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    Par Jacqueline Gascuel
    Ministère de la Culture, Direction du livre et de la lecture

    Bibliothèques municipales

    Données 1993

    Paris, 1995. - 175 p. ISSN 1249-5344. [distribution : Centre de documentation de la DLL, 27 avenue de l'Opéra 75001 Paris]. Bibliothèques départementales de prêt : données 1993 et 1994 / Ministère de la Culture, Direction du livre et de la lecture. - Paris, 1995. - 70 p. [distribution : Centre de documentation de la DLL, 27 avenue de l'Opéra 75001 Paris].

    Pour l'ancienne que je suis disons tout de suite, pour ne plus y revenir, que la publication de ces statistiques nous laisse sur une certaine nostalgie : qu'est devenu le temps où la Direction des bibliothèques et de la lecture publique, puis la Direction du livre et de la lecture, nous sortaient périodiquement des statistiques détaillées par villes (lre édition 1971). Statistiques dans lesquelles nous nous plongions avec délices pour faire des comparaisons, évoquer discrètement devant nos élus municipaux telle ou telle performance (1) . Un bilan par département paraissait également (2) , aujourd'hui le bilan se veut global... Il serait contraire à l'esprit de la décentralisation, nous a-t-on dit, d'étaler sur la place publique les carences de telle ou telle ville prestigieuse - de tel ou tel département fier de son aura culturel - et les statistiques se donnent pour ambition de rester dans la ligne stricte d'une évaluation générale.

    Ceci ne diminue en rien la qualité des deux volumes que nous offrent aujourd'hui les services de la DLL : présentation élégante, nombreux graphiques très parlants, accumulation de données qui permettent de réfléchir sur certaines tendances, cartes donnant une claire vision de la couverture du territoire. Et les points essentiels, les évolutions significatives, voire inquiétantes, d'une année à l'autre sont bien marquées.

    Pour les municipales d'abord. La volonté d'une couverture maximale du territoire nous donne un tableau qui recense même des communes de moins de 2 000 habitants. Dès 1992 les critères ont été définis : pour être prise en compte une commune doit atteindre un certain seuil, soit pour le personnel (au moins un demi-poste), soit pour le budget d'acquisition (5 000 F au moins) et l'horaire d'ouverture (6 heures par semaine) cumulés.

    La prise en compte des communes de moins de 10 000 habitants est donc de plus en plus importante. Il y a dix ans le bilan s'établissait sur 1 029 communes dont 661 au-dessus de ce seuil ; en 1993, il recense 2 064 dont 777 seulement au-dessus de ce même seuil. Alors que le nombre des grosses communes augmente de 15 %, celui des petites est multiplié par 3,5 (345 % pour être précis). Pourquoi retenir ce seuil de 10 000 habitants ? D'abord parce que c'est celui en dessous duquel il n'a jamais été publié de bilan détaillé, mais surtout parce que c'est celui de l'intervention des bibliothèques départementales de prêt. Et dans les raisons de la progression des petites bibliothèques municipales, il faut bien voir qu'une part importante en revient à l'action des BDP et des conseils généraux sur le terrain : subventions d'équipement (ou offre de mobilier) aux BM, mise en place de l'inter-communalité, actions de formation, ou de sensibilisation des élus. Et aussi mise à disposition de collections : si certaines petites BM prêtent des vidéos alors qu'elles n'en possèdent pas ou presque pas, c'est bien parce qu'elles prêtent celles que leur confie la médiathèque départementale. Mais la progression des BM des villes de plus de 10 000 habitants, pour être moins spectaculaire, n'en est pas moins réelle : si la couverture des villes de 20 à 50 000 habitants se situait déjà il y a dix ans à 90 %, celle de la tranche en dessous (10 à 20 000 hab.) n'en était encore qu'à 67 %. En 1993 toute la tranche 10 à 50 000 hab. atteint les 91 % (bien sûr nous espérons voir bientôt affichée une couverture à cent pour cent, comme dans les villes plus importantes). Quant aux BM dont on nous dit qu'elles n'ont pas de section enfants (6) ou pas de section adultes (6 aussi), nous n'aurions jamais l'idée de les appeler BM! Et nous hésiterions aussi à conférer ce titre à toutes celles dont la gestion est déléguée à une association (171 dont un tiers dans des villes de plus de 5 000 habitants).

    J'ai dit bibliothèque ? Aurais-je dû dire médiathèque ? Pas encore vraiment : si presque toutes les bibliothèques semblent avoir des livres et savoir combien, elles ne sont plus que 602 à avoir des phonogrammes et 427 des vidéogrammes. Et même si ce dernier chiffre a plus que doublé en deux ans, il demeure encore 22 départements où il n'existe aucune vidéothèque et 15 qui n'ont aucune discothèque, dont 5 n'ont ni l'une ni l'autre. Les collections d'images fixes (fonds d'estampes ou artothèques) sont mieux représentées que les méthodes ou laboratoires de langues (respectivement dans 115 et 81 BM). Quant aux logithèques, elles demeurent tout à fait exceptionnelles (11). Félicitons la DLL d'évoquer ces trois types de supports pour 1993 : il n'en était pas question les années précédentes. Si le discours des professionnels (faisant écho au discours dominant) est souvent ambitieux dans le domaine des technologies de pointe... ils n'ont pas toujours les moyens de leur ambition - et comme le remarque Jean-Sébastien Dupuit dans l'avant-propos, lorsque l'on veut investir dans les documents plurimédias, il faut redéployer des crédits qui stagnent.

    Plus attendues peut-être sont les données relatives au personnel. Le nombre moyen d'emplois par bibliothèque ne poursuit pas sa décrue des années 1990, 1991 et 1992, l'emploi des bénévoles est plutôt en recul (25 % des effectifs contre 26 % en 1992). En revanche le personnel qualifié et les emplois spécifiques de bibliothèque continuent à diminuer, les CES représentent 11 % des effectifs...

    Depuis deux ou trois ans le volume sur les statistiques des BM comporte un chapitre consacré à définir des profils moyens - et je trouve cette pratique détestable ! Est-ce vraiment à une image de la bibliothèque publique aussi médiocre que l'on souhaite voir se référer un élu type pour évaluer sa propre bibliothèque ou définir son projet ? Car ce profil est bien au-dessous de ce qui avait reçu le nom de normes et que nous considérons comme un seuil légitime. Qu'on en juge : nous disons un employé par tranche de 2 000 habitants : ici pour une ville de cette importance on trouve 0,5 employé et une dépense de 49 000 F (salaire entre 2 500 et 3 000 F par mois) ; le profil moyen s'affiche à 835 m2pour 20 000 habitants : nous disons (avec le législateur de 1986) 0,07 m2par habitant, soit 14 000 m2pour ce type de ville. À quoi peuvent bien servir ces profils ? A savoir que les villes de 70 000 habitants touchent moins la population que les villes de 50 000 habitants ou celles de 100 000 habitants (14,7 % contre 18,5 ou 18 %) ? Et alors ? Voilà un effet des merveilles de l'exploitation informatique des données qui ne contribuera en rien à l'aménagement culturel du territoire !

    Revenons à une brochure qui nous vient, fort à point, après plusieurs années de silence : les données sur les BDP. L'annuaire publié par l'ADBDP (Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt) chaque année reflète bien les moyens et les activités de ces établissements, dans toute leur diversité - et les deux pages finales, intitulées Tendances, permettent une vue synthétique. Cet annuaire demeure donc fort utile, à tous ceux qui souhaiteront préciser l'information donnée par la brochure de la DLL, notamment pour apprécier la diversité des politiques territoriales. Mais au moment où se célèbre le cinquantenaire des BDP, il est intéressant d'avoir le constat établi par la DLL : 18 500 communes représentant 22 millions d'habitants, bénéficient des services départementaux - 90 % d'entre elles disposent d'une structure d'accueil fixe : bibliothèque municipale ou bibliothèque relais. Ajoutons que le concours départemental mis en place en 1992 fonctionne bien puisque, dès 1994, 366 communes ont été aidées à construire, aménager ou informatiser leur bibliothèque (à hauteur de 45 % de leurs dépenses). Au prêt de mobilier tend à se substituer l'octroi de crédits à la construction ou l'aménagement des bâtiments.

    Et c'est bien le changement le plus significatif depuis 10 ans - car les moyens évoluent encore de façon bien inégale et finalement assez lente. En 1983, alors que les BCP étaient censées desservir toutes les villes de moins de 20 000 habitants, elles disposaient d'un agent pour 30 000 habitants (en moyenne nationale). En 1993, elles se limitent aux communes de moins de 10 000 habitants (réduction 6 millions d'habitants), 10 d'entre elles en sont toujours à cet effectif et 14 autres n'ont encore qu'un emploi pour 25 à 30 000 habitants (soit moins qu'en 1983 si l'on tient compte des 6 millions ci-dessus évoqués). Un quart des BDP n'auraient pas vraiment décollé... et c'est dommage ; même si d'autres ont fait des progrès spectaculaires : 45 % d'entre elles ont aujourd'hui un agent pour moins de 15 000 habitants - avec une nette progression des effectifs en 1994 et un pourcentage croissant de personnel territorial (3) , accompagné malheureusement d'une progression du personnel hors statut (4) ou non spécifique.

    Pour la présence de collections de vidéogrammes ou de phonogrammes, la situation est sensiblement analogue à celle des BM : elles ne sont pas encore généralisées. Mutation probablement plus importante que celle des moyens, est celle de la nature des services : le prêt direct, considéré un temps comme la formule d'avenir, est aujourd'hui en recul, tout comme le pourcentage de communes desservies : sur 100 communes à desservir, 47,3 % ne le sont pas, 46 % le sont par des dépôts fixes et 6,7 % bénéficient d'un prêt direct. Si on calcule en population (et non plus en communes), cette tendance est encore mieux marquée. « A une période de grande expansion de la desserte, a succédé une période de restructuration du réseau existant [ ... ],, qui implique le renforcement qualitatif et la diversification des activités et des supports, le travail en partenariat dans une perspective de l'aménagement du territoire rural.

    Un autre apport intéressant de cette publication est la tentative d'analyse du réseau tout public : son personnel, ses collections, ses acquisitions - et plus loin ses lecteurs et ses prêts. Regrettons cependant que l'échantillon n'en soit vraiment trop faible pour prendre une réelle signification.

    Reste le public particulier, terme curieux pour désigner à la fois le monde scolaire et tous les dépôts dans des structures destinées à un public restreint : hôpitaux, maisons de retraite, etc. L'analyse de l'ADBDP vient heureusement compléter les chiffres de la DLL : bien qu'officiellement abandonnée en 1982, la desserte des écoles reste bien présente dans les 3/4 des BDP, celle des collèges en revanche n'en concernerait que la moitié et tendrait à reculer. Quant aux autres publics, nous n'en apprenons que peu de choses : ils représentent 13 % des publics particuliers nous dit la DLL, ils couvrent un large éventail de collectivités, des lieux de vacances à la prison, de la crèche à la maison de retraite en passant par l'armée, nous dit l'ADBDP... Et plus du tout le secteur des entreprises, pourquoi ? n'était-ce pas enfin l'occasion de rencontrer la partie active de la population ?

    1. C'est vrai qu'à une époque il y avait aussi le Cocotier qui nous permettait de connaître l'âge exact, les services civils et militaires, l'ancienneté dans leur poste de tous nos collègues conservateurs d'État (et de rêver parfois à quelque mutation prestigieuse !). retour au texte

    2. Dans les Cahiers des Bibliothèques de France pour 1953 et 1954 puis dans le Bulletin des bibliotbèques de France, avant de faire l'objet d'une publication multigraphiée dans les années quatre-vingt. Publication multigraphiée que la DLL diffuse cette année de façon confidentielle. retour au texte

    3. Conséquence normale des lois de 1986 et de la loi Hoeffel de 1994. retour au texte

    4. Les CES sont cependant moins nombreux qu'en BM. Les graphiques sont très parlants : on pourra s'y reporter pour une analyse plus fine. retour au texte