Index des revues

  • Index des revues

L'orientation de la Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires et ses nouveaux statuts

1977
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    L'orientation de la Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires et ses nouveaux statuts

    Par Jacques Lethève

    L'année 1976, et plus encore l'année 1977, vont marquer à coup sûr un tournant considérable dans l'existence de la FIAB. Si l'on peut encore, à la française, parler de « FIAB », mais nous allons revenir tout à l'heure sur ce point.

    Après les discussions souvent incohérentes d'Oslo, le processus strict préparé par le Secrétariat général de La Haye - à qui un juste hommage a été rendu - a permis de faire voter les nouveaux statuts sans bavardages inutiles. Peut-on espérer autant d'efficacité et de clarté dans la mise en application de ces statuts ? Ce n'est pas tout à fait sûr.

    Parmi les transformations obtenues, certaines visaient à corriger des injustices évidentes. En acceptant, il y a quelques années, des bibliothèques comme « membres associés » la FIAB n'avait pas caché trouver par là une nouvelle source de financement tout en attirant l'intérêt de grandes institutions vers ses activités. Les associations de bibliothécaires restaient normalement le coeur vivant de la Fédération, mais elles détenaient uniquement le pouvoir de consultation et de décision puisque les délégués de chaque association étaient seuls admis à voter, à raison d'une voix par association. Le nombre croissant de membres associés rendait évidemment cette situation discutable. Désormais, cette catégorie désignée comme « membres institutionnels » (bibliothèques, écoles de bibliothécaires, instituts bibliographiques, etc.) réunit des membres à part entière. Seuls restent « membres affiliés », sans droit de vote, des organismes s'intéressant aux activités de la FIAB mais n'ayant pas pour objet essentiel le monde des bibliothèques. Le droit de vote des membres institutionnels sera pourtant réduit à une voix pour chacun, ce qui limitera leur influence.

    Un autre problème avait été progressivement mis en vedette par les pays qui ne possèdent qu'une seule association de bibliothécaires. Etait-il juste de leur attribuer une seule voix dans les votes, alors que tel ou tel pays, riche de plusieurs associations, bénéficiait d'un nombre multiple de voix ? Ne serait-il pas plus normal que chaque pays ne dispose que d'une voix ? Voilà un problème propre à tous les organismes internationaux, mais on sait combien les divergences politiques se trouvent aiguisées à l'occasion des discussions qu'il engendre. En l'absence d'un système indiscutable, la solution proposée par la FIAB, et désormais adoptée, peut apparaître comme une des plus justes. Les pays sont groupés en plusieurs catégories disposant d'un nombre différent de voix, variant actuellement de cinq à vingt. Ainsi chaque pays peut-il utiliser globalement les votes qui lui sont attribués s'il n'a qu'une seule association : c'est par exemple le cas de l'U.R.S.S. figurant désormais dans la catégorie supérieure. En revanche, les pays possédant plusieurs associations pourront répartir les voix attribuées entre chacune d'entre elles, à charge pour celles-ci de trouver un modus vivendi : ce sera le cas de la France (1) .

    Le critère de répartition des pays dans les différentes catégories avait donné lieu à diverses suggestions. Mais on a repoussé le nombre de bibliothécaires ou celui de bibliothèques comme trop difficile à connaître de manière objective. Finalement a été retenu l'élément qui sert depuis plusieurs années à fixer les cotisations, comme il fixe celles de l'UNESCO : le produit national brut. Critère bien peu culturel et sans lien évident avec les bibliothèques comme le cas de notre pays le montre assez, la situation matérielle des bibliothèques et des bibliothécaires n'étant pas toujours en liaison directe avec la richesse du pays. En l'espèce, ce classement nous vaut de figurer dans la première catégorie, ce qui peut poser quelques problèmes pour la cotisation, mais nous conservera une place non négligeable dans la prise des décisions.

    Les nouveaux statuts entraînent bien d'autres changements. Un des buts recherchés, et des plus louables pour l'efficacité du travail international, était de créer une autorité capable de coordonner l'activité des différentes sections et de décider de l'opportunité de leurs travaux. Cette recherche est louable puisqu'il faut bien distinguer le possible du superflu ou de l'utopie et que les travaux efficaces supposent un appui matériel et financier. Un « bureau professionnel » sera chargé de cette tâche, bureau formé des présidents de chacune des « divisions » et de chacune des « unités professionnelles » dont nous allons parler. Il est à craindre pourtant que nous ne soyons là au noeud d'une difficulté presque insurmontable. Les bibliothécaires ont en effet tendance à se rassembler en groupes de plus en plus petits parce que les discussions sur des problèmes précis, autour de spécialités étroites, leur paraissent les plus directement utiles et conduisant à des résultats concrets. Mais, outre la nécessité de maintenir de grandes lignes et de grands principes applicables à tous - et c'est un des domaines où le travail international est indispensable - la multiplication des sections et sous-sections rend plus difficile l'aide matérielle que la communauté internationale peut apporter à chacune d'elles. Le « bureau professionnel » sera-t-il assez informé et assez objectif pour trancher et imposer des choix indiscutables ? Les récriminations que, par avance, certaines soussections ont exprimé à Lausanne ne sont que le prélude de prochaines difficultés. On peut espérer pourtant que la possibilité de constituer des « tables rondes » et des « groupes de travail » à participation ou à objectifs limités, donnera satisfaction à certains besoins moins permanents.

    Les sections pour leur part seront désormais regroupées en « divisions » et ce sont les chefs de ces divisions qui conduiront essentiellement les décisions du bureau professionnel. Espérons que le mécanisme sera efficace car il est lourd et son fonctionnement imposera aussi des décisions financières. Il ne serait pas juste que seuls puissent prendre part aux travaux professionnels ceux à qui les crédits de leur bibliothèques ou leur fortune personnelle permettent de ne pas faire appel à la communauté. C'est pourtant ce qui a été envisagé à la réunion du bureau professionnel provisoire, espérons-le à titre exceptionnel.

    C'est en partie pour pallier ces difficultés financières que les nouveaux statuts comportent une clause ne permettant à chaque association qu'une participation aux travaux de quatre sections, la participation à un plus grand nombre devant s'accompagner de cotisations supplémentaires. L'A.B.F. s'est étonnée d'être pratiquement la seule à réclamer la suppression de cet article qui a d'ailleurs été finalement adopté mais avec quelques nuances. C'est seulement après coup que quelques-uns de nos collègues étrangers, membres actifs des comités de sections très spécialisées, se sont demandés si l'association à laquelle ils appartiennent assurerait bien une inscription supplémentaire à leur section pour leur permettre de poursuivre leurs activités. Il est certain aussi qu'une association nationale représentant, comme la nôtre, tous les types de bibliothèques et toutes les activités peut difficilement renoncer à certains de ceux-là et certaines de celles-ci sur le plan international.

    Nous avons mentionné plus haut des « unités professionnelles ». Il faut entendre par là des organes permanents tels que le Bureau du contrôle bibliographique universel déjà créé à Londres. A ceux qui trouvent un peu coûteux le fonctionnement d'un tel bureau, on doit répondre en présentant la liste des réunions et des réalisations déjà à son actif. Toutefois, de tels organes, comme le Bureau plus récent du prêt international, rattaché au centre de Boston Spa, doivent prendre garde de ne pas accaparer une trop grande part des moyens d'action de la FIAB.

    Il est difficile de juger dès à présent les conséquences de ces différents changements. Difficile de savoir si le mécanisme prévu améliorera vraiment le travail ou alourdira la machine. Difficile de connaître les tendances qu'apportera la nouvelle répartition des votes entre les pays et aussi la participation des institutions, à côté des associations professionnelles seules concernées jusqu'ici. Quand un ensemble de nouveaux responsables aura été placé en 1977 aux postes de décisions, la FIAB ancienne manière aura bien vécu. Et stricto sensu la FIAB. Car voici l'article 1 des nouveaux statuts dans le texte anglais qui fait foi : « The name of the association shall be : International Federation of Library Associations and Institutions, designated by the acronym IFLA ». La traduction française, assurée par l'A.B.F., a proposé la formule suivante qui n'est pas entièrement satisfaisante : « Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires et des Bibliothèques ». Devrons-nous dire désormais FIABB ? Ou plutôt IFLA comme la quasi totalité de nos collègues étrangers ? C'est là un point mineur comme sont mineures les discussions de forme sur le nouveau mécanisme de la fédération. L'essentiel est bien le travail collectif, les confrontations internationales dans une profession qui, plus que jamais à l'intérieur d'un monde en évolution, a besoin d'adopter des solutions uniques ou tout au moins compatibles les unes avec les autres. Or les divergences de forme n'empêchent pas la participation de tous dans un esprit de collaboration dont on pourrait objectivement s'émerveiller. Dans son discours de clôture à Lausanne le Président Kirke gaard faisait très justement remarquer que, parmi les communautés internationales, celle des biliothécaires pourrait, de façon moins discutable que beaucoup d'autres, mettre en exergue le mot « Paix ». Car elle oublie les différences politiques, raciales ou autres qui déchirent sous nos yeux tant d'organisations même à prétention culturelle.

    Le cinquantenaire de la fédération qui va être célébré en 1977 à Bruxelles, devrait par l'ampleur de ses manifestations et, on peut l'espérer, de sa participation, souligner la place des bibliothèques dans le monde contemporain. Il devrait en même temps mettre en valeur le rôle coordonnateur et l'utilité d'une tribune, où des décisions utiles pour tous ne sont jamais prises qu'en considération des nécessités professionnelles.

    Jacques Lethève vice-président de la FIAB.

    1. Trois associations jusqu'en 1976 : A.B.F., A.E.N.S.B., Association des anciens élèves de l'Ecole des bibliothécaires-documentalistes. En 1977 s'y ajoutera l'Amicale des directeurs de B.U., récemment admise à la FIAB. retour au texte