Cet article reproduit, avec l'autorisation de M. l'Administrateur général de la Bibliothèque nationale, le texte paru dans la plaquette illustrée publiée par la Bibliothèque nationale.
Se détachant de l'ensemble du Palais pour s'enfoncer dans le jardin, les deux galeries superposées, destinées à recevoir des objets d'art collectionnés par le cardinal Mazarin, furent construites par François Mansart au cours des années 1644-1645.
Des coupoles, au nombre de trois sans doute, occupèrent, à l'origine, le plafond de la partie haute (appelée aujourd'hui Galerie Mazarine). Leur effet n'étant pas très heureux, elles furent rapidement bouchées et remplacées par un plafond à voussures, d'une forme alors nouvelle à Paris. C'est cette voûte que Mazarin réserva à cette grande manifestation de baroque romain qu'il ambitionnait de faire en France déjà du temps de Richelieu.
Faute de pouvoir compter sur le premier peintre de Rome, Pierre de Cortone, le Cardinal eut recours, vers la fin de 1645, à un élève de l'artiste défaillant : Gian Francesco Romanelli (1617-1662) dont le talent se confirmait chaque jour. Le peintre avait déjà proposé ses services en 1642 et savait travailler à l'huile comme à fresque. Sa manière « aisée et vive », plaisait aux Français de Rome et faisait bien augurer des réactions de la Capitale. De plus l'artiste acceptait l'idée d'un séjour à l'étranger, tout en cherchant à le rendre le plus court possible. On pouvait ainsi espérer que les travaux iraient bon train. Cependant, malgré sa hâte d'aboutir, Romanelli ne se fit accompagner que d'un aide, Paolo Gismondi (dit le Pérugin). Contrairement à l'opinion reçue, Gian Francesco Grimaldi, un autre peintre qui viendra de Rome un peu plus tard, n'a contribué en rien à la décoration des grandes galeries, haute ou basse. En arrivant à Paris, Romanelli ignorait quels travaux lui seraient exactement confiés. Il ne sut qu'à la mi-juin 1646 l'ampleur des tâches qui l'attendaient et qui consistèrent essentiellement à orner de fresques la voûte de la Galerie du haut.
Romanelli offrit à Mazarin de représenter des scènes de l'Histoire romaine. Mais elles avaient l'inconvénient de souligner par trop les origines étrangères du Cardinal. Mazarin leur préféra le thème « plus gai et mieux adapté au goût du pays » des Métamorphoses d'Ovide. Il ne faut donc pas attribuer, comme c'est souvent le cas, de signification particulière au choix des sujets. Il ne s'agit que de montrer de belles images, de lecture facile et pudique. « L'honnête homme», nourri de lettres classiques, n'a aucune peine à reconnaître le Jugement de Pâris, l'Incendie de Troie ou même Apollon et Daphné, etc. Seule la scène de Romulus et Rémus prend quelque liberté avec le texte latin, évoquant, sans insister, la patrie du Ministre.
Les travaux furent réalisés très rapidement, sous la direction de Romanelli. L'artiste résolut d'abord de compartimenter la surface à décorer. Conciliant la tradition et la nouveauté, il distribua la voûte en trente-huite secteurs de taille et de forme variées. Ainsi lui-même et son aide pourraient-ils se répartir le travail et gagner du temps. Alors qu'au début de juillet 1646 stucateurs et doreurs s'activent, Romanelli prépare les cartons. Au mois d'août suivant, il commence, selon toute vraisemblance, par la scène d'Apollon et des Muses. Le temps étant beau, la chaux sèche vite. Selon ses prévisions, Romanelli réussit à terminer ses travaux à l'automne de 1647, son aide exécutant sans doute de son côté des décors secondaires ou des clairs-obscurs. En un an et demi, la galerie haute est achevée. Afin de mieux séduire le public parisien, Romanelli a su contenir sa vivacité naturelle, son exubérance italienne. Volontairement, il fait preuve d'un baroque tempéré.
Dans l'esprit de Mazarin, la venue de Romanelli est un événement capital puisqu'il permet aux Français de se familiariser avec une forme d'art mal connue d'eux. En ce sens le palais du Cardinal est un témoin et un relais. Les artistes d'Outre-Monts viennent donner des leçons. A Paris Romanelli a remporté un grand succès de curiosité. Ses fresques marquent une étape importante de la politique artistique de Mazarin et de son action en faveur du baroque romain. De tels efforts recevront leur consécration le jour où le même artiste sera chargé de décorer au Louvre les appartements d'été de la Reine Anne d'Autriche.
On découvrit à ce moment que la charpente ancienne de la Galerie Mazarine, mal aérée depuis les travaux du XIX e siècle, avait été dangereusement attaquée par des moisissures, puis par des vrillettes. Un assainissement et un renforcement des bois étaient indispensables. Ceci impliquait le soutien intérieur de la voûte, dont les peintures devraient ensuite être restaurées.
Cette opération complexe fut étudiée, de concert avec l'architecte en chef M. André Chatelin, par M. Jacques Dupont, inspecteur général des monuments historiques, et par la Bibliothèque nationale, qui firent appel au Centre technique du bois, et à MM. Paolo Mora, de l'Istituto centrale del Restauro de Rome, et Marcel Stefannaggi, ingénieur chef de laboratoire au Laboratoire de recherche des Monuments historiques de Champs-sur-Marne. Ce laboratoire analysa les pigments et les liants. Les ateliers photographiques de la Bibliothèque nationale établirent les clichés photographiques en couleurs et à l'ultra-violet.
La voûte de Romanelli est peinte à fresque. Les pigments, essentiellement des terres, furent posés directement sur la couche de chaux et le peintre les complèta par des rehauts de lapis lazzuli, ajoutés à sec. Avec le temps la voûte se fissura, des infiltrations en dégradèrent certaines parties et des couleurs devinrent pulvérulentes.
En 1868-1871, une restauration, nécessaire pour masquer les fissures et les taches d'humi-dité, déborda très largement les parties détériorées ; on voulut, semble-t-il, aviver les lumières, et l'on réduisit les draperies originelles des personnages. On utilisa des pigments, comme le blanc de plomb, et un liant de cire, qui jaunirent et foncèrent en vieillissant.
La nouvelle restauration des peintures fut accomplie, de mars 1976 à juin 1978, par une équipe dirigée par Mme Michelle Genovesio-Lemercier. La fresque a été nettoyée, les repeints ont été enlevés : ils couvraient parfois la presque totalité d'une scène. Pour la consolidation des parties pulvérulentes et les raccords, on a utlisé des produits acryliques, dont les couleurs se modifient peu en vieillissant et qui pourraient être retirés avec des solvants usuels.
On peut considérer que les visiteurs de notre temps auront, des fresques de Romanelli, la vision que découvrirent les hôtes de Mazarin.