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    Recherche image désespérément

    Par Marie-Thérèse VARLAMOFF, Chargée des Relations
    Par Emmanuelle GIULIANI, Attachée commerciale.

    Lorsqu'on pose la question de l'image de marque de la Bibliothèque Nationale, on doit d'abord s'interroger sur le terme même d'image de marque appliqué à une bibliothèque. Peut-être vaudrait-il mieux parler tout simplement d'image comme étant la représentation que le public se fait de la bibliothèque. A bien y réfléchir nous devons constater, avec modestie et lucidité, que cette image est malheureusement souvent floue sinon absente. Toutefois, lorsqu'elle existe, il s'agit d'une image variable suivant le public qui la perçoit. Qu'elle soit négative ou positive, ses contours sont indécis et son contenu erroné.

    A cela, deux raisons sans doute : en dépit de son appellation la Bibliothèque Nationale franchit de beaucoup les limites d'une bibliothèque : c'est un véritable conservatoire de la mémoire, voire de la culture au sens «langien» du terme. L'écrit certes, mais aussi l'image, le son, la monnaie et l'objet d'art, pour ne citer que ces exemples, y sont représentés : comment avoir alors une image globale, cohérente de l'établissement ?

    Au coeur des choix parfois contradictoires des différentes politiques culturelles françaises, la Bibliothèque Nationale suscite des polémiques latentes ou exacerbées que les professionnels, les usagers ou le «grand public» reprennent, amplifient, déforment. Comment avoir alors une image objective et exacte de l'établissement ?

    Image éclatée, image tronquée, image déformée, nous essaierons néanmoins d'en dresser le bilan par une typologie image/public : à chaque catégorie de public, à chaque cible, l'image qu'elle se fait de la Bibliothèque Nationale. Puis, nous identifierons les actions diverses dans les domaines de la promotion, de la communication, de l'animation qui contribuent chacune et toutes ensemble à l'évolution d'images existantes vers une image plus globale. Enfin, nous tenterons d'analyser les obstacles internes à la Bibliothèque Nationale et ceux, plus généraux, qui entravent l'émergence d'une identité suffisamment forte, seule garante d'une véritable image.

    1 - Une image, des images.

    A la simple question : «pour vous, la B.N. c'est quoi ?», les réponses, amusantes ou étonnantes, vagues ou précises, reflètent le plus souvent les préoccupations ou l'appartenance socio-culturelle des personnes interrogées. Un sondage rapide dans la rue révèlera crûment l'ignorance de nombre de nos concitoyens. D'autres associeront la B.N. aux Archives Nationales, à l'Imprimerie Nationale, voire très souvent à la Biscuiterie Nantaise ou à une Banque. Preuve, s'il en est besoin, que ce temple du savoir est encore loin d'avoir une renommée universelle et que beaucoup reste encore à accomplir pour la faire connaître. Encore faut-il être conscient que même ceux qui croient bien connaître l'institution n'en ont le plus souvent qu'une connaissance parcellaire.

    C'est souvent le cas des utilisateurs : lecteur d'un jour, ayant eu à s'initier à la pratique des catalogues et à découvrir la complexité voire l'ésotérisme des différentes opérations aboutissant à l'obtention d'un ouvrage, ou lecteur régulier, familier d'un département, qui connaîtra à fond son domaine de recherche mais ignorera les autres richesses de la maison. De même le visiteur de telle ou telle exposition, bien qu'habitué de ces manifestations, a souvent du mal à globaliser les multiples activités et orientations de la maison. La presse elle-même, grand consommateur de la bibliothèque, puise dans ses collections la matière de ses articles ou l'utilise comme thème de ses investigations mais ne la connaît pas toujours aussi bien qu'elle le prétend et l'assimile trop souvent à un service SVP ou à un centre de documentation dont elle serait le client privilégié que l'on doit satisfaire à tout prix.

    A ces utilisateurs viennent s'ajouter tous ceux qui, lointains, pressés ou mal renseignés, écrivent ou téléphonent pour obtenir le renseignement qu'ils n'ont pas trouvé ailleurs : la Bibliothèque Nationale devient alors le refuge des recherches désespérées sans que l'assurance d'une réponse exacte et exhaustive puisse être donnée. D'où une définition très subjective de l'institution suivant le taux de satisfaction de l'interlocuteur. La notion de Dépôt légal fait très souvent dévier le rôle de collecteur de l'écrit vers celui de dépôt de brevets et nombre d'écrivains ou de scénaristes non encore publiés souhaitent déposer leurs manuscrits afin de se protéger d'éventuels plagiats. La Bibliothèque Nationale revêt alors un rôle juridique qui dépasse ses compétences et sa mission.

    Quant aux professionnels, bibliothécaires, documentalistes, libraires ou éditeurs, ils croient la connaître mais ont souvent des a priori liés à une connaissance incomplète, idéaliste, dérivée des lacunes de leur propre milieu professionnel dont la Bibliothèque Nationale devrait, selon eux, être le complément.

    II - Construire son image :

    Le Logo

    Depuis bien des années, la Bibliothèque Nationale envisageait de s'attribuer un logo type. Mais ce n'est qu'en 1987 que ce désir est devenu réalité par 1 ' organisation d'un concours, le choix définitif d'un logo et son dépôt à l'I.N.P.I. (Institut National de la Propriété Industrielle). Signalons, pour la petite histoire, les étranges mais néanmoins sérieuses tractations juridiques avec la Biscuiterie Nantaise dont le «BN» était déjà déposé et illustré graphiquement depuis le 19ème siècle !

    La Bibliothèque Nationale a voulu que ce logo soit une marque de fabrication qui identifie, comme né de l'établissement, tout produit administratif, commercial, intellectuel... On voit bien que le logo participe d'une volonté d'image et de rassemblement face à l'éclatement, pour ne pas dire parfois aux féodalités, qui compromettent la cohérence de l'établissement.

    Le logo choisi par un jury composé pour moitié de personnel de la Bibliothèque réunit les deux atouts suivants :

    • il est utilisable par tous les services de l'établissement et «déclinable» sur tout support, écrit mais aussi audiovisuel, en deux ou trois dimensions...
    • Le graphisme de ce logo résout le paradoxe d'image de la Bibliothèque Nationale : l'ancien, grâce au «B» d'écriture anglaise, et le moderne, par le «N» résolument contemporain.

    Enfin, les trop classiques et trop nationaux bleu blanc rouge, ont été écartés de manière unanime au profit d'un rouge et d'un noir plus littéraires....

    Accueillir et informer

    Les efforts entrepris récemment pour dépoussiérer l'image auprès des utilisateurs et améliorer le service public peuvent se répartir en cinq secteurs : réaménagement des locaux, publications pratiques diverses, organisation de visites, informatisation de la base bibliographique et amélioration de la communication des ouvrages.

    Locaux

    Le Service Photographique a, début 88, entièrement renouvelé sa salle d'accueil: un espace convivial est désormais à la disposition des clients et le service a été amélioré par l'introduction de 1 ' informatique dans les commandes et la gestion. D'autres secteurs de la maison sont également en cours de réaménagement tels la Réserve des Imprimés et le Service d'Accueil-Information dont les nouvelles installations seront ouvertes au public fin 88.

    N'oublions pas de citer l'annexe Vivienne, inaugurée en 1985, dont les 17.000 m2supplémentaires ont apporté un souffle d'air au quadrilatère. Si les espoirs d'ouverture au public ont quelque peu tourné court dans la Galerie Colbert, faute d'une infrastructure en personnel suffisant, les efforts se concentrent depuis quelques mois pour réaménager certains espaces - ce fut le cas récemment de la Galerie d'exposition de photographie - et pour planifier une politique d'animation globale qui utiliserait les différents espaces autour d'un thème commun. Fin 88 le centenaire de Charles Cros et le cinquantenaire de la création de la Phonothèque seront prétexte à une série d'expositions et de manifestations. En 1989, le bicentenaire de la Révolution et en 1990 un hommage à Champollion seront les points forts de cette nouvelle politique.

    Publications

    Pour mieux informer les utilisateurs, diverses publications destinées à leur information ont été réalisées. Dépliant, à l'occasion du Salon du Livre, guide pratique (1987) pour les lecteurs dont une 2èmeédition est déjà en cours, Histoire de la Bibliothèque Nationale des origines à 1800, catalogue des ouvrages en vente destiné au grand public... Il est bien évident que les efforts ne doivent pas s ' arrêter là et que ces publications devront se diversifier et couvrir l'ensemble des activités de l'établissement. Elles devront également être facilement identifiables et pour cela une harmonisation des maquettes est indispensable.

    Visites

    Si la connaissance livresque est indispensable à une bonne compréhension des richesses et des possibilités de l'établissement, nombreuses sont les demandes de visite, soit pour étayer une connaissance théorique, soit plus simple-mentpour concrétiser une curiosité qu'entretient le caractère secret et privilégié lié à l'établissement. Il est difficile d'organiser un service régulier de visites à l'usage des profanes : cela perturberait l'atmosphère de travail des différentes salles et certains endroits, comme les magasins, ne sauraient être accessibles au grand public sans préjudice pour leur fonctionnement, le maintien en place et la conservation des ouvrages.

    Par ailleurs, faute de personnel, la bibliothèque a dû renoncer à effectuer ellemême les visites des parties nobles (sa-Ions d'apparat ou galeries classées). C'est la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites qui les organise. Toutefois, la Bibliothèque se charge ellemême des visites dites professionnelles, visites programmées en fonction des souhaits ou des intérêts des bibliothécaires ou documentalistes qui en font la demande. La réalisation d'audiovisuels ou de films accompagnant ou permettant de remplacer ces visites est l'un des objectifs à poursuivre en priorité.

    Il faut aussi noter que des visites officielles ou de prestige sont faites régulièrement, soit à la demande de personnalités (hommes d'Etat) soit pour certains groupes spécifiques (monde politique, culturel, ou d'affaires) afin de promouvoir l'image de la Bibliothèque Nationale et de faire mieux connaître ses fonds auprès de décideurs susceptibles de lui apporter leur soutien. Ces visites revêtent chaque fois un caractère exceptionnel et les documents présentés sont choisis en fonction de leur adéquation aux intérêts respectifs des visiteurs.

    Informatique

    L'année 1988 a vu l'aboutissement des efforts liés à l'informatisation de la base bibliographique. Dès février des terminaux ont été installés dans la salle des catalogues, signifiant ainsi pour les lecteurs la fin d'un cauchemar. En effet, les ouvrages parus depuis 1985 étaient très difficilement localisables car les fiches n'étant plus intercalées depuis cette date, il fallait recourir à la consultation de différents fascicules de la Bibliographie de la France pour retrouver les ouvrages. Ce sont actuellement 600 000 références qui sont accessibles en ligne et d'ici la fin de l'année on peut espérer qu'un million d'ouvrages seront répertoriés.

    Communication

    Certaines pratiques des années passées avaient quelque peu nui à l'image de la Bibliothèque Nationale : fermeture inopinée de certaines sections des magasins et arrêt des communications le samedi. Depuis quelques mois dans plusieurs départements dont celui des Imprimés, les communications du samedi on repris et, sauf cas de force majeure (travaux par exemple), tous les fonds sont dorénavant communiqués et le lecteur ne risque plus de trouver une fin de non recevoir qui, déjà désagréable pour un usager courant, devenait pénalisante et inacceptable quand il s'agissait d'un lecteur venu du Japon ou du Texas, à seule fin de consulter à la Bibliothèque Nationale.

    Expositions

    Les expositions contribuent à faire connaître les fonds de la Bibliothèque Nationale à ceux qui normalement n' y auraient jamais accès. La Bibliothèque Nationale organise plus d'une vingtaine d'expositions par an d'importance variable et qui intéressent des publics différents. Petites expositions de photographies ou de gravure, régulières ou courtes, dans la Galerie Colbert, grandes rétrospectives dans les Galeries Mansart et Mazarine. Il serait trop long ici d'établir des classements par type d'exposition, aussi nous contenterons-nous d'en évoquer quelques unes qui sont exemplaires d'une manière ou d'une autre. On reproche souvent aux expositions B.N. leur caractère poussiéreux ou élitiste. Ceci est dû en grande partie à la nature même des documents exposés et au souci des commissaires d'effectuer un travail véritablement scientifique.

    L'exposition «Rembrandt» présentée l'an dernier dans les galeries Mansart et Mazarine a permis de révéler l'immense richesse du fonds Rembrandt du Département des Estampes (338 gravures sur les 900 que possède la B.N. ont été exposées) mais elle a surtout démontré que le grand public ne boudait pas la B.N. comme on a souvent tendance à le croire lorsque l'on considère le nombre des entrées. En effet, grâce à une présentation originale, parfois contestée à l'extérieur tout comme à l'intérieur de la Maison, grâce aussi à une campagne publicitaire d'envergure - Giraudy avait sponr sorisé la réalisation des affiches et avait mis 400 de ses grands panneaux (4x3m) à notre disposition tant à Paris qu'en Province - grâce enfin à une couverture exceptionnelle dans la presse et à la télévision, ce furent 100.000 visiteurs qui découvrirent la Bibliothèque Nationale en même temps que l'exposition. Cette expérience, unique dans les annales de la Bibliothèque, tant par l'importance du nombre d'entrées que par le recours pour la première fois dans le quadrilatère à un concepteur extérieur à l'établissement, confirme, s'il en est besoin, que pour attirer le public, la Bibliothèque nationale doit organiser peut-être moins de petites expositions qui diluent les efforts et les moyens, et concentrer son action sur une ou deux grandes expositions par an.

    Outre l'exposition Rembrandt, d'autres expositions qui ont attiré un public plus restreint méritent toutefois d'êtres citées car elles ont contribué, chacune à sa manière, à la promotion de la B.N. au plan international. «L'Estampe en France» présentée à Paris à l'automne 1987 nous fut d'abord demandée par les Japonais pour l'inauguration du Musée de l'Estampe dans la banlieue de Tokyo. Le Japon ne possédait pas encore de collections propres assez importantes pour réaliser une exposition et a demandé à la B.N. de lui envoyer les pièces les plus représentatives de l'histoire de la gravure française.

    «A la cour du Grand Moghol» présentée au printemps 1986 s'inscrivait dans le cadre des manifestations de l'Année de l'Inde. TOTAL a apporté son soutien pour le catalogue et la publicité (250 000 francs), ce qui a permis un affichage sur les mâts de la capitale et dans le métro, pratique dont la B.N. n'est guère coutumière faute de moyens. Mais surtout le sponsor a fait réaliser une cassette vidéo de l'exposition afin de promouvoir chez ses clients tant en France qu'à l'Etranger sa propre politique culturelle, ce qui, parallèlement, a permis à la B.N. de véhiculer son image auprès d'un milieu socio-professionnel qui ne la connaît pas. L'exposition du fac-similé des Petites Heures du Duc de Berry présentée en avril 1988 a permis, en exposant l'intégralité d'un manuscrit, de donner une idée des richesses de ces ouvrages du Moyen-Age habituellement présentés avec parcimonie. Par ailleurs cette exposition faite à la demande de Faksimile Lucerne, éditeur du fac-similé, insiste sur le rôle qu'une bibliothèque peut jouer dans le domaine de la coédition et sur la part qu'elle peut prendre dans le marché européen du livre.

    Il arrive également que la Bibliothèque Nationale sorte de son quadrilatère et expose dans d'autres espaces à Paris ou en Province. C'est le cas régulièrement à Orsay avec des expositions dossiers qu'elle assume entièrement - documents et commissariat - comme «Mary Cas-satt» ou «Henri Rivière». L'exposition «Matisse» aux Beaux Arts, au printemps 87, n'aurait pu se faire sans l'apport exceptionnel (plus des trois quarts des gravures exposées) de la B.N. De même l'exposition «Chagall» à Nice pendant l'été 87.

    Mais ces expositions réalisées à l'extérieur posent un problème de fond : il est extrêmement difficile pour la Bibliothèque lorsqu'elle n'expose pas chez elle d'être associée dans l'esprit du public à la réalisation de l'exposition : son image ne s'impose pas. D'où la vigilance à apporter aux contrats qui doivent indiquer clairement la manière dont la B.N. doit être citée et sur quels supports.

    Pour clore le chapitre des expositions signalons que dans le but de promouvoir son image outre-Atlantique la Bibliothèque projette de montrer une centaine de ses trésors dans quatre villes des Etats-Unis (New York, Toledo dans l'Ohio, Los Angeles et Dallas). Cette exposition de prestige devrait débuter en septembre 1989.

    Les publications

    L'analyse des publications de la Bibliothèque Nationale permet de cerner la variété de ses publics. L'axe fondamental de la politique d'édition de la Bibliothèque Nationale est constitué par les publications à caractère scientifique (catalogues, bibliographies, inventaires des fonds) qui dressent l'état des collections des divers départements spécialisés. Leur public se recrute parmi les lecteurs, les chercheurs français et étrangers, les professionnels du livre et de l'écrit en général. Parallèlement à cette production, sans concurrence avec elle mais sans peut-être suffisamment de liens encore, la Bibliothèque Nationale publie une revue, des catalogues d'expositions, des cartes postales, des albums d'art, des jeux de cartes... destinés à faire connaître ses richesses à un public plus large d ' amateurs ou encore aux passants, touristes qui visitent ses bâtiments ou ses expositions. Enfin, au moment des fêtes de fin d'année, lors du Salon du Livre ou de la Braderie des Musées, la Bibliothèque Nationale rencontre un autre public, fidèle à ces rendez-vous saisonniers.

    Les publications de la Bibliothèque Nationale sont des produits «porteurs d ' images» non seulement pour leurs acheteurs mais aussi pour les partenaires professionnels avec lesquels la Bibliothèque Nationale s'associe de plus en plus fréquemment pour coéditer certains ouvrages. En travaillant étroitement en collaboration avec des éditeurs divers, la Bibliothèque Nationale résout deux difficultés qui se posent à elle : la première, d'ordre économique, est allégée par l'investissement du partenaire éditeur ; la seconde, d'ordre logistique et de communication, est aplanie grâce à des structures commerciales et moyens de diffusion plus adaptés que celle de la Bibliothèque Nationale. En effet, quand la Bibliothèque Nationale s'associe à Na-than, Beba, Albin Michel ou Hachette, elle se fait connaître auprès de leurs publics.

    Une politique d'action culturelle

    Au sein des nouveaux locaux de la Galerie Colbert, la Bibliothèque Nationale s'est dotée d'un auditorium de 200 places dont la polyvalence et l'équipement technique des plus modernes lui permettent d'organiser et d'accueillir des manifestations diverses : projections cinématographiques, concerts, conférences, colloques, lectures théâtrales... La vocation de cette salle, initialement destinée à la formation professionnelle, a été élargie lors de l'ouverture de la Galerie Colbert vers une activité culturelle plus vaste. Depuis deux ans, diverses manifestations s'y déroulent régulièrement selon un axe de programmation bien défini : révéler les richesses de la Bibliothèque Nationale de manière vivante et sous la forme appropriée à leur nature : des concerts pour les partitions du Département de la Musique, des projections cinématographiques pour les films conservés à la Phonothèque... Deux lignes directrices soutiennent cette programmation. Il s'agit tout d'abord d'exhumer pour les révéler aux amateurs quelques trésors oubliés ou méconnus que renferment nos collections, qu'il s'agisse du théâtre, de la musique, de la littérature. D'autre part, ces manifestations doivent mettre en lumière la réalité de la Bibliothèque Nationale comme le lieu de rencontre de multiples disciplines culturelles qui s'enrichissent les unes les autres, en se contredisant parfois.

    Les «Concerts de la Rue Vivienne» qui permirent d'entendre des oeuvres inconnues de Lully ou de Lambert, un hommage à Nadia Boulanger, un opéra inédit de Debussy, l'hommage à Charles De-launay à travers concerts, table ronde, projections de films d'archives autour du jazz dont il fut sans doute un des plus grands connaisseurs au monde, les «Récitations» en collaboration avec la Comédie Française qui font entendre les perles rares et oubliées du répertoire dramatique français... participent de ce premier aspect de notre politique de programmation. La projection du film «Champi-Tortu» d'après l'oeuvre de Gaston Chérau, lors d'une exposition consacrée à cet écrivain, les cycles cinématographiques autour du thème «cinéma et littérature» actuellement à l'étude avec le Centre National de la Cinématographie, la semaine sur le théâtre et le cinéma soviétiques en coproduction avec la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques et la Comédie Française illustrent le second pan de cette politique. Ces activités, parce que nouvelles et lourdes financièrement, font l'objet de coproductions qui, comme dans le cas des publications, permettent à la Bibliothèque Nationale de rencontrer puis de fidéliser un autre public, une autre presse. Cependant, la Bibliothèque Nationale doit toujours rester vigilante afin de préserver la place et la force de son image au côté de partenaires prestigieux qui auraient parfois tendance à la phagocyter.

    Mondanités et bibliothèque

    Que ce soit dans la Galerie Colbert et l'Auditorium ou au sein même du quadrilatère, la Bibliothèque Nationale est souvent le cadre privilégié recherché par les organisateurs de manifestations culturelles : cocktails pour le lancement d'un ouvrage, attribution d'un prix : Prix de gravure Lacourière, Prix de l'Affiche Culturelle, Prix Louise Weis/Bibliothè-que Nationale... C'est également un lieu de plus en plus demandé pour des tournages, des prises de vue, des soirées, voire des défilés de mode, ce qui ne laisse pas de poser des problèmes variés. Le cadre de la Bibliothèque Nationale ne saurait être associé à n'importe quelle manifestation : il faut avant de donner un accord pouvoir trouver une adéquation réelle entre l'institution et son hôte d'un soir, mais surtout veiller à ce que la prolifération de ces manifestations n'entrave pas la marche courante de l'établissement.

    Parmi les opérations de prestige et à titre d'exemple citons :

    • la Nuit de France Culture : En janvier 1985 France Culture voulait fêter le démarrage de son programme de nuit. La Direction de la chaîne a alors pensé à inaugurer cette nouvelle tranche horaire en se déplaçant à la Bibliothèque Nationale. Envahie dans ses locaux, décortiquée à l'antenne, jamais cette dernière n'avait connu une aussi grande audience. Ecrivains de renom, acteurs, personnalités du monde politique se sont succédés au micro pour converser avec les différents responsables. Un concert de pièces inédites du Département de la Musique était donné Galerie Mazarine et retransmis tandis que dans le hall d'honneur des comédiens lisaient des textes en continu et que Iannis Xenakis venait solennellement déposer un de ses manuscrits.
    • Sur un autre registre, plus grave, fut l'Hommage à Borgès qui se tint en septembre 86 dans la Grande Salle des Imprimés, quelques mois à peine après sa mort. Jacques Réda, Hector Biancotti, Yves Bonnefoy, Jean d'Ormesson et André Miquel se relayèrent pour saluer la mémoire du grand écrivain aveugle dont le souvenir fut encore ravivé les jours suivants par la projection d'un film réalisé en Argentine alors qu'il était directeur de la Bibliothèque Nationale.

    La Presse

    Dernier élément indispensable à la constitution d'une image, la Presse. Son rôle, déterminant, se concrétise par la réalisation d'articles ou d'émissions, généraux ou spécifiques dont l'initiative est due soit à des événements ponctuels, soit à des «scandales», soit à l'intérêt d'un journaliste pour un sujet particulier, soit encore à l'actualité. Une grève des bi-bliothécaires-adjoints, le rapport Beck, la démission ou la nomination d'un administrateur, une exposition, la remise d'un prix ou les problèmes de conservation, autant de sujets déclenchant la rédaction d'articles ou l'arrivée des micros et des caméras. Toutefois, la place réservée à une bibliothèque, même nationale, dans les colonnes des journaux et à plus forte raison dans le journal télévisé est soumise à la très forte concurrence des autres informations - politique ou faits divers - et à la concurrence plus serrée encore des activités culturelles diverses ou concomittantes. Il convient donc de ne pas être passif et de pas attendre du journaliste qu'il fasse le premier pas.

    D'un point de vue pratique, il y a deux manières de travailler, qu'il est d'ailleurs souhaitable de combiner : il faut dans un premier temps se constituer un fichier, le plus large et le plus précis possible de façon à pouvoir envoyer l'information à tous ceux qu'elle concerne. Dans un deuxième temps, il est indispensable de se créer un réseau de relations personnelles parmi les médias les plus représentatifs : quotidiens, hebdomadaires, revues spécialisées, radios, T.V. et surtout agences de presse. Quelques principes de base sont à retenir. Il faut dans la mesure du possible :

    • essayer au sein d'un média de cibler le bon journaliste : il est illusoire d'attendre d'un spécialiste gastronomique un compte rendu d'exposition sur la gravure !
    • trouver et mettre en valeur dans le communiqué ou dossier de presse le détail permettant de retenir l'attention du journaliste qui reçoit chaque jour un flot considérable d'informations.
    • prévoir au-delà de l'information ponctuelle ce qui peut intéresser tel ou tel journaliste et lui proposer un sujet.
    • savoir dire non, c 'est-à-dire refuser une interview lorsque le moment semble mal choisi ou le sujet inutile voire préjudiciable à l'image de l'institution.
    • ne pas considérer que l'on sait parler de tout mais plutôt orienter le journaliste vers la personne compétente, quitte à la seconder lors de l'entretien.
    • établir la confiance : certaines choses peuvent être dites, pour expliquer certaines situations complexes, mais ne seront pas retranscrites dans l'article si vous en faites la demande et si vous avez la confiance de votre interlocuteur.
    • savoir rendre service et «renvoyer l'ascenseur» : les relations avec la Presse ont sou vent pour base une relation d'échange.

    Pour en revenir à la Bibliothèque Nationale, il est sûr que son image dans la Presse évolue en se diversifiant. Depuis trois ans le volume des coupures recensées a triplé. Cependant on peut déplorer la persistance de certains clichés : la «vieille dame», la «vénérable institution» sont des termes que nous souhaiterions voir disparaître au profit d'une image plus jeune et plus battante. On peut également déplorer que l'ensemble de la Presse parle toujours de la même chose, au même moment, et que de ce fait les manifestations de moindre importance soient délaissées au profit de quelques grandes. Actuellement, la Bibliothèque Nationale semble bénéficier d'un regain d'intérêt, dû sans nul doute à la médiatisation de son Administrateur Général et au projet B.N. Bis annoncé récemment par le Ministre. Situation favorable qu'il faut utiliser comme tremplin en sachant toutefois que l'intérêt de la Presse peut soudain bifurquer vers d'autres pôles d ' attraction : d'où la nécessité de ne jamais ralentir l'effort.

    III - La course à l'image

    Compte tenu de l'hétérogénéité du public et en dépit des efforts nombreux et variés accomplis pour structurer l'image de la B.N. force nous est de constater que notre but n'est pas encore atteint et ce pour des raisons majeures liées d'une part à la communication interne et d'autre part au dilemme conservation/diffusion amplifié par la nature même du caractère administratif et culturel de 1 ' établissement et des nouveaux enjeux, économiques notamment, de la politique culturelle en France.

    Malgré la parution mensuelle d'une lettre d'information destinée au personnel, il apparaît clairement que les problèmes de communication interne persistent et sont dûs à une mauvaise organisation des circuits de l'information, d'une part, et, d'autre part, à une volonté, délibérée parfois, inconsciente souvent, de retenir l'information. Considérée par certains comme un moyen d'affermir leur pouvoir, la rétention d'information est une arme dérisoire et à double tranchant qui puise ses racines dans la parcellisation du savoir et la spécialisation à outrance des compétences. Pour redresser cet état de faits un changement des mentalités est indispensable : opération de longue haleine, fondée sur la confiance, elle doit d'abord être formalisée et structurée par la direction, et recouvrir un aspect obligatoire auquel aucun organe de l'établissement ne saurait pour quelque raison que ce soit se soustraire.

    L'information se doit d'être mise à jour très régulièrement et de suivre un circuit de diffusion hiérarchique - et ceci dans les deux sens - aussi bien qu'horizontal ; le plus important demeurant de veiller à ce que tous les départements et services de la Maison adoptent vis-à-vis de la circulation de l'information la même attitude, ce qui n'est pas le cas actuellement et constitue un des vices du système, nombre de services agissant en solo, comme s'ils constituaient un établissement autonome.

    Des effort sont à faire pour développer ou créer :

    • la publication d'une lettre d'information non seulement à l'usage du personnel mais aussi de l'usager ;
    • l'affichage systématique et visible dans les halls d'accueil et au sein de chaque service des informations courantes et indispensables concernant le fonctionnement de l'établissement ;
    • des circuits de transmission, verticaux et horizontaux pour les informations générales, à la carte pour les informations spécifiques :
    • des visites générales, puis approfondies, de l'établissement pour le personnel, permettant un recyclage permanent ;
    • des réunions d'information régulières au sein des services.

    Si actuellement, la communication interne est chancelante, voire inexistante, à la B.N., ce n'est pas tant par manque de moyens que du fait d'une volonté implicite de garder pour soi des informations nécessaires à tous. Face à cette fermeture de l'intérieur il est extrêmement difficile sinon impossible de donner à l'extérieur une image globale et cohérente de la bibliothèque.

    On vient de voir que la Bibliothèque Nationale ne sait pas exactement qui elle est et surtout si elle constitue une entité, pouvant délivrer sinon un message unique, du moins une synthèse cohérente de messages. Ce problème d'identité interne se complique et s'augmente d'un problème de public, qui n'est pas propre à la Bibliothèque Nationale, même si le caractère élitiste (c'est un cliché mais fondé en grande partie) de l'établissement le rend très présent. Auprès de qui la Bibliothèque Nationale veut-elle se faire connaître et entendre ? Quel est son public potentiel ? Jusqu'où peut-on reculer les limites sans compromettre la nature de la Bibliothèque Nationale, une bibliothèque de recherche, sa «mission» de conservation et de protection physique du patrimoine pour la postérité et sans, d ' autre part, trop violenter sa mentalité - sa culture d'entreprise ! - de lieu réservé, privilégié voire secret ? Mais, ceci étant posé, une Bibliothèque Nationale ne peut se réfugier derrière ces arguments pour se fermer au monde. Grâce à divers pro-duits-relais, expositions, publications notamment, la Bibliothèque Nationale doit atteindre un public non admis dans les salles de lecture mais concerné toutefois par l'accès aux collections, aux richesses nationales.

    Il faut cependant, sous peine de démagogie ou d'utopisme caractérisé, admettre d'emblée que le public de la Bibliothèque Nationale restera toujours limité aux «honnêtes gens», ceux que les enquêtes sur les pratiques culturelles identifient de plus en plus comme cumulant les visites de musées, lectures, spectacles etc. Mais auprès de l'ensemble de ce public, qui n'est actuellement que minoritaire à «consommer» des services et produits B.N., il y a une action longue, répétitive, cohérente à mener à travers des manifestations et l'information sur ces manifestations.

    Cette volonté de donner une image ouverte de soi, de communiquer, de trouver le lien avec un nouveau public, semble être le fait - avec les exceptions qui confirment toute règle - d'une catégorie particulière des personnels des établissements culturels : ils sont «entre» les spécialistes, chercheurs, conservateurs et le public, auquel ils n'appartiennent plus tout-à-fait puisqu'ils connaissent un peu les coulisses. Ces intermédiaires, administrateurs et gestionnaires de la culture, ressentent les besoins d'information du public, ses manques, ses craintes (la Bibliothèque Nationale, ses méandres, son rituel font peur aux non-initiés) qu'ils ont aussi éprouvés. D'autre part, ils véhiculent l'idée que la culture est maintenant soumises à des lois de marché, d'offre et de demande, de concurrence (contrairement à d'autres administrations au recours obligatoire ou en situation de monopole) donc de communication avec son arsenal de publicité, relations publiques, presse etc... Idées qui, selon les individus et les tendances politiques, est plus ou moins assortie et enrichie des valeurs de démocratisation de la culture, de service public, souvent contradictoire avec la passion de la rentabilité.

    Mais quelle que soit l'option choisie, le besoin d'un public, d'un vrai public existe: ni un peuple abstrait car trop universel tel celui que, selon Victor Hugo, le poète (mage et prophète) doit guider vers la lumière, ni un petit cénacle de spécialistes, parfaitement connus et difficilement renouvelés. C'est sans doute une étude de cette question fondamentale du public, de son rôle, de sa manière de désirer, consommer ou rejeter la culture, qui permettra aux établissements culturels de mieux se définir comme acteurs de la vie publique, de se créer une image qui au lieu d'une mode, d'un gadget, sera le signe d'une citoyenneté.