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    Les Français et l'IFLA

    Des fondements historiques

    Par Frédéric Saby, conservateur à la Direction du livre et de la lecture

    A près le succès du congrès de Paris, qui a vu la partici- pation de plusieurs centai- nes de bibliothécaires de langue fran- çaise, la défense et l'illustration des Français et, plus généralement, des francophones - et de la francophonie - dans l'IFLA ne sauraient être un vain mot, dès lors, surtout, qu'on leur redonne le fondement historique qui est le leur, et dont nous allons tenter de dessiner, à grands traits, une es- quisse. Celle-ci s'articule autour de deux axes : le rôle historique original de la France dans la fondation de la Fédération, doublée de son illustra- tion dans l'usage de la langue fran- çaise au sein de l'IFLA, pendant ses premières décennies d'existence. (1)

    Aux origines : un français

    Les bases de la fondations de l'IFLA sont jetées en 1926. Cette année-là se tient à Prague, du 28 juin au 3 juillet, le Congrès international des bi- bliothécaires et des amis du livre. Ses travaux s'inscrivent dans la li- gnée des tentatives de coopération bibliographique internationale qui avaient précédé la guerre de 1914 et avaient trouvé un embryon d'abou- tissement dans la fondation, à Bruxel- les, par les bibliothécaires belges P. Otlet et H. La Fontaine, de l'Institut bibliographique international (1895)

    Dès cette époque commençait à se faire sentir le besoin d'une meilleure organisation pour accéder aux sour- ces du savoir, en même temps qu'ap- paraissaient les nécessités de résou- dre les problèmes posés par la coopé- ration internationale.

    A ce mouvement proprement biblio- théconomique s'en ajoute un autre, après la fin de la guerre, qui touche la diplomatie en général, avec la reprise des relations internationales, le monde intellectuel en particulier, avec la fondation, en 1925, de l'Institut international de coopération intellec- tuelle, au sein de la Société des Na- tions.

    Le congrès de Prague, en 1926, par- ticipe de ce double mouvement. Et pour la première fois, lors de ce congrès, est évoquée la création d'un «Comité international» représentant les diverses associations nationales de bibliothécaires.

    C'est un Français, Gabriel Henriot, qui au nom de l'ABF, présente, dans la séance du 29 juin 1926, une «pro- position tendant au fonctionnement d'un Comité directeur, international et permanent, élu par les diverses associations nationales de bibliothé- caires».

    La conclusion de la proposition, publiée dans les Actes du congrès, est un beau symbole de l'idée qu'on se faisait alors des relations interna- tionales, idée à laquelle un Français, puisque c'est en fait Gabriel Henriot qui s'exprime dans ce texte, était par- ticulièrement sensible au sortir de la grande guerre : «Le congrès adresse aux bibliothé- caires de toutes les nations un cha- leureux appel, pour que cette tenta- tive, modeste et d'ordre pratique puisse, entre les bibliothécaires de tous les pays, contribuer à leur dé- fense professionnelle et assurer, en- fin, à notre Corporation la place qui lui est due dans le grand mouvement de coopération intellectuelle interna- tionale».

    Cette conclusion s'inscrit admirable- ment dans le contexte diplomatique des années 1920. Il paraît, en effet, évident que rien n'aurait été possi- ble, dans la coopération internatio- nale entre bibliothécaires, en dehors de ces circonstances exceptionnel- les, lorsqu'on avait cru, à la fin de la «der des der», à la réalité d'un har- monieux «concert des nations», sous l'égide de la Société des Nations, fondée dans ce but en 1919. Le ly- risme de ce «chaleureux appel aux bibliothécaires de toutes les nations» en est un beau témoignage.

    Quinze mois plus tard, en septembre 1927, à Edimbourg, à l'occasion d'une réunion internationale organi- sée pour le cinquantenaire de la Li- brary Association, la France figure en bonne place au sein des quinze pays signataires du texte consacrant la création du Comité international de la bibliographie et des biblio- thèques (2) : c'est l'acte de nais- sance de la Fédération, dont les sta- tuts sont publiés deux ans plus tard, en juin 1929, à l'occasion du premier congrès (Rome et Venise), en même temps qu'apparaît l'intitulé et le si- gle : Fédération internationale des associations de bibliothécaires /IFLA (FIAB en français).

    La France a donc véritablement pesé sur la fondation de l'IFLA, même si elle s'est montrée discrète, dans les années qui suivirent, au sein des ins- tances dirigeantes, en n'ayant aucun représentant à la présidence ni au secrétariat général.

    Une manifestation tangible: l'usage de la langue française

    Cette influence se traduit, très con- crètement, par un usage généralisé de la langue française dans les rela- tions au sein de l'IFLA.

    La plupart (plus des neuf dixièmes) des documents d'archives de l'IFLA, depuis les origines jusque vers le milieu des années 1960, sont rédigés en français. C'est encore une époque où le français, langue diplomatique, d'échanges internationaux et de cul- ture est une réalité.

    Il est particulièrement remarquable, par exemple, de constater que la très abondante correspondance entre le Docteur Sevensma, secrétaire géné- ral (3) , originaire d'Europe du Nord, et A.C. Breycha -Vauthier, trésorier puis secrétaire-adjoint de la Fédéra- tion, autrichien, soit entièrement rédigée en français !

    On note également qu'à la même époque le sigle français FIAB, au- jourd'hui oublié, est d'usage sinon systématique, du moins très fréquent.

    Cette hégémonie du français cesse brusquement au milieu des années 1960, quand commence une époque nouvelle dans l'histoire de l'IFLA. C'est aussi le moment où Anthony Thompson, de la Library Associa- tion, devient secrétaire général de la Fédération (1964). 1964 est aussi l'année où apparaît, dans le volume annuel des Actes du conseil, un titre secondaire en anglais (Proceedings of the council), alors que, depuis 1929, seul le titre français était en usage... En 1969, un titre général en anglais (IFLA Annual) supplante le titre français...

    Il n'en demeure pas moins que la France et la langue française ont occupé, pendant plus de trois décen- nies, au sein de la Fédération, une place de choix, qui jette des bases historiques réelles sur lesquelles peut se fonder le discours sur le rôle des Français et, plus largement, de la francophonie, dans l'IFLA.

    1. - Cet article a été précédé de deux mémoires - DSB et DESS - soutenus en juin et septembre 1989 à l'ENSB, sous le titre : La Fédé- ration internationale de bibliothé- caires et des bibliothèques (IFLA) : lieu d'expression de l'identité des bibliothécaires. retour au texte

    2. - Les quinze "fondateurs" sont, par ordre alphabétique : l'Alle- magne, l'Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, les Etats- Unis, la France, la Grande-Breta- gne, la Chine, la Hollande, l'Ita- lie, la Norvège, la Suède, la Suisse, la Tchécoslovaquie. retour au texte

    3. - Le Docteur Sevensma a été se- crétaire général de l'IFLA de 1929 à 1958. retour au texte