grande partie de la science informatique consiste à prévoir le futur.

    Partant des progrès formidables de l'informatique ces dernières années et de la diminution des coûts par un accroissement de puissance, un miniordinateur a la capacité d'un ancien ordinateur normal mais vaut sept fois moins.

    L'équilibre des prix est différent de ce qu'il était, le processeur central diminuant par rapport aux mémoires périphériques et ne représentant plus que 1/4 et même parfois moins de l'installation totale.

    Une étude plus précise des mémoires de masse en accès direct, c'est-à-dire des disques magnétiques, montre que les premières mémoires mises sur le marché vers 1960 coûtaient environ 56.30 $ le million d'octets. Actuellement il en coûte environ 3 $ de stocker ce million d'octets.

    Mais, ajoute l'auteur, les systèmes bibliographiques ont toujours été conçus avec une génération de retard et en tenant compte de limitations qui n'existent plus.

    Citant BALLOTS il précise que ce système offre sans doute les possibilités de recherche les plus sophistiquées, ce qui lui interdit une mise à jour en temps réel.

    Par contre OCLC offre cette mise à jour en temps réel mais un système de recherche fort sommaire et déjà périmé (clé 3, 1, 1, 1).

    Il semble bien que dans le contexte technique actuel, les deux objectifs soient inconciliables : on ne peut pas à la fois obtenir un système de recherche sophistiqué et un système à mise à jour permanente. En effet un système de recherche perfectionné et rapide est fondé sur la duplication de l'information afin de limiter les accès disque (utilisation d'index). Cette multiplication des clés d'accès crée lorsqu'on doit modifier une notice une multiplication des corrections, donc on réduit les performances.

    Deux solutions sont possibles pour résoudre cette difficulté :

    • - soit reporter les mises à jour en différé (traitement de nuit) ;
    • - soit utiliser un accès indirect aux notices : les index renvoient à un numéro qui renvoit à l'adresse physique. Seule cette adresse est modifiée en cas de correction.

    Mais ce ne sont que des palliatifs car fondamentalement « recherche documentaire raffinée et mise à jour efficace sont des objectifs contradictoires ». Il faudra attendre 5 à 10 ans un matériel permettant de lever cette contradiction mais en attendant il faut utiliser le matériel existant et amortir les systèmes sur dix ans car ils sont alors périmés.

    En conclusion, l'auteur remarque que les tendances actuelles montrent une décroissance des coûts des mémoires de 25 % par an et une croissance de leur capacité de 10 % par an, ce qui permet seulement d'équilibrer la croissance des données, donc de maintenir l'efficacité actuelle des systèmes mais pas de l'améliorer. Il faut attendre 4 à 5 ans pour que la technique ait suffisamment progressée pour dépasser le taux d'accroissement des données et permettre une amélioration des systèmes, car la difficulté ne vient pas de la capacité de mémoire disponible mais du nombre d'accès disque, c'est-à-dire de la vitesse d'accès qui ne peut s'améliorer avant 4 ou 5 ans.