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Histoire de l'Université de Paris et de la Sorbonne

1995
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    Par Maud Espérou
    André Tuilier, préface de
    Michèle Gendreau-Messaloux

    Histoire de l'Université de Paris et de la Sorbonne

    Paris : Nouvelle librairie de France, 1994. - 2 volumes. - (Les grandes études historiques de la Nouvelle librairie de France).

    La Nouvelle librairie qui, dans le temps, a édité, avec bonheur, plusieurs grandes synthèses historiques, publie deux fort beaux volumes sur l'université de Paris et la Sorbonne. André Tuilier, qui a longtemps travaillé à la bibliothèque de la Sorbonne et en a été le directeur pendant plus de dix ans, était mieux à même que quiconque de nous conter les grandes et petites heures de l'université de Paris. L'ouvrage, dont le premier tome va des origines à Richelieu et le second de Louis XIV à nos jours, s'ouvre à l'aube du brillant XIIe siècle et se termine après les journées tumultueuses de mai 1968. En moins de 1 300 pages, le lecteur trouvera réunis l'histoire culturelle et intellectuelle de l'Université et des ses clercs mais aussi ce qu'il faut savoir sur tous les enseignements et les grades, de la théologie aux mathématiques, de la philosophie à la physique nucléaire, du droit à la médecine, etc. Huit siècles de certitudes et de foi, d'interrogations et de doutes, de censures et d'ouvertures sur le monde sont ainsi retracés. Le grand mérite d'André Tuilier est de nous faire revivre la montagne Sainte-Geneviève avec ses constructions et ses rues, avec ses professeurs et ses élèves et leurs conflits, sur la longue durée. Il offre, ainsi, à tout lecteur curieux, une synthèse de tout ce qui était dispersé dans des publications anciennes, épuisées ou rares, ou dans des monographies savantes et trop spécialisées.

    Le découpage des chapitres en paragraphes significatifs facilite la lecture. Qui serait pressé et voudrait se limiter à une seule période, ou à une seule approche, dans un temps donné, pourrait recourir à la table des matières très détaillée et aux deux index de noms de personnes et de noms de lieux, à la fin de chacun des tomes. Une chronologie comparée, de 1143 à nos jours, événements en France, événements hors de France, l'université de Paris et les universités françaises, rythment les moments importants de la vie universitaire parisienne.

    Pour parfaire cette somme, le texte est accompagné d'une abondante iconographie de qualité. Nous aimerions signaler tout particulièrement la carte du Quartier latin qui dessine, avec beaucoup de clarté, l'espace des clercs parisiens du XIVesiècle, ainsi que toutes les illustrations, dessins, gravures, photographies, consacrées à l'Ancienne Sorbonne et à la Nouvelle Sorbonne. Les anciens étudiants de l'université de Paris retrouveront, avec une certaine nostalgie, des noms et des lieux familiers, dans une autre temporalité et dans un autre environnement.

    Cette oeuvre, si réussie soit-elle, qui couvre le domaine de l'enseignement supérieur où la contestation est de mise, suscite quelques regrets. On aurait aimé que les heures noires ou tout simplement les faiblesses de l'université de Paris soient mieux marquées. Les disciplines enseignées à la faculté des lettres ont été trop longtemps tributaires de l'enseignement secondaire ; les ouvertures se sont faites difficilement vers de nouvelles études. Les sciences sociales sont entrées par la petite porte à la faculté des lettres ; l'« establishment de la Sorbonne a accueilli très mal les premiers écrits de Durkheim : il a enseigné la sociologie à Paris à partir de 1902, comme suppléant à la chaire de F. Buisson, en sciences de l'éducation. Ce n'est qu'en 1913 que la chaire qu'il occupait prit le nom de « science de l'éducation et sociologie et qu'en 1932 qu'elle prit le nom de "sociologie tout en étant rattachée à l'enseignement de la philosophie. Au-delà des idées politiques, l'université de Paris, a fait montre d'un certain conservatisme. Les femmes n'ont pas été nombreuses avant la seconde guerre mondiale à être nommées professeurs. La nomination de Marie Curie à la faculté des sciences ne peut faire oublier que Paul Appell, alors doyen de la faculté des sciences, était prêt, quelques années plus tard, à lui retirer sa chaire après que les journaux à scandales aient révélé sa vie privée.

    Toutes les grandes bibliothèques parisiennes, rattachées à l'université de Paris, méritent à elles seules une histoire, mais la place qui leur est accordée dans ces deux volumes paraît insuffisante, surtout quand on connaît leur rôle primordial - et qui mieux qu'André Tuilier le sait - dans l'enseignement et la recherche. Leur passé et les collections prestigieuses qu'elles conservent sont souvent ignorés d'un public non initié ; on aurait aimé une mise en valeur plus éloquente de ces richesses. Les difficultés des étudiants à trouver une place libre dans une bibliothèque parisienne, les insuffisances des ressources documentaires, qui remontent à plusieurs décennies, auraient mérité d'être développées.

    Ces quelques remarques ne doivent surtout pas cacher l'ampleur du travail accompli par André Tuilier. Nous souhaitons que très rapidement cette Histoire de l'Université de Paris et de la Sorbonne garnisse tous les rayons des bibliothèques, qu'elles soient universitaires ou municipales ; chacun y trouvera son miel.