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Analyse des chartes de collections des bibliothèques publiques du site Poldoc

2000

    Analyse des chartes de collections des bibliothèques publiques du site Poldoc

    Par Isabelle de Cours, Bibliothécaire Institut nationald'histoire de l'art

    Le site Poldoc, animé par Bertrand Calenge et hébergé par le serveur de l'Enssib, met à la disposition des lecteurs des politiques d'acquisition et des plans de développement des collections élaborés par des bibliothèques qui consentent à les rendre publics. Quatorze documents émanant de bibliothèques publiques ont été analysés :

    • onze chartes des collections (1) ;
    • un plan de développement des collections (2) ;
    • deux « documents d'orientation (3) ».

    Quelques précisions en préambule

    La charte des collections propose les objectifs documentaires généraux de l'établissement, établit les principes de constitution des collections, en apportant un soin particulier aux usages privilégiés qui guideront les bibliothécaires.

    Le plan de développement des collections détermine chaque année les règles et objectifs d'application de la charte des collections, se référant au budget essentiellement, mais établissant aussi échéanciers, responsabilités et complémentarités, secteur par secteur, pour l'année à venir.

    Les protocoles de sélection établissent en détail les règles d'acquisition et d'élimination d'un domaine considéré du point de vue du contenu (4) .

    Il ressort avant tout de l'étude de ces textes une grande confusion dans les termes. Aucune distinction n'est faite entre charte des collections, plan de développement des collections et protocole. On emploie l'un pour l'autre, on les confond, ils se recoupent. Parfois la démarcation paraît claire, mais il suffit de lire les documents pour se rendre compte que les notions sont floues et les frontières peu définies. Comme si la rédaction restait un exercice de style qui se suffit à lui-même et qui demeure dans les limbes de la théorie.

    Il est difficile de trouver des chartes qui ne soient pas interchangeables d'un établissement à l'autre. Les chartes des grandes structures sont parfois très longues et détaillées (par exemple à La Rochelle pour les niveaux d'acquisition) mais, de par le caractère encyclopédique de leurs collections, elles ne peuvent pas réellement entrer dans le détail des acquisitions, pour la bonne raison qu'il serait très difficile de respecter des consignes trop pointues et qu'une trop grande précision dans le détail est la porte ouverte aux critiques et aux attaques. Le risque encouru est alors de rédiger une politique trop généraliste qui, certes, est intéressante et indicative, mais n'est pas propre à une seule bibliothèque (La Rochelle, Brest, BDP 71, Le Mans).

    Les chartes les plus riches sont celles émanant de petites structures. Leur public, moins varié, mieux défini, partant, mieux connu, et leur budget souvent plus restreint les conduisent à définir précisément une politique adaptée, et à cadrer leurs lecteurs et leurs missions au plus près. La charte de la bibliothèque de L'Abbaye-les-Bains (bibliothèque de quartier de Grenoble) est à cet égard exemplaire. Elle définit pour chaque catégorie d'ouvrages le niveau acheté, le public visé, traite des demandes des usagers, des dons, évoque les documents écartés et les éliminations. Elle a aussi le mérite d'être courte et claire. La charte de la nouvelle bibliothèque municipale de Mâcon brosse elle aussi un tableau assez complet et révélateur de ce que seront ses collections. C'est aussi le cas de la bibliothèque municipale de Villefranche-sur-Saône et de celle de Montmorillon.

    Dix textes traitent clairement des documents rejetés en spécifiant la raison de la censure, mais seules trois bibliothèques s'appuient sur des lois : celles du 1er juillet 1972 et du 12 juillet 1990 (loi Gayssot) sanctionnant les discriminations ethniques, racistes et religieuses ; celles du 11 mars 1957 et du 3 juillet 1985 sur la propriété littéraire et artistique ; celle du 3 janvier 1979 concernant les archives ; enfin, celle du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.

    Onze de ces textes ont été rédigés en 1997 et 1998. Tout se passe comme si les pressions politiques qui se sont fait jour principalement dans le sud de la France avaient fait sourdre çà et là chartes et plans de développement des collections comme autant de garde-fous. Deux ont été écrits en 1999, un n'est pas daté. Aujourd'hui, la mode des politiques d'acquisition en bibliothèque publique semble derrière nous. Quand elles existent, elles servent plus de protection que de point de départ à un travail quotidien. Dans la pratique, il est rare de faire référence à un cadre écrit lorsqu'on achète. On peut donc se demander si elles gardent encore un sens dans de grandes bibliothèques de lecture publique.

    De fait, seules quelques-unes de ces chartes (cinq) ont été validées par les instances politiques dont relevait la bibliothèque au moment de leur publication sur le site Poldoc. De plus, on ne sait pas toujours quelle sera l'utilisation de ces textes : large public, initiés (Poldoc), élus, personnel de la structure, responsables des acquisitions, usagers ? Aucune ne fait apparaître de coordinateur des acquisitions, le responsable des achats restant le directeur de la structure pour deux des chartes étudiées et, pour l'une d'entre elles, cette fonction est exercée par les responsables des domaines d'acquisitions.

    Par ailleurs, seules cinq traitent de la façon dont se font les acquisitions : chez les libraires locaux, dont un seul bénéficie d'un marché négocié. On ignore si des marchés existent, si des procédures d'appel d'offres sont en cours ou sur le point d'être lancées. On ignore bien souvent qui est à l'origine de l'écriture de ces textes, pour combien de temps ils sont élaborés, si leur contenu a évolué. Enfin, l'objectif qui a présidé à leur écriture n'est pas toujours patent. Six de ces chartes vont de pair avec un plan de développement. Rien ne dit si ces plans sont actualisés annuellement, ni si ce sont des documents de travail.

    Il est étonnant qu'il y ait si peu de chartes publiées et qu'il soit si difficile de les rédiger ou d'y réfléchir en interne, tout au moins en bibliothèque publique. Il ne semble pas non plus que ces textes soient fondamentaux pour les services, si ce n'est pour des créations ex nihilo ou de très grands établissements (BnF, BPI). De plus, ils concernent en grande majorité les fonds adultes de monographies.

    L'échantillon des textes proposés est trop maigre et trop peu représentatif pour permettre une réelle analyse. Il semble malgré tout que, lorsqu'il y a acte d'écriture, il serve à déplacer le problème, que l'on se bute et se braque dessus, en évinçant les vraies questions de fond sur l'action acquisition.

    Pour terminer un survol sommaire des chartes et des politiques disponibles sur Poldoc, force est de constater, tout au moins pour ce qui est des bibliothèques publiques, que :

    • La charte des collections n'apparaît pas comme une nécessité.
    • Plus la bibliothèque est grande, plus la charte est difficile à individualiser.
    • Ou les textes sont très généralistes, jusqu'à se trouver interchangeables, et donc n'appartiennent pas en propre à un établissement en particulier ; ou ils vont loin dans le détail et finissent par manquer de souplesse. Comme partout, le juste milieu est malaisé à atteindre.

    Toutefois, il reste intéressant de lire ces différents documents, qui incitent à réfléchir sur nos pratiques.

    Durant l'été 2000, Bertrand Calenge a lancé un autre appel à contribution pour enrichir et compléter le site Poldoc. Il est posible que les textes étudiés au cours du premier semestre 2000 paraissent obsolètes si le site est revu. Cependant, on peut espérer que les mises à jour des chartes apporteront des développements constructifs.

    Les textes suivant cette analyse permettront de confirmer ou d'infirmer ces propos, puisqu'ils présentent quelques exemples de mise en oeuvre de politiques d'acquisition.

    1. Saint-Quentin-en-Yvelines, Mâcon, La Rochelle, L'Abbaye-les-Bains (Grenoble), Brest, BDP 71, BIUM Clermont-Ferrand, Le Mans, Villefranche-sur-Saône, médiathèque de la Villette, Montmorillon. retour au texte

    2. Montmorillon. retour au texte

    3. Provenant tous les deux du SAN de Cergy. retour au texte

    4. Extraits des Politiques d'acquisition par Bertrand Calenge, Cercle de la librairie, 1994. retour au texte