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    Quand lecteurs et médiathèque s'associent...

    Par Bernard Grelle, Conservateur bibliothèque municipale de Roubaix

    Plusieurs mois de travail ont rassemblé dans un effort commun, la Médiathèque, la CRAO (Communauté des Ressortissants d'Afrique de L'Ouest) et "Lire à Roubaix", l'association des Amis de la Médiathèque. Il s'agissait de constituer un fonds d'enregistrements musicaux, de cassettes vidéo et de livres venant de -ou traitant de- l'Afrique.

    Des livres sur l'Afrique ? Des cassettes de musique africaine ? la belle affaire auront pensé certains, mal informés. Bien entendu, la Médiathèque achète depuis toujours de semblables documents. L'originalité de l'action est à chercher dans la démarche, plutôt que dans l'achat lui même. L'une des missions confiées à la Médiathèque par la Municipalité est d'aider les jeunes des communautés étrangères à s'intégrer. C'est pour ce faire que ce programme a été mis en place. Les communautés d'origine européenne se sentent chez elles à la bibliothèque, les jeunes d'origine maghrébine aussi. Le problème posé par les enfants d'origine turque avait reçu un début de solution. Restaient donc les communautés d'immigrés africaines et asiatiques; et sur un tout autre plan, avec une problématique bien différente, les Antillais, d'ailleurs relativement peu nombreux sur Roubaix. Nous avons donc lancé un "appel d'offre" en direction des associations rassemblées dans la "commission extra-municipale des populations étrangères".

    C'est la Communauté des Ressortissants d'Afrique de l'Ouest qui a répondu le plus rapidement à notre attente. Nous devons dire que nous ne pouvons que nous féliciter de notre choix. La CRAO et son président se sont montrés particulièrement réceptifs et coopératifs. Le projet était clair : associer des ressortissants et communautés étrangères au choix de documents les concernant. Un programme était bâti entre la Médiathèque (en l'occurrence nos collègues Anne-Laure Dodey puis Catherine Delebarre) et la CRAO. Les personnes choisies seraient associées d'un bout à l'autre de la chaîne aux acquisitions.

    Associer des jeunes au choix des documents, c'était leur montrer que nous ne partions pas de rien, et que leur culture était prise au sérieux : les participants ont donc d'abord visité la Médiathèque. Puis, deux groupes de quatre se sont rendus à Paris les 9 et 21 Janvier accompagnés d'une bibliothécaire, pour choisir des ouvrages à la librairie "Présence Africaine", ou à "l'Harmattan". Là les personnes encadrant les groupes de jeunes s'en sont données à coeur joie. Les acquisitions ont été faites en français, compte tenu du nombre de langues et dialectes représentés dans l'association. Mais les adolescents se sont rattrapés sur le marché de Clignancourt, en choisissant les cassettes de musiques. Faute de pouvoir trouver facilement des distributeurs avec lesquels nous pouvions travailler en toute légalité, le choix des films vidéo a été fait par le circuit normal d'achat de la Médiathèque.

    Nos lecteurs africains ont ensuite été associés au déballage, à la vérification des livraisons et des bons qui les accompagnaient, au rapprochement des bons et des factures. Ils ont également participé à l'inventaire de ces documents, à leur catalogage et à leur équipement (plastifiage, etc).

    Nous leur avons laissé le choix des illustrations qui devaient trouver place dans le catalogue, réalisé en partie par eux-mêmes. Bien plus, la décision ayant été prise de laisser grouper les documents, de nouveaux rayonnages ont été achetés. Un groupe de jeunes africains nous a aidé à les monter et à y installer les documents, ainsi qu'à réaliser le reportage photographique qui retrace l'ensemble des démarches.

    Pour mettre un point d'orgue à tout cela, le nouveau fonds a été présenté au public au cours d'une fête africaine. Ce fut l'occasion de faire venir à la médiathèque un public inhabituel de respectables mères de familles accompagnées de très jeunes enfants. Elles purent découvrir l'établissement dans lequel leurs rejetons passaient tant de temps.

    Cette action a été un succès : lors de la fête de l'amitié (qui rassemble une fois par an toutes les différentes communautés présentes à Roubaix), le président de la CRAO a exprimé tout son plaisir à faire participer les enfants et les adolescents à cet effort collectif. Le nombre grandissant de jeunes ressortissants de cette communauté fréquentant la médiathèque en est un autre indice.

    Mais les fruits les plus nombreux sont ceux à venir. Ceux qui ont vécu cette expérience ont compris ce qu'était la médiathèque, comment elle travaillait et le pourquoi de certaines règles jugées d'abord contraignantes, voire absurdes. Gageons qu'ils sauront faire partager à leurs camarades leurs nouvelles connaissances. Le but premier, l'intégration de ce nouveau public sera atteint, au moins en ce point de la cité.

    Reste à espérer que cette action pourra continuer avec l'une ou l'autre des communautés asiatiques installées à Roubaix et pour ce faire, que les financements seront trouvés.

    Vignette de l'image.Illustration
    L'Afrique noire à la médiathèque : les chiffres