Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Rapport d'orientation 2000

    Par Gérard Briand, président ABF

    L'élaboration de ce rapport d'orientation a tenu compte des rapports des deux sections Étude et recherche et Bibliothèques publiques.

    1 - Quelques chiffres simples pour commencer : 18 °/o d'inscrits en BM (30, 40 °/o ailleurs, y compris dans certains pays d'Europe du Sud regardés avec condescendance jusqu'à présent).

    Certes, les progrès ont été importants qui ont accompagné la décentralisation (Jean Gattégno), mais il y a matière à un effort tout aussi important.

    Un demi-livre acheté par an et par étudiant dans les bibliothèques universitaires (contre 4 en Allemagne et 10 aux États-Unis), cela montre aussi le retard important de notre pays en matière de diffusion de l'information.

    Il y a donc place pour une politique généreuse et ambitieuse en matière de développement et de modernisation des bibliothèques publiques (sur fonds publics), ce que nous ferons valoir auprès des pouvoirs publics. Cela suppose une politique visant à une amélioration considérable de la qualité du service aux usagers, avec des moyens correspondants pour développer les collections, les bâtiments, le personnel professionnel et les horaires d'ouverture.

    2 - La bibliothèque se transforme, les technologies de l'information vont permettre des constructions différentes du savoir que nous avons du mal à imaginer puisque, précisément, notre mode de pensée est directement influencé par l'outil dont nous disposons : le livre. Il est important de réfléchir à l'avenir, et que l'ABF soit prête à concevoir la bibliothèque du futur dans sa philosophie de partage du savoir.

    3 - Le partage du savoir sera la troisième idée. C'est le principe qui légitime les bibliothèques publiques (de lecture publique et de recherche) et fonde leurs missions.

    De cela découlent plusieurs conséquences.

    Tout d'abord, l'affirmation du principe de gratuité. Je rappelle à ce sujet la position claire de l'ABF sur ce point : pas de paiement par l'usager. S'il doit y avoir rémunération des auteurs pour l'usage des livres, il est juste que cela soit pris en charge par la collectivité nationale.

    À l'évidence ensuite, l'économie du livre et de l'information a besoin d'être complètement et objectivement analysée. L'absence de transparence des pratiques commerciales, l'impact des nouveaux modes de diffusion ont des conséquences sur l'ensemble du réseau du livre. On ne peut dissocier cette analyse de celle des droits de diffusion et du droit d'accès à l'information.

    De ce qui précède, il ressort que l'ABF doit affirmer :

    • * Que les bibliothèques sont des services publics non rentables économiquement mais dont le bénéfice social et culturel doit être pris en compte.
    • " Que ce sont des lieux de partage et de rencontre des idées pour toutes les couches de la société y compris les populations « non rentables ».
    • "Que nous refusons la confusion du libéralisme et d'une conception de la modernité dans laquelle l'argent est le seul moyen de mesure de performance.
    • * Enfin, comme elle l'a déjà fait, qu'un texte légitimant les bibliothèques dans leurs missions de diffusion du savoir auprès de tous les citoyens (une loi) est nécessaire.

    Vie de l'Association

    Petit rappel

    Le travail est fait par les adhérents qui acceptent de s'impliquer soit dans les structures permanentes (conseils des groupes, sections, échelon national, bureau), soit dans les commissions et/ou les groupes thématiques. Ces derniers nourrissent le travail de fond de l'ABF et alimentent de leur réflexion les publications diverses, dont le Bulletin.

    Rappelons que les commissions, groupes sont ouverts à tous ceux qui souhaitent apporter une contribution et participer à la réflexion.

    Rappel également

    Les groupes régionaux ont une importance toute particulière. Ce sont eux qui assurent le contact, l'information de proximité, eux aussi qui se trouvent en première ligne lorsqu'il y a des difficultés. L'intérêt pour une association nationale de s'appuyer sur les groupes régionaux est évident si elle veut faire bénéficier l'ensemble de ses adhérents des expériences - parfois difficiles - subies ou menées par les groupes régionaux.

    L'échelon national doit apporter son soutien chaque fois que cela est nécessaire, tout en appréciant les situations avec le recul souhaitable. La complémentarité doit être acceptée par les uns et les autres sans arrière-pensée dans une association démocratique.

    Les rapports avec les sections ressortent de la même approche. L'ABF est multiple mais unie. Il est important de rapprocher les réflexions chaque fois que c'est utile, et éventuellement de les confronter, d'en débattre au conseil national en visant le consensus.

    Attention, il ne s'agit pas de monocentrisme. Mais il est nécessaire de comprendre que, par hypothèse, ce qui nous rapproche dans une association est toujours plus important que ce qui nous sépare. Donc on se respecte, on s'écoute, on palabre et on décide.

    Développement de l'Association

    Nous sommes plus nombreux, et c'est tant mieux, mais nous pourrions l'être sûrement davantage. La qualité du travail produit par l'ABF est indiscutable. Mais je crois que la question se pose plus en termes de qualité des relations et nous oblige à nous interroger sur nos propres pratiques.

    Nous savons tous que militer à l'ABF n'est pas facile, surtout lorsque l'on n'occupe pas un poste hiérarchique permettant de le faire. Adhérer, militer à l'ABF, c'est j'espère ne pas être seulement consommateur, encore que cela ne soit pas condamnable, et c'est la liberté de chacun de savoir quel niveau de participation il souhaite ou peut apporter. Cependant, être adhérent c'est déjà avoir conscience de la nécessité d'une adhésion militante. Et il serait paradoxal de ne pas oeuvrer pour permettre, encourager la participation des collègues qui ne sont pas en position hiérarchique de le faire facilement.

    Vous qui êtes responsables d'un service, adhérents ou militants de l'ABF, encouragez la participation de vos collègues subordonnés. L'ABF contribue à la formation, à l'information, au décloisonnement. Les plus jeunes collègues, ceux dont les compétences sont les plus fraîches, ont vocation à venir nous rejoindre. La permissivité doit être considérée comme une règle de gestion des ressources humaines, et l'expérience est un privilège qui permet les synthèses et la vue globale. Rien à craindre donc pour l'autorité.

    Conclusion

    Pourquoi fais-je ce métier ?

    Ce n'est pas parce que j'aime les livres, encore que je ne les déteste pas.

    Ce n'est pas parce que j'aime le service public, encore que...

    Et ce n'est pas par souci de sécurité d'emploi.

    Alors c'est sans doute parce qu'avec d'autres il contribue au développement de la société démocratique, parce qu'il permet d'en mesurer concrètement les effets.

    Pourquoi ai-je accepté et même souhaité être président de l'ABF ? Grave question, surtout en cette période un peu agitée. On ne peut heureusement pas penser qu'il s'agit d'une sinécure.

    Je crois simplement que c'est une façon, différente certes, de faire de la politique. Et pour moi, il ne s'agit pas d'un vilain mot, persuadé que si je, vous, nous n'en faisons pas, quelqu'un en fera à notre place, et sans doute le fait déjà. Nous ne sommes pas, nous à l'ABF, un groupe de pression ni un lobby, nous sommes une association démocratique où les idées sont débattues et respectées. J'espère que c'est notre force et que nous serons convaincants.