Il n'est pas dans les habitudes du Bulletin de « critiquer » des manuels d'enseignement. Pourtant, celui-ci a retenu notre attention, car il est conçu comme un support de l'enseignement du DEUG « médiation culturelle et communication », qui a pris la place des fameuses filières info-com. En un mot, cet enseignement est celui de nombre de nos jeunes collègues, qui passent les concours ou suivent les enseignements d'IUT, ou du tronc commun des FIA-CNFPT.
Je ne m'autoriserai pas à faire une critique, mais plutôt à noter quelques remarques sur le fond et la forme, en relation avec les réflexions que les bibliothécaires mènent sur l'évolution du métier vers la médiation culturelle.
Le manuel porte sur les sciences de l'information et de la communication: ces sciences (ne vaudrait-il pas mieux dire disciplines?) sont multiples, et surtout se réfèrent à de multiples disciplines ou sciences, dont les théories ne sont pas fixées. Ce qui provoque une véritable difficulté à proposer une lecture simple ; en effet, chaque référence fait nécessairement appel à plusieurs interprétations : diverses théories psychologiques, psychanalytiques, linguistiques... Les bibliographies sont longues et très diverses, mais marquent surtout l'impossibilité de fixer un abord unique du sujet. Pour le jeune étudiant, qui n'est pas encore expert dans la lecture des philosophes, des linguistes, des psychologues, des psychanalystes..., la lecture en sera probablement très ardue. Mais surtout toute lecture critique lui est interdite, puisqu'il ne pourra pas maîtriser les éléments du débat ! Ce manuel est collectif, en cela que ses chapitres sont écrits successivement par des auteurs différents. Cela donne - m'a-t-il semblé - beaucoup de redites, de redéfinitions de cette fameuse communication. Chaque auteur tourne autour de cette notion, la communication n'étant vue que très modélisée : mise en relation par le canal d'un émetteur et d'un récepteur. Selon les moments et les chapitres, seront différenciés les différents émetteurs, les récepteurs, et les types de canaux, selon que l'on adopte les points de vue psychologiques, sociologiques... Pourtant, les auteurs se refusent à entrer réellement dans l'un de ces points de vue, ce qui laisse une impression de survol, de superficialité, de touche-à-tout.
Ce qui m'a beaucoup gênée, dans les allusions trop rapides aux initiateurs de la théorie mathématique de la communication (Weaver et Shannon) : il est pour le moins douteux, et probablement incompréhensible pour la quasi-totalité des lecteurs, d'écrire (p. 105) que P« annulation de l'entropie [soit le négatif de l'information] par émission de signes » (sic) serait l'idée que les théoriciens de l'information se feraient de l'information ! Jamais un mathématicien, ou un physicien, n'aurait pu parler d'annuler l'entropie ! De même, l'école de Palo Alto, avec Watzlawick, Bateson, est très abondamment citée ; il me semble néanmoins que leur pensée est quelque peu appauvrie, car privée de ses références fondamentales, et plus particulièrement dans l'étude des relations intra-familiales.
Les auteurs citent de nombreuses références, au cours de leur texte ou en bibliographie, mais oublient parfois de définir les termes utilisés (les définitions sont justement à trouver dans les lectures). Pour le non-spécialiste, cela donne un effet de grande érudition, difficile à partager, d'autant qu'il n'y a pas de lexique, ni de glossaire et que certains termes sont utilisés par différents auteurs, pas nécessairement avec les mêmes connotations...
Tout le livre parle de communication, évoque la sémiologie, l'étude des symboles et du sens ; en revanche, les supports de l'information, de la communication ne sont presque pas considérés : 14 pages (sur plus de 400) sur la communication écrite, dont... une page sur les nouvelles formes de la communication écrite (i. e. la bureautique, la télématique, la télécopie). Ce cours semble vouloir surtout traiter de la communication immatérielle et - si j'ai bien compris - sépare assez rigoureusement les spécialistes des sciences de l'information et ceux du « traitement de l'information (documentalistes, bibliothécaires). Les bibliographies, en fin de chapitre, et les notes bibliographiques, en bas de page, sont très complètes, souvent redondantes d'un chapitre à l'autre, pour qui voudra approfondir, ou constituer un fonds sur le sujet.
Comme je l'ai dit en introduction, ceci ne saurait être une critique, tout au plus quelques remarques suite à une lecture certainement trop rapide, et par une non-spécialiste ...