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    Message du CSB

    Par Dominique Arot, Secrétaire générale du CSB

    Je dois vous transmettre ce matin un double message du président du Conseil supé-r des bibliothèques, Jean-Claude Groshens : un message de regrets de ne pouvoir être présent ce matin parmi vous, mais hélas une mauvaise fracture le retient pour quelques jours en clinique, un message d'amitié et de solidarité à tous les congressistes.

    Jean-Claude Groshens me rappelait à ce sujet, alors que nous préparions ensemble ce texte, qu'il était intervenu dans le passé devant votre congrès en tant que directeur du livre et qu'il gardait le souvenir de débats animés et passionnés avec les bibliothécaires présents !

    Le fait que je sois seul à intervenir ce matin illustre, d'une certaine manière, le caractère transversal de l'institution que je représente. Permettez-moi sur ce thème de citer quelques lignes de l'intervention introductive de Jean-Claude Groshens, lors de la dernière séance plénière du Conseil au mois d'avril. « Depuis un quart de siècle l'évolution de nos institutions a fait des bibliothèques un monde éclaté, dispersé, écartelé. La réforme des universités, la séparation des bibliothèques universitaires et des bibliothèques de lecture publique, la contractualisation des universités sans oublier la mutation de la Bibliothèque nationale de France, autant de décisions qui ont introduit une diversification enrichissante, foisonnante, inachevée aussi, dans l'histoire des bibliothèques de notre pays. Ce monde complexe a besoin d'un point fixe d'où l'on puisse embrasser l'ensemble des particularismes, d'un lieu de rencontres, d'un lieu où s'échangent informations et expériences. Il a besoin aussi d'un lieu d'évaluation : les modèles hiérarchiques de notre administration traditionnelle exigeaient que comptes soient rendus par les exécutants aux autorités supérieures du fonctionnement de leurs services ; l'administration contemporaine décentralisée exige que les opérateurs responsables soient amenés à évaluer leurs activités et toute évaluation, sauf à devenir auto-glorification, suppose une instance de synthèse : « c'est le premier devoir de ce Conseil de faire la synthèse de ce monde dispersé », avait l'habitude de dire le Président Melot. »

    En 1996, lors de votre congrès de Paris, Michel Melot dressait le bilan des six années de fonctionnement du Conseil. Il exprimait aussi le souhait de voir l'activité du CSB se poursuivre en ces termes : « je crois que désormais, quels que soient les pouvoirs qu'on lui reconnaîtra, quels que soient les moyens dont il sera doté, notre Conseil ne pourra que croître C'est dans cette continuité et conformément à cette volonté, réaffirmée par les autorités responsables qu'un certain nombre de décisions concrètes ont été prises depuis cette date :

    • La nomination du président, des vice-présidents et des membres (dont la présidente de l'ABF) en janvier 1997, le Conseil devant faire l'objet d'un renouvellement intégral au terme de ses six premières années de fonctionnement.
    • La création d'un emploi de secrétaire général permanent.

    Début 1998, le Rapport du Conseil reprendra son rythme de publication annuel et prendra sans doute la forme d'un rapport au Président de la République. Il comportera pour la première fois, en annexe, un certain nombre de tableaux statistiques comparatifs permettant de situer les bibliothèques françaises par rapport à leurs homologues européennes.

    Le Conseil, dans sa nouvelle composition, a tenu sa première réunion plénière le 8 avril dernier, dans les locaux de l'Institut de France. Cette séance inaugurale avait pour objectif de faire le point pour chacun des membres sur ce qu'est aujourd'hui le paysage des bibliothèques françaises : un exposé du Secrétaire général du Comité national d'évaluation des universités a porté sur l'état de la documentation universitaire, la BNF a présenté sa politique de réseau, Gérard Théry et François Reiner ont évoqué, à la lumière de leur expérience de la Cité des sciences et de l'industrie, les perspectives ouvertes par les réseaux de communication à haut débit, Denis Pallier a passé en revue les problématiques et les champs de réflexion tels qu'ils apparaissent aujourd'hui à l'Inspection générale des bibliothèques.

    A la suite de cette première réunion, des groupes de travail se sont mis en place autour de deux grands thèmes : les ressources électroniques dans les bibliothèques, d'une part, desserte documentaire et aménagement du territoire d'autre part; les deux prochaines réunions plénières du Conseil (en septembre à la BNF et en décembre à la Cité des sciences et de l'industrie) seront consacrées à ces deux grands sujets auxquels se rattache également une réflexion approfondie sur la formation professionnelle. Les bibliothèques, quel que soit leur statut, quelle que soit leur implantation géographique, ont, dans ce contexte nouveau d'une société de l'information, un rôle essentiel à jouer pour garantir l'égalité d'accès des citoyens à la culture et à l'information, pour éviter que les progrès technologiques n'aggravent les phénomènes d'exclusion. Elles doivent occuper une place décisive dans l'aménagement du territoire, dans le rayonnement mondial de la recherche scientifique française, dans la promotion de la francophonie. Le CSB fournit un lieu de rencontre et de débat à tous les partenaires concernés par ces questions, et c'est l'objet de ces groupes de travail.

    Lorsque dans des circonstances moins exceptionnelles, le CSB s'exprimait à la tribune de votre congrès, il le faisait en écho - un écho en forme de synthèse - aux interventions des administrations centrales. Le calendrier électoral en dispose autrement cette année. En outre, compte tenu de la reprise, somme toute récente, de nos travaux, je me limiterai à aborder devant vous ce matin quatre points, qui, cependant, ne me paraissent pas trop éloignés des préoccupations qui sont celles de votre congrès cette année : « Bibliothèques et citoyenneté : l'accès libre à l'information ».

    Le premier point concerne les bibliothécaires eux-mêmes comme médiateurs et comme garants de cet accès libre à l'information : l'acquisition des documents, la constitution de collections physiques ou virtuelles, doivent être considérées comme les activités centrales et, en quelque sorte, fondatrices des responsables des bibliothèques. Et la réponse aux attaques dont des bibliothécaires et des bibliothèques ont pu être l'objet, au cours de ces derniers mois, doit se fonder en premier lieu sur la compétence professionnelle, sur la rigueur intellectuelle des sélections proposées à l'intérieur d'une production très abondante et véhiculée par des supports toujours plus diversifiés. Le conformisme, le recours insuffisant aux outils d'analyse, l'absence de clarté dans l'explicitation des choix opérés constitueraient autant de manquements graves à la déontologie et à l'exigence du service public. D'autres types de réponses à ces attaques (statutaires et réglementaires) n'auront de sens que si ces exigences professionnelles sont respectées. Les bibliothécaires doivent partager entre eux leurs compétences, ils doivent aussi savoir mobiliser autour de leurs bibliothèques les compétences des meilleurs spécialistes, discipline par discipline ; ils doivent également demeurer à l'écoute de leur public.

    Nous savons que tout cela, ils le font déjà, ils doivent le faire encore mieux et aussi faire savoir qu'ils le font.

    Le deuxième point découle très naturellement du premier, c'est celui de la formation professionnelle. Que l'on parle des nouvelles ressources électroniques, des politiques d'acquisition ou de la coopération entre bibliothèques, on en revient toujours à cette question de la formation. J'ai dit, il y a un instant, que le Conseil en ferait un de ses axes de travail dans les mois qui viennent. Du terrain, des élus, des bibliothécaires eux-mêmes, nous parviennent des informations alarmantes sur la mise en place des formations initiales des fonctionnaires territoriaux, sur les difficultés croissantes pour les collectivités à recruter des agents bien formés et compétents. Dans le respect de ses attributions et de ses missions, à la fois larges et modestes, le CSB soutiendra les efforts des administrations et des professionnels concernés pour porter remède à une situation qui, si elle se prolongeait et s'amplifiait, remettrait en cause gravement la qualité du service public offert par les bibliothèques. En ce qui concerne plus particulièrement la formation des cadres des bibliothèques les plus importantes, je veux parler de la formation des conservateurs, l'ENSSIB doit tenir un rôle majeur. La réforme du diplôme de conservateur de bibliothèque qui entrera en vigueur à partir de janvier 1998, qui rééquilibre formation professionnelle et activités de recherche, et qui donne une importance plus grande aux stages pratiques dans les établissements, va dans le sens des recommandations du rapport Botineau et du rapport du Comité national d'évaluation. Il faut désormais mieux tenir compte du profil intellectuel de chaque élève et, sans remettre en cause l'indispensable acquisition de techniques professionnelles communes, personnaliser davantage les formations. Dans le contexte d'un secteur documentaire en pleine transformation, du retard de la France dans ce domaine et de la forte revalorisation des carrières des conservateurs, l'ENSSIB doit assumer sa responsabilité d'école nationale supérieure.

    Garantir l'accès libre à l'information, c'est aussi s'assurer de la bonne marche des différents types de bibliothèques, et ce sera là le troisième point. Un secteur demeure préoccupant, c'est celui de la documentation universitaire, en dépit des efforts des administrations responsables et des professionnels eux-mêmes. Le représentant du Comité national d'évalua-tio, lors de la dernière séance plénière du CSB, considérait que la relation BU/Université n'était « ni parfaitement calme, ni cohérente, ni concertée ". Il mettait l'accent sur « l'aspiration à l'isolement, au maintien des structures anciennes et, malgré tout, au souhait de travailler ensemble ». Les objectifs du rapport Miquel n'ont toujours pas été atteints et les comparaisons européennes ne jouent pas en notre faveur. A l'avenir, des moyens supplémentaires devront correspondre impérativement à des services supplémentaires tant en termes d'ouverture que de prestations, et dans ce domaine les avancées du numérique agrandissent le champ des possibles, possibilités que de nombreuses bibliothèques commencent déjà à exploiter.

    Il faut que le Service commun de documentation s'intègre véritablement à l'Université comme l'un de ses services, comme un service central dans le domaine pédagogique, comme le service central en matière de technologies de l'information. Il faut encourager dans ce cadre la formation des étudiants à la documentation en tirant profit de la réussite des expériences de tutorat. Selon le voeu exprimé lors de la dernière séance du CSB par Dominique Ducassou, élu dans la région Aquitaine, il faut, enfin, que les bibliothèques universitaires s'intègrent dans un réseau de documentation régional incluant aussi les bibliothèques relevant des collectivités locales.

    Votre congrès de Paris, l'an passé, s'interrogeait, sous ce très beau titre « De la plus grande à la plus petite - la plus grande étant bien sûr la Bibliothèque nationale de France qui abritait vos travaux -, sur la mise en réseau des bibliothèques, et ce sera là mon quatrième et dernier point. Depuis l'an passé, plusieurs grands projets nationaux ont franchi des étapes significatives : politiques, administratives et techniques.

    • La réalisation du système d'information de la BNF avance à grands pas avec en perspective l'ouverture du niveau réservé aux chercheurs.
    • Le prestataire chargé de réaliser le système universitaire a été choisi.
    • Le catalogue collectif de France est en passe lui aussi de franchir cette étape importante.

    On ne peut que se réjouir de voir bientôt réalisés, au service des bibliothèques et de leurs usagers, des instruments indispensables à la coopération documentaire française et internationale. Il va de soi que, même si ces entreprises sont menées par des tutelles diverses, tout doit être fait pour qu'elles soient totalement complémentaires (cf. le groupe de travail du CSB sur la desserte documentaire et l'aménagement du territoire). Dans le même temps que l'évolution des technologies facilite la communication entre catalogues hétérogènes, l'extraordinaire développement d'un outil comme l'Internet favorise l'émergence de réseaux locaux et régionaux au service du public. Il convient donc de tirer le meilleur parti de ces deux niveaux de coopération nécessaires et complémentaires ; celui, indispensable, des grands outils nationaux et celui des initiatives locales et régionales.

    Après ces quatre remarques, et en forme de conclusion, j'ajouterai que si le Conseil fait l'objet de très nombreuses sollicitations sur tout le territoire et à l'étranger, et c'est une preuve du crédit dont il bénéficie chez les professionnels, il peut également compter sur le concours et l'accueil de très nombreux collègues chaque fois qu'il doit s'entourer de compétences particulières dans sa réflexion. Dans les mois à venir, dans la continuité des six années précédentes, le CSB s'efforcera d'être utile à la place qui est la sienne, de répondre à votre attente et de mériter cette confiance et cet intérêt pour lesquels il vous exprime ce matin toute sa gratitude.