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Les acquisitions et leur organisation dans un nouvel établissement

2000

    Les acquisitions et leur organisation dans un nouvel établissement

    Par Alain Duperrier, Directeur Bibliothèquefrancophone multimédiade Limoges

    ABF: Quel est le budget et comment se répartissent les acquisitions à Limoges ? Y a-t-il une charte ? Quelle est la répartition des prêts par catégorie de documents et de publics ?

    Alain Duperrier: Il n'y a pas de charte d'acquisition rédigée à Limoges, ce qui ne signifie bien évidemment pas qu'il n'existe pas de politique de gestion des collections. Le débat actuel à ce sujet me laisse assez perplexe. Les politiques d'acquisition sont depuis toujours des interrogations foncières, intrinsèques, des compétences de base des bibliothécaires. La multiplication des journées d'étude et des publications sur cette question, faisant oeuvre de formation très utile eu égard à la qualité des intervenants et aux succès rencontrés, semble révélatrice d'un doute plus profond qui secoue les certitudes identitaires de la profession. Sommes-nous devenus plus exigeants, ou moins bien formés, ou plus sensibles à des pressions de toute nature ?

    Par ailleurs, la rédaction d'un tel document est très délicate : faire un texte, à vocation interne mais susceptible d'être diffusé, qui ne soit pas un catalogue de généralités et qui dans le même temps ne prête pas le flanc à la remise en cause de l'indépendance intellectuelle des bibliothécaires par quelque groupe de pression que ce soit... Il n'est pas aisé d'élaborer un document irréprochable qui définisse par exemple les notions d'universalité et de pluralité des collections et qui, dans le même temps, fixe les bornes sociales ou politiques de ce qui est « acceptable » dans des collections publiques.

    Des mésaventures récentes, y compris à la BnF, nous rappellent le caractère délicat de cette question. La valeur fondamentale à défendre est celle de l'indépendance du bibliothécaire pour le choix des acquisitions. Cette indépendance est totale à Limoges. Dans tout autre contexte, et le territoire s'est couvert de tristes et inacceptables situations, une charte devient indispensable ; elle prend alors une valeur défensive, une valeur de protection du statut du bibliothécaire. Elle ne peut cependant avoir de poids que dans un cadre législatif national.

    À Limoges, il est de la compétence des assistants de conservation, sous l'autorité d'un bibliothécaire ou d'un conservateur responsable de pôle, de veiller à la pertinence et à la qualité des collections proposées au public. Pour autant, sans déni de professionnalisme, le débat a parfois cours chez les assistants de conservation pour les achats par exemple dans les domaines des sciences sociales ou de la littérature (best-sellers, romans sentimentaux, documentaires d'actualité...), assistants qui seraient alors rassurés par un texte formel.

    Les crédits sont attribués ainsi : 4,6 millions pour tout le réseau dont 3,5 millions à la BFM - centre ville, tous documents confondus. Le budget, lors de sa préparation, est globalement réparti par supports et par secteurs, des sous-répartitions plus fines intervenant au sein de chaque pôle (sept sous-budgets par exemple derrière la ligne centre ville-littérature livres.) Chaque équipe a la responsabilité d'un budget.

    Niveaux d'acquisition :

    • Domaines où l'exhaustivité est attendue : le fonds local, la francophonie (pôle associé).
    • Secteurs où l'on est parti de zéro : constitution des fonds de CD, vidéos, cédéroms.
    • Pour le reste, pour les collections plus courantes, le choix est fait chaque année de mettre l'accent sur tel ou tel aspect littéraire ou documentaire.
    • Dans le réseau, où se trouvent, selon les quartiers, des lieux de plus forte spécialité, nous insistons sur des domaines particuliers : les contes, le roman policier ou les ouvrages en langue étrangère par exemple.
    • Pour la jeunesse, hormis comme pour tous les pôles la constante remise à niveau des collections, notamment dans le secteur documentaire, une politique de suivi des auteurs de fiction est en place.

    ABF: Quels ont été les objectifs externes, la commande politique en termes de missions et d'orientations documentaires, si elle a été exprimée?

    A. D. : Il n'y a pas eu de commande politique particulière. Le professionnalisme des bibliothécaires a été reconnu. Un plein accord est intervenu sur le développement des nouvelles collections dans le cadre du projet BFM (CD, vidéos, cédéroms...).

    ABF: Quel environnement extérieur a été pris en compte?

    A. D. : On a tenu compte de la spécificité des quartiers, sans tomber dans la démagogie mais en accentuant leur côté lecture publique. La politique d'acquisition pour la médiathèque du centreville est à la fois plus généraliste et plus pointue. Notamment parce que 30 % de la population des inscrits est lycéenne ou étudiante. Par ailleurs, la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges étant à la fois BMVR et pôle associé pour le théâtre et la poésie francophones, elle constitue dans ce domaine des collections uniques grâce à des circuits d'acquisition et à des contacts internationaux tout à fait originaux.

    ABF: Dans le cadre d'une rénovation/restructuration d'équipement, à partir de quel diagnostic la reprise des fonds, concernant les collections, a-t-elle été conduite?

    A. D. : Pour exemple, l'espace de référence a été grandement redéfini. Nous avons opéré un redéploiement des collections, dont certaines provenaient des magasins. Or, et cela est vrai pour tous les pôles, on s'est aperçu de manques quand les collections initialement placées en accès indirect ont été installées en accès direct. Il a ainsi fallu combler des lacunes, en géographie et en philosophie par exemple. Dans le même état d'esprit, l'abandon d'un premier projet de classement par centres d'intérêt, a permis de redonner une vision plus globale des collections, et de redimensionner certains champs documentaires.

    ABF: Comment les objectifs généraux sont-ils transcrits en politique d'acquisition par les bibliothécaires ? À défaut de commande externe, quelles sont les grandes orientations documentaires des bibliothécaires ?

    A. D. : Les objectifs de chaque équipe sont discutés au sein des pôles avec le bibliothécaire responsable, puis au sein de l'équipe de direction. Ils sont, le cas échéant, transcrits budgétairement.

    ABF: En particulier, quels ont été les choix en matière de supports ?

    A. D. : Tous les supports ont été privilégiés.

    ABF : Quels choix budgétaires en ont découlé?

    A. D. : La constitution des fonds a commencé quatre ans avant l'ouverture de la médiathèque pour les CD et les vidéos ; deux ans avant l'ouverture pour des rafraîchissements de collections (usuels, informatique, bandes dessinées, albums jeunesse...) ; un an avant l'ouverture pour les cédéroms.

    ABF: Quels choix ont été faits en matière de conditions d'accès au document?

    A. D. : Une très large place a été faite à l'accès direct. La politique de départ était de développer le libre accès en augmentant considérablement les surfaces d'accueil du public. Un an avant l'ouverture, il a fallu sortir des documents des magasins, les informatiser, changer leur cote... Actuellement, la communication indirecte provient soit des magasins de proximité des pôles, soit des compactus.

    Ces magasins de diffusion sont gérés par les assistants des pôles, a contrario des « compactus qui le sont par les magasiniers. Les documents devront, le temps passant, basculer d'un magasin à l'autre. Il existe aussi des réserves extérieures où sont situés le dépôt légal, les périodiques remontant à plus de dix ans... Une navette quotidienne permet le lien de ce dépôt à la médiathèque.

    ABF: Quelle a été l'organisation du travail d'acquisition pour atteindre ces objectifs ? En particulier, une organisation existante a-t-elle été prolongée ? Une organisation nouvelle a-t-elle été adoptée ? Celle-ci était-elle provisoire? Quels principes ont été suivis dans l'organisation du circuit des acquisitions ?

    A. D. : L'organisation est mixte. Une organisation nouvelle, par pôles et par spécialités, et une organisation ancienne coexistent. Par exemple, pour le pôle littérature, les assistants sont par équipe de deux ou trois pour faire les acquisitions ; auparavant, ils étaient le plus souvent seuls dans leur domaine.

    La taille même des collections nécessite à la fois un partage et une répartition des acquisitions. Les assistants réalisent les bons de commande. Les bibliothécaires responsables de chaque pôle les voient. Le bon est signé par le directeur de la médiathèque et par l'élu en charge du livre et de la lecture. Il n'y a pas de réunions générales d'acquisition regroupant centrale et bibliothèques de quartier : chaque bibliothèque élabore son propre bon de commande, qui reçoit ou non l'aval du bibliothécaire et du directeur. Des bons de commande partent tous les jours.

    Il n'y a pas de coordinateur unique des acquisitions, car il n'y a pas de service centralisé des acquisitions. La coordination au sein de chaque pôle est de la responsabilité d'un bibliothécaire ou d'un conservateur. Elle est ensuite transcrite en termes comptables et administratifs. Les liens se font entre des répartitions thématiques et des fournisseurs, sur le modèle de l'organisation actuelle de la BFM. Au centre-ville, il existe trois pôles adultes (la littérature ; l'art, auquel sont rattachés les CD et les vidéos ; les sciences, auxquelles sont rattachés les périodiques), un pôle jeunesse et deux pôles spécialisés (la francophonie et les fonds patrimoniaux). Puis sont organisées en réseau les bibliothèques de quartier. Le seul domaine centralisé pour les acquisitions est celui des périodiques et des cédéroms, gérés par le pôle sciences.

    ABF: Quels liens faites-vous, ou ne faites-vous pas, entre l'organisation des acquisitions et l'organisation générale du service ?

    A. D. : L'organigramme des acquisitions est calqué sur celui du service. Cependant, des liens transversaux existent et sont à renforcer pour un meilleur travail de pôle à pôle.

    ABF: Quels sont les moyens mis en oeuvre pour une évaluation de la collection ?

    A. D. : Des évaluations sont faites au sein de chaque pôle en fonction de ses spécificités (rotation des collections, pertinence de certains supports tels que cassettes audio ou diapositives). Cependant, aucun outil systématique n'a encore été mis en place.

    ABF: Quels enseignements le fonctionnement réel de l'équipement a-t-il apportés sur la constitution des collections après l'ouverture ?

    A. D. : Cela se passe globalement très bien. Tous les efforts de remise à niveau ont été pertinents. Les difficultés rencontrées sont les mêmes qu'ailleurs, et portent surtout sur les nouveaux supports. Pour les CD, la part du classique a baissé (elle ne représente plus que 35 % du fonds) au profit de la chanson, du rock, du rap et des musiques du monde. Cela correspondait à un réel besoin. En raison du niveau de demande du public, la vidéo de fiction a été proportionnellement plus achetée que la vidéo documentaire, modifiant légèrement la constitution initiale du fonds.

    ABF: Sur quels points de la gestion des collections souhaiteriez-vous insister?

    A. D. : Sur aucun en particulier. La rénovation partielle des collections est constante. Il convient cependant d'être extrêmement vigilant sur l'évolution des supports de type multimédia et sur les nouvelles pratiques culturelles qu'ils peuvent générer.