Cet ouvrage est le fruit d'un travail de recherche entrepris par l'auteur, bien connue pour son activité au sein du GPLI (Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme), lors de son passage au bureau de développement de la lecture au ministère de la Culture. Il comporte neuf chapitres bien distincts, mais reliés par le fil conducteur que Claudie Tabet a choisi tout au long du livre : « la place et le rôle de la bibliothèque publique face à ce fléau qu'est l'exclusion par l'écrit et la lecture, dans ce monde où le multimédia exerce une pression de plus en plus forte sur les populations.
Tout d'abord, il est important de signaler que l'ouvrage débute avec l'année 1982 et la publication du rapport Pingaud-Barreau. En 1984, dès son arrivée au ministère de la Culture, comme directeur du Livre, Jean Gattégno crée une mission de développement de la lecture. Après lui avoir rendu hommage et remercié ses collègues de la DLL et de la DDF, l'auteur situe d'entrée de jeu le rôle de la bibliothèque publique ainsi que celui des professionnels des bibliothèques en prenant pour références : le manifeste de l'Unesco (1994), la Charte des bibliothèques du Conseil supérieur des bibliothèques et le rapport de la Direction du livre et de la lecture, Le droit de lire de Bernard Pingaud (1989).
Après avoir cité quelques extraits et articles fondamentaux (1) , l'auteur aborde très vite le problème de l'illettrisme en France. Les 40% d'illettrés recensés en novembre dernier par l'OCDE ont étonné, et pourtant ! D'où l'importance du travail en partenariat qui s'impose de manière aiguë.
N'oublions pas que l'illettrisme frappe une population qui a été scolarisée et qui pour des raisons diverses (affectives, personnelles ou sociales) n'a pas ou a mal acquis le savoir qui lui a été prodigué. De ce fait les bibliothèques « hors les murs » par la formation des médiateurs du livre vont permettre à ceux qui ne fréquentent pas les bibliothèques publiques (ceux qui vivent plus souvent dans la rue qu'au domicile de leurs parents, les enfants et les adolescents de milieux défavorisés), de renouer avec l'écrit et le livre. Bien sûr il faudra une volonté de mise en place d'une politique globale avec des objectifs précis et une définition des priorités. La fondation Abbé-Pierre répond à un des principes de l'Unesco, La bibliothèque est au service de tous les publics, sans discrimination ».
L'importance du partenariat est développée longuement aux chapitres III, IV et V. Tout d'abord avec l'État premier et principal partenaire de la bibliothèque publique par ses différents protocoles interministériels. Aussi faut-il que les collectivités locales aient la volonté de mener à bien les projets en faveur de ces populations (prisons, hôpitaux, associations de quartiers, etc.). Des expériences dans les bibliothèques de prison, qui ont connu un vrai développement grâce à la nomination d'un chargé de mission à partir de 1985, nous sont livrées ainsi que d'autres menées dans les hôpitaux, situation dont nous connaissons la fragilité du statut du personnel (professionnel ou bénévole). La lecture à l'armée a connu des protocoles d'accord signés entre les ministères concernés, pour l'implantation de bibliothèques de casernes.
Sont ensuite évoquées l'Éducation nationale avec la création des BCD, les personnes âgées ainsi que la petite enfance et les différentes instances mises en place.
Le chapitre V relate la relation entre la bibliothèque publique et le mouvement associatif. Après un rapide historique, l'auteur indique la difficulté de ces relations sur le plan institutionnel. Les différents mouvements associatifs ayant trait à la culture, en partant des Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (CEMEA) jusqu'à Peuple et culture en passant par la Ligue française de l'enseignement et de l'éducation permanente ont eu un rôle prépondérant contre l'exclusion. Suivent des exemples d'actions phares" dans certaines régions.
Au chapitre VI, la lecture en entreprise (les bibliothèques d'entreprise fêtent leur cinquantième anniversaire cette année). C'est en décembre 1984 que Jean Gattégno, dans un rapport au ministère de la Culture, prônait la reconnaissance de ces bibliothèques, qui en 1992 voyaient naître La Charte pour le développement de la lecture en entreprise ».
Après avoir cité d'autres réseaux, l'auteur nous entraîne vers celui d'ATD-Quart monde avec la création et la formation des animateurs de bibliothèques de rue avec l'association La joie par les livres en 1968. L'écrivain, l'écriture et les ateliers d'écriture closent ce chapitre. Est ensuite abordée « Le rôle de la ville dans la lecture Une politique de la ville est indispensable pour trouver des solutions (avec les partenaires concernés) à une situation de plus en plus difficile face à l'exclusion. Sur 214 contrats de ville signés entre l'État et 750 communes, 14 seulement comportent un volet lecture.
Quelques chiffres nous renseignent sur ce volet, avant de nous entraîner vers la lecture en milieu rural et les Bibliothèques départementales de prêt qui ont fêtées leur cinquantième anniversaire en 1995. On compte aujourd'hui 96 BDP avec 60 annexes et 400 bibliobus. Le dernier chapitre de l'ouvrage décrit des actions exemplaires de partenariat dans certaines régions.
Dix annexes dans lesquelles se trouvent des renseignements très pratiques pour l'élaboration d'un projet en partenariat terminent cet ouvrage que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt de plaisir. Il appelle à la réflexion, rien n'est laissé au hasard, rien n'est oublié. Un livre qui rendra bien des services.