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    Pourquoi?

    Par Dominique Lahary

    De l'intranet...

    Après avoir vécu de longues années dans l'ombre, connu et utilisé par des cercles limités de chercheurs et de passionnés, Internet a connu avec le World Wide Web un développement fulgurant, s'imposant grâce à quelques standards partagés et quelques logiciels simples. On s'est vite aperçu que ce qui était bon pour le réseau mondial était bon pour le réseau local : pourquoi ne pas utiliser pour organiser la diffusion de l'information au sein d'un bâtiment ou d'un service les mêmes standards et les mêmes logiciels ? Intranet, c'est d'abord cela : l'utilisation des standards, techniques et logiciels de l'Internet au sein d'un réseau privé, quelle que soit sa taille, d'un seul ordinateur à toute une entreprise ou une zone géographique.

    On utilisera notamment la messagerie et surtout le Web, qui ne mérite plus alors son qualificatif de « World Wide » mais fait toujours merveille pour distribuer une information écrite dans le langage approprié (HTML) ou, moyennant un interfaçage, interroger des bases de données.

    Tous les postes des utilisateurs seront des micro-ordinateurs ou des network computers équipés au moins d'un navigateur, tandis que l'information sera distribuée par un serveur Web. Celui-ci n'est même pas nécessaire s'il ne s'agit que de donner accès à des pages Web stockées sur un ordinateur auquel les autres postes ont accès.

    Le grand intérêt de l'intranet est de proposer un principe très simple d'accès à l'information. Celle-ci peut être mise à jour à tout moment et immédiatement diffusée, sans la lourdeur que représentent la production et l'acheminement de documents sur papier.

    Certes, on peut distribuer des informations et organiser une messagerie au sein d'un réseau local à l'aide de techniques spécifiques à ce contexte et n'existant donc pas sur Internet. Par abus de langage, il est fréquent qu'on désigne sous le terme intranet l'ensemble du système de distribution et d'échange d'informations interne à une entreprise ou à une administration, quels que soient les techniques et standards utilisés.

    Nous nous en tiendrons cependant à une définition stricte : l'intranet, c'est l'application au réseau local des techniques et standards d'Internet. Non par purisme, mais parce que cette unification des outils entre réseaux de toutes amplitudes est un tournant important, et parce que l'intranet peut être une solution simple et peu coûteuse à mettre en oeuvre.

    à l'extranet

    On entend par extranet un service accessible sur Internet mais dont l'usage est réservé à une catégorie d'utilisateurs, qui s'identifient généralement par un mot de passe. L'idée est la même : on utilise les technologies de l'Internet pour diffuser l'information, par exemple aux clients ou fournisseurs d'une entreprise. On utilise en outre le réseau commun plutôt qu'un réseau privé trop dispendieux, mais on verrouille l'accès au service. Par extension, on nomme extranet un service auquel l'accès n'est pas restreint car cela n'en vaut pas la peine, mais dont l'adresse n'est pas rendue publique.

    Intranet en bibliothèque : une interface pour le public

    Quand en 1994 la bibliothèque municipale de Valenciennes a mis en place son interface unique donnant accès à toutes sortes d'informations ainsi qu'à un catalogue enrichi de texte et d'images, elle a réalisé avec les techniques disponibles à l'époque ce qui est désormais, grâce aux intranets, à la portée de tous.

    Consacrant le navigateur comme interface unique et universelle pour l'usager, l'intranet permet de proposer au public, à partir d'un même écran, un ensemble d'informations produites par la bibliothèque sur son fonctionnement et ses activités, la consultation du catalogue, l'accès à une collection locale de documents numériques, et même la consultation de cédéroms moyennant un interfaçage approprié, et finalement Internet.

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    Page d'accueil de l'Intranet de l'université Haute-Alsace-Colmar

    Pour des raisons pratiques telles que la nécessité de garantir l'accès à certains services (par exemple le catalogue) ou d'éviter l'accaparement des postes pour certains usages (comme la consultation d'Internet ou de cédéroms), on peut souhaiter spécialiser tout ou partie des postes dans une ou plusieurs fonctions. Mais il est intéressant que la bibliothèque puisse moduler librement ces spécialisations en fonction des besoins et des restructurations de l'équipement.

    Le nouvel âge des catalogues

    L'interface Web peut révolutionner les OPAC. Non parce qu'elle améliorerait les accès : ceux-ci ne dépendent que du logiciel de gestion de bibliothèque et du travail d'indexation des bibliothécaires. Mais parce qu'elle est susceptible d'apporter quatre améliorations considérables :

    • la relance de la recherche par clic sur une vedette ;
    • l'affichage d'images (par exemple la couverture d'un livre) sur le même écran que la notice ;
    • le lien à une ressource en ligne, locale ou sur Internet (le document lui-même, un extrait du document, une ressource associée) ;
    • la possibilité pour la bibliothèque de modifier l'affichage des écrans de recherche et de résultats (graphique et contenu) : on n'est plus à la merci du fournisseur.

    Faute de présenter tout ou partie de ces améliorations, l'interfaçage Web d'un catalogue n'est qu'un simple rhabillage, qui présente toutefois l'intérêt d'être intégrable dans un intranet.

    Intranet et extranet, l'outil de travail des bibliothécaires

    Nous avons consacré notre précédent dossier à Internet comme outil de travail pour les bibliothécaires. On peut naturellement en dire autant d'intranet : c'est un moyen commode de diffuser l'information au sein d'une équipe, pour peu qu'on fasse du format HTML le format de base des documents.

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    Page d'accueil de l'Intranet de la bibliothèque municipale de Troyes

    Au sein d'un réseau de bibliothèques, il s'agira plutôt d'extranet, qui n'aura d'ailleurs pas toujours besoin d'être sécurisé par une restriction d'accès : le simple usage d'Internet peut en tenir lieu.

    La bibliothèque peut en outre être un des services utilisateurs d'un intranet, ou plus généralement d'un système de communication et de diffusion reposant sur un réseau local, de l'institution dont elle fait partie : collectivité territoriale, université.

    Une évolution dans l'offre des fournisseurs

    La vague intranet entraîne une évolution dans l'offre des fournisseurs de logiciels intégrés de gestion de bibliothèque et l'apparition de nouveaux acteurs.

    Les premiers sont de plus en plus nombreux à proposer l'interfaçage Web de leur catalogue. Ces produits ne concernent pas seulement les bibliothèques souhaitant rendre leur catalogue accessible sur Internet : la plupart des implantations sont destinées à des intranets.

    Certains présentent tout ou partie des quatre améliorations présentées ci-dessus, même si les fonctionnalités de recherche restent encore souvent inférieures à celles de l'OPAC traditionnel, comme le soulignent plusieurs des études citées dans la bibliographie ci-dessous.

    Le fournisseur peut présenter la maquette d'un site intranet complet, comprenant l'accès au catalogue et des outils pour créer et mettre à jour les informations locales.

    Au-delà, certains envisagent l'interfaçage Web de l'ensemble des fonctions d'un logiciel de bibliothèque, y compris le catalogage. Mais cette tendance est trop récente et trop minoritaire pour qu'on en tire des conclusions, et il n'est pas assuré que les temps de réponse soient satisfaisants.

    L'intranet suscite également les offres d'autres sociétés, allant d'un interfaçage particulier, comme le réseau de cédéroms, à l'installation complète clé en main d'un site local. Sont également proposées des versions sécurisées de navigateurs limitant l'accès des utilisateurs aux fonctions et sources que la bibliothèque a décidé de mettre à leur disposition.

    Il est de plus en plus fréquent que de tels intégrateurs présentent une proposition conjointe avec un fournisseur de logiciels de bibliothèque lors d'un appel d'offres pour une informatisation ou une réinformatisation.

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    Les modes de recherche dans le catalogue de la bibliothèque municipale de Troyes

    Techniques et savoir-faire

    On pourrait craindre que l'installation et la gestion d'un intranet ne représentent une opération lourde requérant un grand savoir-faire. Ce n'est pas vraiment le cas, et cette solution convient aussi bien à de petites unités qu'à de grands établissements.

    Une bibliothèque peut naturellement bénéficier d'une prestation clé en main. Mais il serait dommage alors que son intranet demeure figé, ou qu'il faille recourir à une entreprise pour la moindre mise à jour. D'autres préféreront construire eux-mêmes l'ensemble des pages Web de leur site interne. Dans les deux cas, il est nécessaire de banaliser cette activité : les éditeurs HTML sont très proches des logiciels de traitement de texte et pourraient être en passe de devenir un outil aussi répandu et ordinaire.

    On y ajoutera éventuellement l'usage de logiciels de création d'images, en veillant à s'en tenir à une certaine propriété, surtout si tout ou partie du site intranet est dupliqué sur un site Internet : des images trop lourdes ne sont utilisables que sur un réseau local à débit important, et non sur le réseau mondial.

    Le service informatique ou une entreprise prestataire auront naturellement à déployer un réseau local approprié. Enfin se pose, pour les postes mis à la disposition du public, la question de la sécurisation, tant logicielle que matérielle.

    Réalisations : de l'intranet de service...

    Le présent dossier était prévu de longue date. Mais il vient à son heure car, même si le phénomène est encore émergent, nous disposons maintenant de suffisamment d'expériences pour que des enseignements puissent être tirés.

    C'est en matière d'intranet de service que les exemples propres au bibliothèques sont les plus rares. Sont présentés ci-dessous deux exemples : ceux de l'université de Montpellier et du réseau des bibliothèques publiques de la région de Montérégie, dans la province du Québec (1) .

    Tandis que les personnels de la bibliothèque municipale de Brest et des bibliothèques de l'université de Toulouse-1 bénéficient de l'intranet de leur collectivité, ceux de la médiathèque de l'IRCAM (2) , de la bibliothèque universitaire de Paris-X Nanterre et de la bibliothèque départementale de Savoie disposent d'un intranet propre à leur service. Alain Caraco, directeur de cet établissement, souligne que c'est là un moyen économique et rapide de diffuser et de mettre à jour des fiches de procédures entre lesquelles des liens hypertexte facilitent la consultation.

    Mais le réflexe intranet peut mettre du temps à se diffuser au sein d'une équipe, et on peut assister à des dérives d'usage, par exemple l'impression systématique et l'archivage personnel des documents, au risque de se référer à une version périmée. En tout état de cause, la circulation de l'information au sein d'une entreprise est révélatrice d'un modèle d'organisation pouvant entraîner une sous-utilisation des outils : c'est ce qu'évoque Claudine Belayche dans son article.

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    L'interrogation libre dans le catalogue de la bibliothèque municipale de Troyes

    à l'intranet public

    Les réalisations en matière d'intranet public sont plus nombreuses. Sont présentés dans le présent dossier les exemples du service commun de documentation de l'université Lyon-3, de la bibliothèque publique et universitaire de Genève et des bibliothèques municipales de Gravelines et de Grand-Fort-Philippe.

    Nous avons également reçu des informations sur les intranets des bibliothèques municipales de Brest, Fresnes et Taverny, des bibliothèques universitaires de Colmar, Nanterre et Toulouse-1, et de la médiathèque de l'IRCAM. Le plus ancien est celui de l'IRCAM, mis en route en juin 1996. La plupart ont été installés en 1998, et celui de Fresnes devrait être ouvert en mai 1999. Si à Fresnes, Taverny et Toulouse les pages du site intranet ont été réalisées par un prestataire, dans tous les cas c'est la bibliothèque, parfois aidée par un autre service, qui les met à jour.

    Tous ces intranets proposent la consultation du catalogue local, des informations sur la bibliothèque, des choix de sites Web selon des formules diverses : signets, listes, liens à partir du catalogue. Fresnes et Taverny poursuivent une politique systématique de liens entre leur catalogue et des sites Web, à partir des autorités auteurs et matières dans les deux cas, et à partir des notices bibliographiques à Taverny, où des sites Web sont également catalogués en tant que tels. Cela ne s'accompagne pas forcément d'un accès à tout Internet : il n'est pas possible à l'IRCAM non plus qu'à Fresnes, où cette politique est ainsi justifiée : « La bibliothèque n'assure pas non plus l'accès gratuit au téléphone et la distribution gratuite de timbres-poste », tandis que le libre accès existe à Brest, Colmar, Nanterre, Taverny et Toulouse, l'université pratiquant dans ce dernier cas un filtre des sites indésirables.

    Les cédéroms sont intégrés à l'intranet à Brest, Fresnes et Toulouse. On accède à des documents numériques locaux à l'IRCAM alors qu'à Toulouse il est prévu de fournir les sommaires des périodiques et des articles en texte intégral.

    La spécialisation des postes n'est pratiquée qu'à Nanterre et le sera à Fresnes, où par exemple ceux de la section enfantine ne permettront pas l'accès aux cédéroms pour adultes.

    Lorsque le site intranet est dupliqué sur Internet, certains services ne sont pas disponibles pour des raisons techniques (débit insuffisant) ou juridiques. On voit là que les frontières entre Internet et intranet peuvent être ténues, sauf dans le cas où, comme dans les bibliothèques municipales de Grand-Fort-Philippe, Gravelines et Taverny, les services intranet et en particulier le catalogue ne sont accessibles que sur place. Dans le cas des universités, l'accès au catalogue, au réseau de cédéroms, à d'autres ressources en ligne de tout le campus (locaux divers à destination des étudiants, bureaux des enseignants-chercheurs...) provoque un véritable effet de «bibliothèque hors les murs que souligne Marie-Dominique Heusse à Toulouse Pour conclure, laissons la parole à Michel Fingerhut, qui tire ainsi le bilan de l'expérience très aboutie d'un intranet qui offre notamment un outil de recherche en texte intégral sur les ressources disponibles :

    « L'intranet procure un accès uniforme, sécurisé et simplifié à des collections jusqu'alors inaccessibles. Le rapprochement "informatique" permet d'effectuer des recherches croisées d'un type nouveau. Enfin, la mise à disponibilité sur un même réseau de fonds numérisés a influencé l'écriture savante en ligne (d'analyses musicologiques). L'accès uniforme à des données hétérogènes (catalogue, bases de données, enregistrements sonores, vidéos) sur un même poste, par une même interface, en facilite incommensurablement l'utilisation. Enfin, l'utilisation d'une interface uniforme (Web) permet de donner accès tout aussi facilement à des services externes complémentaires (autres bibliothèques, bases de données, centres de recherche dans le même domaine). »

    Oui, vraiment, l'intranet est un outil irremplaçable pour une bibliothèque, quel que soit son public.

    Remerciements à : Alain Caraco (bibliothèque de Savoie) Geneviève Chesneau (bibliothèque municipale de Brest) Cécile Demeude (bibliothèque universitaire de Paris-X-Nanterre) Marie-Dominique Heusse (bibliothèques de l'université Toulouse-1) Michel Fingerhut (médiathèque de l'IRCAM) Thierry Giappiconi (bibliothèque municipale de Fresnes) Adeline Logerot (bibliothèque universitaire de Haute Alsace-Colmar) Alain Pansu et Geneviève Cardeira-Lopes (Médiathèque Les Temps Modernes, Taverny)

    1. Dans le contexte français, un réseau de bibliothèque peut tout simplement utiliser le réseau Internet pour organiser la diffusion et l'échange d'informations entre ses membres, en restreignant l'accès (on parlerait alors d'Extranet) si c'est vraiment nécessaire. retour au texte

    2. Institut de recherche et de coordination acoustique-musique du Centre Georges-Pompidou. retour au texte