Ouvrages de référence pour les bibliothèques : répertoire bibliographique / sous la direction de Marcelle Beaudiquez et Annie Béthery. - Paris : Éditions du Cercle de la Librairie, 1995. - 478 p. ; 24 cm. - (Collection Bibliothèques). ISBN 2-7654-0591-3. Prix : 270 F.
L'année 1995 aura été généreuse pour la recherche documentaire: un nouveau manuel et une nouvelle édition d'Ouvrages de référence, il y avait longtemps que, dans ce secteur où des mises à jour fréquentes seraient pourtant de rigueur, on n'avait été à pareille fête.
e Le Manuel de bibliographie générale est issu de la pratique, de l'enseignement assuré à Médiadix depuis des années par Marie-Hélène Prévoteau et Jean-Claude Utard. La préface d'Annie Béthery le situe, en précisant sa place et sa filiation : « [il] vient donc très utilement compléter le Guide de bibliographie générale de Marcelle Beaudiquez (Saur, 1989), qui demeure une source de référence essentielle. » Il conviendra donc de préciser sur quoi porte ce complément.
L'ouvrage s'ouvre sur deux parties introductives. La première définit l'objet et les enjeux de la discipline, appelée bibliographie dans le titre, et « recherche documentaire » par la suite ; la matière première (« information et « document ») est définie, la notion de démarche de recherche est expliquée par l'exemple. La seconde partie examine L'organisation de l'information », c'est-à-dire sa structure (notices et articles), les accès (classements) et les problèmes de sa mise à jour, en distinguant le cas des annuaires, bibliographies et catalogues, de celui des dictionnaires et encyclopédies ainsi que des produits informatisés. Les autres parties sont consacrées à la description d'un choix d'instruments de recherche classés selon une typologie fonctionnelle et « multimédias ». Fonctionnelle, puisque le plan est organisé autour des fonctions cardinales de la recherche documentaire, - information immédiate, acquisition, identification (prolongée par une partie sur les fournisseurs de notices), localisation, - avec un sous-classement distinguant les catégories de documents, livres, périodiques, documents audiovisuels, et voilà pour le multimédia. Il se démarque en cela du Guide de bibliographie générale, qui, rendant compte en 1988 d'un paysage bibliographique essentiellement imprimé, adoptait le plan inverse : catégorie de documents (livres, périodiques, autres documents imprimés) subdivisés par fonctions. L'approche est donc fondée sur l'utilité et l'utilisation des répertoires. Après une introduction qui définit le type et indique ses caractéristiques, les répertoires sont décrits de façon détaillée et pratique (orientation, contenu, niveau, accès, mode de consultation). Soixante-neuf fac-similés de pages caractéristiques viennent appuyer ces descriptions.
Complément du Guide de bibliographie générale donc? Sept ans après, il en constitue une mise à jour. Mais les auteurs n'ont pas voulu le remplacer. Ils se sont visiblement interdit une partie du terrain, celui de la méthodologie de la recherche. Si l'on excepte les quelques exemples de démarches donnés dans la première partie - mais ils sont surtout destinés à délimiter la place et justifier l'intérêt de la discipline-, cet aspect n'est pas abordé. En revanche, l'accent a été mis sur la description dynamique (axée sur les possibilités d'utilisation) des répertoires.
L'information donnée est riche et précise. Et c'est le premier apport de cet ouvrage. Les deux difficultés principales de la rédaction d'un tel ouvrage ont été surmontées avec brio : fournir des renseignements précis et prévenir le vieillissement précoce qui menace dans un secteur aussi évolutif. Les auteurs fournissent des éléments concrets sur les réalisations à venir sur les grands chantiers bibliographiques. Dans le même ordre d'idées, la conclusion « Quelques questions sur l'avenir balise deux pistes. D'une part, elle greffe, sur un historique des apports successifs de l'informatique à l'élaboration des bibliographies, une mise au point convaincante sur l'évolution des modes de recherche " grand public et « expert » ; d'autre part, elle rend compte du développement des réseaux d'information jetant sur Internet un regard documentaire, qui tranche avec le discours magique dominant actuellement.
Le choix des répertoires traités par le Guide de bibliographie générale s'inscrivait dans le cadre des programmes du CAFB, du CBA et du DSB. Aujourd'hui le contexte est différent : la » déréglementation " est de règle dans notre domaine : le CAFB est défunt, les épreuves de recherche documentaire dans les concours territoriaux (assistants qualifiés de conservation et des bibliothèques) ou d'État (bibliothécaires adjoints spécialisés) ne comportent pas de programme limitatif. La latitude laissée aux auteurs leur confère, de fait, une grande responsabilité. Il servira de point de repère, le premier depuis que chacun de nous opère dans son coin, auquel confronter nos propres choix. Ce qui est loin d'être inutile, ne serait-ce que parce que les étudiants que nous formons à la recherche documentaire vont affronter une autre évaluation que la nôtre dans le cadre de ces concours. Or le choix proposé, prenant appui sur le socle indiscutable des « anciens programmes, offre des mises à jour, des ouvertures et des développements intéressants. Il introduit des secteurs nouveaux, la fourniture de notices bibliographiques, par exemple ; il prend en compte le développement des collections des documents audiovisuels et informatiques dans les bibliothèques, il fait une petite incursion hors du domaine de la bibliographie générale avec le chapitre consacré aux dictionnaires spécialisés.
C'est une occasion aussi de confronter ses méthodes d'explication avec d'autres. Alors, bien sûr on se prend au jeu et on trouve des choses à redire. Le regret de voir remettre en selle le terme de « thématique pour qualifier un mode de classement des sujets. Le classement systématique ou thématique organise les informations par grandes disciplines ou par grands thèmes. Nous réserverons le terme systématique pour les classements calqués sur une classification, c'est-à-dire sur une organisation réfléchie des connaissances et des disciplines comme le sont les classifications de Dewey, la Classification décimale universelle (CDU) ou la classification dite des libraires. Le classement thématique sera utilisé pour les autres classements, lesquels peuvent utiliser un ensemble de thèmes sans forcément avoir une volonté d'exclusivité et surtout de hiérarchie du savoir. » [p. 33] Il me semble qu'on risque de glisser d'un critère fonctionnel à un jugement de valeur et surtout qu'en introduisant cette sous-catégorie, on ne masque la différence fondamentale entre deux approches sujets : l'ordre alphabétique directement abordable et le classement raisonné (complexe ou non) qui suppose qu'on prenne connaissance préalablement du plan de classement. Un autre point : le souci de rendre compte de tous les aspects de la question, la définition des dictionnaires me semble au bout du compte peu claire. On peut lire p. 59 que « au sens strict, bibliographique, un dictionnaire est un instrument linguistique, un recueil de définitions, de mots et de renseignements sur leur usage dans la langue puis p. 93 que le terme de dictionnaire est devenu d'usage tellement courant que spontanément n'importe qui y associe un mode de classement alphabétique et pense d'abord aux dictionnaires de langue. Ne serait-il pas plus simple de rester sur le plan pratique ambiant et de retenir le mode de classement alphabétique d'articles courts comme critère définissant le dictionnaire ? Cette notion absolue est d'une utilité pratique de toute façon limitée puisque les initiés (les gens ayant subi un enseignement de bibliographie générale) se distinguent du fait qu'ils accompagnent le terme dictionnaire d'un qualificatif ou d'un complément (« encyclopédique », « de langue », biographique », etc.). Un dernier point : il me semble également que la notion de catalogue (de bibliothèque) n'est pas caractérisée avec assez de netteté : nulle part, sauf erreur de ma part, on ne met en relation, pour les opposer, les deux catégories de répertoires bibliographiques - les bibliographies qui informent sur l'existence dans l'absolu de documents et les catalogues qui informent sur l'existence de documents, dans un organisme documentaire et donnent les moyens d'y accéder. Or, on s'aperçoit, en observant les étudiants consulter indifféremment - aux deux sens du terme - catalogues et bibliographies sur le même poste de lecture de CD-Rom, que cette opposition, dont l'intérêt pratique est immédiat, est encore moins facilement perçue dans les produits informatisés.
Tout ceci n'est pas à prendre comme critiques absolues, mais bien plus comme éléments d'une confrontation de nos expériences pédagogiques dont l'autarcie actuelle des formations nous a privés. Car fournir une base concrète de réflexion sur l'enseignement de la bibliographie générale, c'est aussi un des apports de ce livre.
e Une nouvelle édition d'Ouvrages de référence... donc. C'est la quatrième. La précédente datait de 1986, c'est-à-dire d'une époque où les services sur Minitel et la base bibliographique de la Bibliothèque nationale - qui ne s'appelait pas encore BN-Opale - se profilaient tout juste à l'horizon des bibliothèques : « Elles [les bibliothèques] en seront vraisemblablement toutes équipées, ces prochaines années, quelle que soit leur importance, lorsque le problème de leur coût sera résolu » (Introduction, p. 16). En 1986, les auteurs soulignaient le développement nouveau (par rapport à 1978, date de l'édition précédente) de certains secteurs d'édition, les guides et les annuaires dans les domaines techniques, les ouvrages bibliothéconomiques, sous l'impulsion de la collection Bibliothèques, le dépérissement de certains autres, la sociologie, l'anthropologie, les ouvrages sur les partis politiques. L'évolution même de la société justifiait l'introduction de nouvelles rubriques, la Communauté européenne, la décentralisation administrative, l'emploi. Sur le front des services de référence, les nouvelles étaient déjà bonnes : « Aujourd'hui la plupart des bibliothèques possèdent de véritables services de référence^ (Introduction, p. 14). Huit ans après, les virtualités sont devenues réalités, les tendances se sont confirmées.
La nouvelle édition est restée fidèle au propos d'origine, rappelé dans l'introduction donner aux bibliothèques les références de documents disponibles susceptibles d'apporter des réponses immédiates aux lecteurs, de leur faire découvrir de nouvelles sources documentaires et même de les orienter vers l'établissement approprie (p. 13), mais l'ouvrage a pris une ampleur nouvelle. Davantage d'auteurs : Marcelle Beaudiquez et Annie Béthery sont maintenant à la tête d'une équipe de douze collaborateurs. Davantage d'ouvrages recensés et analysés : alors qu'on était passé de 900 à 970 entre 1978 et 1986, en 1995 on compte 1 304 numéros. Davantage d'ambition aussi : la disparition du mot « publiques » dans le titre manifeste le souci explicite de s'adresser à « tout type d'établissement soucieux de constituer un fonds de référence (p. 14).
Pour les oublieux ou les nouveaux dans la profession, rappelons la formule, qu'on retrouve ici inchangée. Destiné à fournir les éléments pour constituer ou développer une collection d'ouvrages de référence, cet ouvrage donne deux sortes d'indications : une sélection parmi tous les ouvrages de référence disponibles sur le marché et un commentaire éclairant les raisons de ce choix. Bien sûr, comme tous les choix, il peut être contesté : pourquoi, par exemple, l'ONISEP et ses publications sont-ils absents parmi les références concernant le choix d'une orientation ? De telles questions ne trouvent pas réponse, puisque, par force, seuls les choix positifs sont argumentés. L'analyse qui accompagne chaque titre fait donc ressortir l'intérêt de l'ouvrage et ses ressources, sauf dans quelques rares cas où on nous assène un péremptoire « ouvrage à considérer comme le plus grand classique de la question. Indispensable. " (notice 284). Les auteurs ont eu de plus la possibilité nouvelle, ou du moins plus systématique de placer des éléments en facteur commun dans un texte en tête de leurs groupes de notices, une latitude qu'ils ont employée à définir les principes généraux de leur sélection, comme dans la rubrique "Droit et administration », ou à caractériser l'évolution récente de leur secteur (rubrique « Religion ,), à présenter les développements technologiques dans un secteur (encyclopédies multimédias).
Il s'agit d'une bibliographie pour aider aux acquisitions, pas d'un ouvrage de méthodologie. Toutefois, les rubriques, qui reprennent la structure de la classification décimale de Dewey, sont subdivisées selon une typologie des instruments : guides, bibliographies, dictionnaires et encyclopédies, histoires, dictionnaires biographiques, répertoires d'adresses, autres ouvrages de référence. Un index dictionnaire renvoie aux numéros des notices (ou à un numéro de page quand l'ouvrage est cité en dehors d'une notice) à partir d'un nom d'auteur, d'un titre ou d'un sujet. La comparaison avec l'édition précédente montre des évolutions qui peuvent provenir de différents facteurs : évolution de l'offre éditoriale, évolution des demandes des lecteurs, changement d'auteurs. L'ouvrage a fait un saut quantitatif important depuis 1986, on l'a vu, en passant de 970 à 1304 numéros qui correspondent à un nombre plus important encore de titres. Les divers produits issus d'une même base de données n'ont pas reçu de numéros distincts, par exemple. Cette augmentation globale a profité à toutes les classes, mais pas dans les mêmes proportions. Parmi les classes qui ont le plus progressé, la religion a plus que doublé grâce au développement des généralités, des ouvrages sur le christianisme et sur l'islam ; beaux-arts, musique et loisirs a presque doublé : la musique, qui avait été pratiquement laissée de côté en 1986 parce qu'Yves Alix venait de publier Ouvrages de référence sur la musique ou les phonogrammes, a été réintroduite et les arts figuratifs ont été plus largement traités. Du côté des domaines stables, on trouve les sciences et techniques qui ne comptent que huit numéros de plus ; la plupart des disciplines composant cette rubrique baissent même légèrement, sauf trois : physique-chimie (de 14 à 28 numéros), économie domestique (de 5 à 17 numéros) et surtout informatique et micro-informatique (de 8 à 30 numéros). Cette évolution en valeur absolue ne modifie toutefois pas fondamentalement le poids respectif de chaque grand domaine.
Une des nouveautés de cette édition est bien sûr l'arrivée des instruments informatisés à côté des imprimés. Les CD-Rom et les accès en ligne, essentiellement les services vidéotex, figurent maintenant dans l'arsenal des services de référence. La place grandissante des bases et banques de données justifie qu'une rubrique leur soit consacrée au sein des généralités après les répertoires consacrés aux livres et aux périodiques. Les documents audiovisuels sont moins. bien traités : les répertoires de documents sonores sont abordés en musique, mais Écoutez Voir n'est pas cité (a-t-il été oublié, jugé pas intéressant ou n'a-t-il pas trouvé sa place ?) ; je n'ai par ailleurs pas réussi à trouver de répertoires de vidéogrammes.
La modification du titre dénote un élargissement du public visé par l'ouvrage. Cela revient à poser le problème de la limite supérieure de la sélection. Cela paraît plus une adaptation du titre du fait que l'information contenue peut, et pouvait déjà dans les éditions précédentes, guider aussi le développement des collections d'ouvrages de référence de base dans les bibliothèques universitaires (c'est d'elles, je pense, qu'il s'agit), que d'une évolution. Le public d'origine reste au coeur des préoccupations des rédacteurs. On demande aux répertoires sélectionnés d'être accessibles au public des non-spécialistes, d'où de nombreuses formules du genre « traite le sujet de façon approfondie mais accessible au profane dans les commentaires. La titulaire de la rubrique Droit et administration introduit son chapitre en signalant que « le choix effectué rassemble des ouvrages de référence; il serait insuffisant pour un choix spécialisé" et réussit par ailleurs avec beaucoup de virtuosité à esquisser à travers les commentaires particuliers de chaque titre deux profils de fonds de référence juridique de niveaux différents. En règle générale, la plupart des sélections tiennent compte des différences de développement existant entre les bibliothèques publiques et différencient les ouvrages de référence pour les grandes bibliothèques des autres. D'autre part, cette bibliographie privilégie les ouvrages de référence immédiate ; la bibliographie spécialisée est représentée par les guides bibliographiques et méthodologiques d'ensemble de chaque domaine ainsi que, souvent mais pas systématiquement, au moins la principale bibliographie courante (Historical abstracts, Bibliographie géographique internationale, Bibliographie d'histoire de l'art, etc.).
On a donc là une édition renouvelée et enrichie d'une bibliographie dont la pertinence ne se dément pas. Elle a donné l'impulsion et le soutien technique nécessaire au développement des services de référence dans les bibliothèques publiques. On ne peut que souhaiter de ne pas attendre une décennie la prochaine édition, imprimée ou non.