Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    La formation directe des utilisateurs

    Par Jacqueline Carpine-Lancre

    Encore ! doivent penser les anciens, les fidèles de l'A.B.F. qui vont m'entendre traiter, pour la quatrième fois, de laformation des utilisateurs (1) . En effet, bien que le thème du congrès de cette année soit « Formation et information des utilisateurs », je ne vous parlerai que du premier de ces deux points et, plus précisément, de l'expérience quej'ai menée, depuis quinze ans maintenant, au Musée océanographique de Monaco.

    Je tiens, d'emblée, à insister sur le fait que je ne considère en aucune façon cette expérience comme exemplaire; elle n'a qu'un mérite : celui d'exister, et d'exister depuis quinze ans, avec les tâtonnements, les mises au point, l'évolution, intervenus au fil des années. C'est donc une expérience vécue, un cas concret que le Bureau de notre Association m'a demandé de vous présenter.

    Successivement, je vous préciserai pourquoi, à qui, où, quand et comment cette formation est dispensée avant d'en tirer quelques conclusions.

    Pourquoi une formation délibérée des utilisateurs ?

    Il ne s'agit pas là d'une question de pure forme. Deux collègues étrangers ont présenté récemment, de façon convaincante, la thèse selon laquelle la formation se fait à tout moment et à travers toutes les activités des bibliothèques (2) . Certaines personnes, notamment parmi les enseignants et les universitaires, estiment que l'apprentissage doit se faire « sur le tas », sans intervention des bibliothécaires. De telles positions sont peut-être justifiées dans un pays où les bibliothèques ont une densité suffisante et disposent de personnels et de budgets satisfaisants. Mais est-ce réalisé partout, et en particulier chez nous ? En outre, dans certains cas, l'accès aux documents et à la documentation représente un investissement considérable de temps, de crédits, de travail intellectuel et de technologie. Une formation constante mais diffuse n'est alors plus suffisante : une véritable initiation organisée devient indispensable pour que ces investissements ne soient pas ignorés, sous-employés ou insuffisamment rentabilisés.

    Le principe d'une formation des utilisateurs étant admis, je dois sans doute vous préciser les raisons pour lesquelles une telle expérience a été mise sur pied à Monaco. Trois facteurs ont été déterminants :

    • - la révélation - le mot n'est pas trop fort - qu'avaient constitué les cours de bibliographie que professait Mademoiselle Malclès pour le D.S.B., avec en arrière-plan le regret de ne pas avoir bénéficié d'un tel enseignement quand je préparais, deux ans auparavant, un diplôme d'études supérieures ;
    • - la pénurie chronique de personnel dans notre bibliothèque qui rendait particulièrement lourds les véritables « cours particuliers » qu'il fallait dispenser à chaque étudiant venu préparer une thèse ou un diplôme dans nos laboratoires ;
    • - enfin, le concours quotidien apporté pendant plusieurs années à la partie documentaire d'une thèse de doctorat d'Etat ès-sciences.

    Ces trois facteurs me prouvaient qu'une formation des étudiants et chercheurs débutants s'imposait et qu'il était plus rationnel, plus économique de l'envisager par petits groupes plutôt qu'à titre individuel.

    L'approbation donnée par la Direction de notre Musée et l'intérêt manifesté par les responsables des principaux enseignements de l'océanographie en France ont permis de passer des intentions aux réalisations en 1965.

    A qui est destinée cette formation?

    Plusieurs niveaux d'utilisateurs doivent être distingués.

    C'est vraiment pour mémoire que je signale les visites de la bibliothèque organisées pour des groupes de lycéens de la Principauté ou de normaliens et d'étudiants, français et étrangers, en séjour studieux sur la Côte d'Azur. Ces visites commentées durent d'une demi-heure à une heure et se limitent à la présentation des ressources et des activités de notre bibliothèque.

    Un deuxième niveau est représenté par des étudiants plus avancés et déjà spécialisés dans le domaine marin. Les uns terminent à Nice une maîtrise avec un certificat d'écologie ou de géologie marine. Les autres ont choisi l'option environnement marin ou génie océanique à l'Ecole nationale supérieure des techniques avancées de Paris. Le passage des étudiants de cette catégorie dans notre bibliothèque n'est que d'une demi-journée. Ce peu de temps ne permet qu'un exposé, sans applications pratiques ni travaux dirigés, limité aux principales sortes de documents et d'instruments bibliographiques pour les sciences et les techniques. Il n'est donc guère possible de parler, dans ce cas, de véritable formation, mais, tout au plus, de sensibilisation aux problèmes documentaires et à la nécessité d'une initiation plus approfondie.

    Le troisième et dernier niveau concerne les étudiants des diplômes d'études approfondies d'océanographie biologique de Paris VI et de Marseille, et d'océanographie physique de Paris VI. Il s'agit, cette fois, véritablement de formation ; ce sont les sujets abordés et les méthodes employées avec ces étudiants que j'exposerai dans quelques instants.

    Pour les deuxième et troisième niveaux, 55 groupes ont été accueillis depuis 1965, soit près de six cents participants parmi lesquels quatorze pour cent d'étrangers originaires de trente-six pays. Leur communauté d'intérêt pour le domaine marin ne doit pas masquer la diversité de leur provenance : la plupart de ces étudiants ont suivi une filière universitaire scientifique, parfois médicale ou pharmaceutique. Mais il serait possible de dresser un inventaire à la Prévert en évoquant les diverses grandes écoles dont certains sont issus : Normale Sup., Supélec, Télécom., Veto., Polytechnique, Agro et bien d'autres, sans oublier Navale !

    Où est dispensée cette formation ?

    A Monaco, bien sûr, ce qui ne pose aucun problème pour les étudiants de Nice. Les étudiants océanographes de Paris effectuent traditionnellement dans les laboratoires de Villefranche-sur-Mer un séjour durant lequel sont programmées les journées passées à Monaco.

    Les séances ont lieu dans la bibliothèque même, dans la salle de lecture dont les dimensions et l'aménagement interdisent un certain nombre de procédés pédagogiques, comme nous le verrons tout à l'heure.

    En contrepartie, cette solution a des aspects positifs. Tout d'abord, les étudiants sont placés d'emblée dans les conditions où ils auront plus tard à faire des recherches documentaires. En outre, quelles que soient la nature et la succession des questions qu'ils posent, les outils pour y répondre sont à portée de la main. Les avantages de l'authenticité et de la commodité pédagogique sont ainsi associés.

    Quand a lieu cette formation ?

    A l'heure actuelle, le cycle de formation est composé de six séances d'une demi-journée chacune. Elles se répartissent en général en trois jours échelonnés sur trois semaines consécutives. Il est très vite apparu qu'un délai était souhaitable pour laisser aux participants le temps d'assimiler les notions dont ils ne soupçonnent pas, à priori, le nombre et la nouveauté.

    Comment est organisée cette formation ?

    Voici quelle a été, cette année, la répartition, entre les six séances, des problèmes traités et des applications proposées.

    La première séance commence naturellement par une « mise en condition psychologique ». Les étudiants remplissent un questionnaire relatif à leur identité, à leur formation universitaire et professionnelle et surtout à leur expérience en matière de documentation. Cette dernière se révèle en général à peu près nulle, voire inexistante. Il est ainsi facile de leur faire admettre qu'une initiation dans ce domaine s'impose pour améliorer leur carrière de chercheur, d'enseignant ou d'ingénieur. La finalité de la formation qu'ils vont recevoir leur est clairement définie : il ne s'agit pas de faire d'eux de pseudo-bibliothécaires ou de simili-documentalistes, mais des utilisateurs, conscients et organisés, de l'information dont ils auront besoin à l'avenir.

    La séance est ensuite consacrée aux principales caractéristiques de l'information scientifique et technique :

    • - tout d'abord, la place de la documentation dans les activités du chercheur qui, sans cesse, produit et consomme cette documentation ;
    • - puis, les trois aspects essentiels de la recherche documentaire : recherche rétrospective, information courante et recherche ponctuelle ;
    • - une présentation de la documentation primaire, secondaire et tertiaire vient ensuite, avec les catégories de documents, imprimés et non-imprimés, produits de façon traditionnelle ou par traitement informatique ;
    • - enfin, cette séance se termine par l'exposé des méthodes qui permettent d'extraire et de traiter l'information contenue dans tout document; l'accent est mis sur l'analogie des démarches intellectuelles utilisées aussi bien pour organiser une documentation personnelle que pour produire et exploiter une bibliographie de type conventionnel ou automatisé.

    La deuxième séance est consacrée à la présentation des bibliographies courantes disponibles dans le domaine des sciences et techniques aquatiques. Pour chacune d'elles, les responsables, le rythme et la rapidité de publication, l'organisation et le nombre annuel des notices, le type de documents recensés, la nature et la structure des index, la disponibilité sous forme de base de données sont mentionnés.

    La troisième séance est constituée par des travaux pratiques individuels. Chaque participant doit réfléchir sur une question qui a effectivement été posée à notre bibliothèque et proposer une méthodologie pour trouver la réponse. Deux séries de questions, de difficulté croissante, sont suivies, chacune, de leur correction en commun.

    La quatrième séance est réservée à un exercice d'application collectif sur un sujet choisi par les participants. Pour parodier le jargon à la mode, je serais tentée d'appeler cette séance un « biblio-drame » !

    Le groupe choisit un « meneur de jeu » qui l'animera, répartira les tâches et coordonnera Ikes efforts. L'équipe définit ensuite les différents aspects du sujet retenu ; la meilleure stratégie de recherche est établie : quelles bibliographies courantes conviendront ou non ? Comment faudra-t-il les utiliser ? Existe-t-il un chapitre ou un paragraphe du plan de classement des notices correspondant au sujet ? Doit-on préférer l'index auteurs, géographique ou taxinomique, les employer seuls ou les combiner ? Pour l'index matières, quels descripteurs retenir ?

    Une fois qu'ils ont décidé de la manoeuvre, les étudiants commencent à exploiter les bibliographies, relèvent les références des documents qui leur semblent pertinents. Lorsque ceux-ci figurent dans la bibliothèque, ils leur sont communiqués pour vérifier s'ils conviennent effectivement et contribuer à alimenter la recherche par les références qu'ils contiennent.

    Le meneur de jeu s'assure en permanence que chaque instrument est utilisé au mieux et apporte suffisamment d'information; sinon il est abandonné au profit de bibliographies plus productives. Il s'efforce de repérer parmi les références une bibliographie rétrospective, un exposé de mise au point ou une monographie qui rendrait superflue la recherche au-delà d'une certaine date.

    La cinquième séance débute par le commentaire et l'interprétation des résultats obtenus pendant le travail collectif de la séance précédente. L'ordre dans lequel les différentes catégories de documents apportent le plus rapidement et le plus sûrement des informations est schématisé. Les bibliographies sont jugées commodes ou difficiles d'accès ; elles semblent se compléter ou se recouvrir plus ou moins largement; des spécialistes du sujet choisi sont apparus, tant parmi les chercheurs que parmi les laboratoires; quelques périodiques sont mis en évidence par la fréquence des articles qu'ils ont publiés sur la question.

    Deuxième thème de cette séance : comment avoir, matériellement, accès aux documents qui ont été repérés grâce aux outils et aux démarches intellectuelles des précédentes séances ? Les problèmes d'identification et de localisation des documents sont traités. L'exposé est immédiatement suivi de travaux dirigés de « décodage » de titres abrégés de périodiques et d'utilisation des fichiers de bibliothèques et de catalogues collectifs.

    Les problèmes terminologiques et linguistiques sont ensuite évoqués, avec les ressources offertes par les dictionnaires, glossaires et vocabulaires, les traductions intégrales d'ouvrages, de périodiques et d'articles, et les services de traduction.

    La sixième et dernière séance aborde l'étude de l'organisation de la documentation à l'échelon individuel. Lorsqu'un chercheur a repéré la référence d'un document et obtenu communication de celui-ci, il doit en garder trace. La rédaction normalisée de la notice catalographique est simplement rappelée car Madame Delahaye traite cette question à l'Institut océanographique de Paris. Des exemples de rédaction d'analyse et d'indexation sont donnés. Les différentes catégories de matériel disponible pour un fichier individuel sont présentées avec leurs avantages et inconvénients respectifs.

    Les conclusions pour l'ensemble du cycle sont ensuite précisées et l'attention des participants attirée sur quelques notions fondamentales :

    • - la documentation est partie intégrante du travail scientifique et ne doit pas être sous-estimée ;
    • - les problèmes bibliographiques, documentaires et terminologiques que rencontrera le cher
    • - le cycle de formation qui s'achève n'est qu'une initiation, limitée au domaine marin, et ne reflète que l'état présent d'une situation qui évolue de plus en plus vite ; il est donc nécessaire de prévoir un effort d'information permanente et des recyclages périodiques.

    La dernière séance se termine par une évaluation sans complaisance de l'ensemble des six séances.

    Le détail du déroulement de ces séances peut paraître un peu long. Il m'aura permis de vous préciser les sujets traités et aussi de donner un premier aperçu de la pédagogie adoptée dont je vais maintenant vous présenter les principes et les méthodes ainsi que le matériel utilisé.

    - Souple :

    Il n'y a pas, à proprement parler, de plan de cours. Le schéma général du cycle est annoncé quand débute la première séance, mais il peut être à tout moment modifié pour tenir compte des réactions parfois imprévisibles et des préoccupations propres à chacun et à chaque groupe pris collectivement. Pas plus que les étudiants, je n'ai de plan de cours sous les yeux pendant les séances et pas davantage de texte rédigé pour mes exposés et commentaires.

    - Ouverte :

    Tout est mis en oeuvre pour favoriser le dialogue. Les étudiants sont invités, dès la prise de contact, à intervenir aussi souvent qu'ils le veulent pour poser des questions, demander des éclaircissements supplémentaires, obtenir la définition de termes techniques, exposer les difficultés qu'ils ont rencontrées précédemment et les solutions qu'ils ont expérimentées.

    - Concrète :

    Pendant toutes les séances - et non pas seulement pendant les travaux pratiques - les participants ont devant eux un jeu des documents et des répertoires présentés.

    Quand les documentations primaire, secondaire et tertiaire sont évoquées, ils peuvent examiner des spécimens de ces trois catégories.

    Pendant la deuxième séance, les participants ont chacun un exemplaire de toutes les bibliographies courantes présentées.

    Lorsque la terminologie et les problèmes linguistiques sont abordés, des dictionnaires, des répertoires de périodiques traduits, et des fascicules de périodiques, dans leur version originale et dans la traduction intégrale, passent entre leurs mains.

    En outre, les exemples cités, les questions posées au cours des applications, sont toujours directement inspirés, parfois repris mot pour mot, de cas « vécus » dans notre bibliothèque.

    - Active :

    Je crois à la validité de la formule que vous connaissez certainement : « J'entends, j'oublie ;je vois, je retiens; je fais, je comprends ».

    Vous avez probablement remarqué que près de la moitié du cycle est consacrée à des travaux pratiques et à des exercices d'application. C'est à la demande expresse des étudiants que leur nombre et leur durée ont augmenté, d'année en année. C'est aussi pour que tous les étudiants puissent participer activement que les groupes ont, très vite, été limités à une dizaine de personnes au maximum.

    En ce qui concerne le matériel utilisé, vous le jugerez peut-être dérisoire et archaïque. Il se limite, en effet, à un tableau noir et à quelques feuilles polycopiées. Il s'agit d'un choix délibéré, résultant de mises au point, d'essais successifs, ainsi que des particularités du domaine couvert et des méthodes pédagogiques adoptées.

    Les solutions offertes par l'audio-visuel n'ont pas été retenues pour plusieurs raisons. Techniquement, la salle où se déroulent les séances ne permet pas des projections de diapositives ou de films. La préparation de diapositives suppose un personnel expérimenté et des délais que je n'ai jamais. Sur le plan économique, l'évolution des sciences et des techniques de la mer ainsi que de leur documentation est si rapide que certaines diapositives ne seraient utilisées que pour un seul groupe et refaites pour le suivant : l'amortissement en serait bien mal assuré ! Enfin, comment concilier une pédagogie souple et surtout active avec des projections qui imposent leur propre rythme et ne dispensent pas du recours aux documents originaux et au maniement direct des répertoires.

    Les étudiants ont été consultés sur cette solution de l'audio-visuel; ils ont manifesté une nette réserve quand ce n'était pas de l'hostilité car ils jugent que ce procédé entraînerait une perte de temps et favoriserait une attitude passive de leur part.

    Un essai de projection de film a été fait. Il s'agissait de la présentation du Science citation index de l'I .S.I. de Philadelphie. Ce film est bien fait et intéressant. Mais les problèmes de temps et de rupture de rythme déjà évoqués pour les diapositives se retrouvent encore ici.

    L'audio-visuel étant écarté, des panneaux de grand format présentés sur chevalet ont été expérimentés pour deux ou trois groupes, puis abandonnés. A l'usage, il était apparu qu'un schéma constitué progressivement au tableau, au fur et à mesure de la démonstration, avait de bien meilleurs résultats; pour les énumérations ou les références, un texte multigraphié, remis à chaque étudiant, était plus efficace et plus rapide.

    C'est ainsi que la solution des textes multigraphiés a été retenue, en deux étapes. La première formule, expérimentée peu après le début de l'expérience, consistait en un fascicule rédigé, de plusieurs dizaines de pages, intitulé de façon irrévérencieuse « Le petit-océanographe-bien-documenté ou La bibliographie-sans-larmes » ! Il semble avoir été relativement bien adapté à un rôle d'aide-mémoire, mais convenait mal comme matériel d'accompagnement pendant les séances. Il aurait en outre pris beaucoup trop de temps pour la mise à jour permanente, exigée, je l'ai déjà dit, par la cadence d'évolution de l'océanographie et de sa documentation.

    Depuis près de dix ans, les étudiants reçoivent simplement une série de feuilles multigraphiées. En général, pour chaque sujet bien délimité, une seule page suffit pour regrouper les notions essentielles sous une forme schématique. Pour quelques thèmes - tels que la localisation des documents, les instruments linguistiques ou les répertoires d'adresses - la liste des références sélectionnées peut occuper deux ou trois pages. Un seul ensemble est assez volumineux : celui qui est consacré aux principales caractéristiques des bibliographies courantes pour les sciences et techniques aquatiques. C'est d'ailleurs celui qui sert de support et de guide pendant les exercices d'application des troisième et quatrième séances. Il est complété, d'une façon qui paraît appréciée, par les brochures, fort bien faites, qu'offrent plusieurs centrales documentaires et dont un exemplaire est joint aux séries de feuilles multigraphiées.

    En fonction des commentaires que font les étudiants à la fin du cycle, certaines feuilles sont remaniées pour des raisons pédagogiques, ou même supprimées; d'autres sont ajoutées. De 25 à 30 p. 100 sont refaites, parfois deux fois par an, pour tenir compte des modifications apportées aux instruments bibliographiques et inclure les nouveaux répertoires ou adresses utiles. Ces mises àjour ne sont ni longues ni coûteuses puisqu'il suffit de refaire la frappe ou le dessin de schémas très simples et de les reproduire pour un nombre toujours restreint de participants.

    En définitive, la formule des textes multigraphiés s'est révélée la plus facile à réaliser et à mettre à jour, en même temps que la mieux adaptée à la double fonction de matériel d'accompagnement pendant les séances et d'aide-mémoire une fois le cycle achevé.

    Quel bilan peut-on dresser de notre expérience ?

    Les étudiants assurent - il ne semble pas que ce soit par pure politesse - avoir appris un certain nombre de choses et surtout avoir découvert l'importance et la diversité de la documentation. Je peux garantir qu'ils ont, au moins, retenu les possibilités offertes par les bibliothèques, en particulier la nôtre, car leurs demandes de documents et de documentation commencent à nous parvenir, peu après leur passage à Monaco.

    La préparation et le déroulement des cycles me causent inévitablement un surcroît de travail ; mais c'est aussi une motivation profonde pour ne pas me laisser submerger par les tâches de routine et pour demeurer en permanence attentive à l'évolution de la documentation. C'est en outre une obligation enrichissante que de procéder, plusieurs fois par an, à une évaluation systématique et approfondie, des instruments utilisés pendant le travail journalier.

    Sur un plan plus général, le dialogue poursuivi pendant plusieurs journées avec les étudiants paraît bénéfique à l'image de marque des bibliothèques et des bibliothécaires. Dans le questionnaire rempli au début du cycle, les étudiants indiquent comment ils ont jusque-là tenté de résoudre leurs problèmes documentaires : à peine 8 p. 100 d'entre eux déclarent avoir demandé le concours d'un bibliothécaire.

    Pour élargir les conclusions que peut inspirer notre expérience tout à fait ponctuelle, quelles réflexions suscite la situation à l'échelon national? Avant tout, les expériences comme la nôtre sont encore trop peu nombreuses. Comme pour la plupart des tâches qui leur reviennent, les bibliothèques françaises n'ont pas les moyens nécessaires pour assumer convenablement cette formation des utilisateurs. Il ne s'agit pas là pourtant d'une activité mineure ni facile car il faut un effort soutenu et permanent, ne serait-ce que pour se mettre, ainsi que l'a dit justement notre Président, à la place, à la portée du lecteur.

    Par ailleurs, la formation des utilisateurs ne doit pas être sporadique. mais continue et commencer dès le niveau des classes primaires. Chaque type de bibliothèque a son rôle à jouer dans cette entreprise de longue haleine. Il ne semble pas superflu de rappeler, pour terminer, le texte de la motion qui avait été adoptée au Congrès de l'A.B.F. à Toulouse, et qui demeure cruellement d'actualité, neuf ans après :

    « L'A.B.F., considérant que la formation des utilisateurs (c'est-à-dire l'initiation collective des lecteurs à l'usage des bibliothèques, à la connaissance de la bibliographie et des répertoires bibliographiques) constitue un complément utile, et pour certaines bibliothèques indispensable, du guide du lecteur et de l'information individuelle, souhaite :

    • 1) que les premiers éléments de cette formation soient dispensés dans les bibliothèques pour enfants et sections enfantines des bibliothèques publiques ;
    • 2) que cette initiation se poursuive dans les bibliothèques des établissements de l'enseignement secondaire ;
    • 3) que l'Université inscrive cet enseignement parmi les matières obligatoires donnant lieu à notation ;
    • 4) que les bibliothèques de recherche assurent le perfectionnement et la mise à jour des notions acquises précédemment afin de réaliser la formation permanente dans ce domaine.

    « L'A.B.F. estime que cette formation ne peut être utilement assurée que par les responsables des bibliothèques qui. au contact des utilisateurs, ont pu déterminer leurs besoins, et ont acquis la maîtrise des instruments bibliothéconomiques et bibliographiques, objets de l'initiation » (3) .

    1. Carpine-Lancre (J.). - Stages d'initiation des jeunes chercheurs à la bibliographie. Bulletin d'informations - Association des bibliothécaires français, n° 61, pp. 273-279 (1968). retour au texte

    2. Fjällbrant (Nancy) et Stevenson (Malcolm). - User education in libraries. - London : C. Bingley; Hamden, Conn. : Linnet books, 1978. - 173 p. retour au texte

    3. Congrès de Toulouse, 2-3 mai 1970 : motions votées. Bulletin d'informations - Association des bibliothécaires français, n° 68, pp. 163-165 (1970). retour au texte