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    Pas de réseau... sans passerelles !

    Par Dominique LAHARY, bibliothécaire BM de Vanves

    Réseaux bibliographiques, coopération, partenariat : le monde des bibliothèques ne cesse depuis quelque temps de bruire de ces mots doux sans qu'on discerne toujours bien les vrais pratiquants des faux croyants, ceux qui "en parlent" de ceux qui "le font", fût-ce modestement. Mais, quoi qu'il en soit, c'est dit : nous sommes un seul réseau en des milliers d'établissements. Et si nous ne le sommes pas encore, nous le devenons. Comment ? Par force processeurs, périphériques, interfaces, modems, schémas directeurs, protocoles, conventions, agences, EPIC, OPAC et autres.

    Et l'homme, dans tout cela ? Ou, pour continuer à parler post-moderne : la ressource humaine ? L'homme, c'est-à-dire d'abord et avant tout l'usager, l'emprunteur, le lecteur, le client, l'utilisateur final. Et puis celles et ceux qui l'accueillent, le guident, mettent en place les collections et les outils qui lui sont destinés : les personnels des bibliothèques.

    Ne sommes-nous pas en train de vivre ce moment privilégié où, en quelques années, va peut-être pouvoir se réaliser l'unité de la profession ? Voilà qu'avec le projet de la Bibliothèque de France tombe la frontière entre lecture publique et établissements de recherche. Que l'accessibilité de tous à tout devient objectif. Que nos bibliothèques qui naguère vivaient leur vie chacune dans leur registre vont pouvoir échan-ger, communiquer, coopérer. Et l'on voudrait faire circuler les documents, les informations, les données, les notices sans faire circuler aussi les bibliothécaires ?

    Faisons un rêve : demain, les professionnels pourront, au cours de leur carrière, servir indifféremment, successivement et dans le désordre, des bibliothèques communales, intercommunales et départementales, des établissements nationaux, universitaires ou non, généralistes ou spécialisés, des organismes parapublics de toutes sortes, faisant ainsi bénéficier tous les points du réseau où ils auront été affectés d'une expérience renouvelée et multiforme

    Encore faudrait-il que les bibliothécaires évoluent dans des systèmes compatibles, et que les interfaces nécessaires aient été mis sur le marché. Nous n'y sommes pas. Y allons-nous ? Actuellement, les fonctions publiques d'Etat et territoriale sont incompatibles au niveau de la catégorie A, les Conservateurs étant classés plus haut que les bibliothécaires ; s'il n'en va pas de même pour la catégorie B, on ne peut pas dire que la mobilité soit entrée dans les moeurs et encouragée par une diffusion coordonnée des postes disponibles. Quant à la Ville de Paris, elle fait bande à part en s'alignant sur l'Etat, sauf pour la catégorie C pour laquelle elle est en avance. On trouve aussi des bibliothécaires dans les hôpitaux et au Ministère de la Justice. Ils ne sont pas reconnus statutairement, bien qu'on exige d'eux une formation professionnelle appropriée.

    Les EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial) se développent : aujourd'hui La Villette, demain l'organisme national de diffusion des notices bibliographiques. Leur personnel relève du droit privé, ce qui peut être financièrement agréable à qui sait se négocier, mais peut poser à la longue des problèmes de reconversion. Enfin, on assiste à la multiplication des chargés de mission, tandis que l'incertitude reste totale sur la future politique du personnel de la Bibliothèque de France.

    Il ne s'agit pas de faire des questions statutaires une religion absolue, mais un moyen pour organiser la mobilité conçue comme une des conditions de succès de la constitution en France d'un réseau cohérent de bibliothèques. Une telle mobilité, qui mettrait directement en cause la survie des corporatismes, suppose :

    • une construction statutaire menée conjointement par les Ministères de la Culture, de l'Intérieur et de l'Education Nationale instituant dans les fonctions publiques d'Etat et territoriale des grades équivalents, définis en fonc'tion des besoins et des réalités de tous les types d'établissement,
    • un système coordonné de publication des vacances de poste propre à faciliter des mouvements de personnel à l'échelle nationale,
    • des formations initiales et complémentaires à la hauteur des exigences professionnelles permettant notamment le développement des mobilités horizontales et verticales,
    • une grande précaution en matière de déréglementation des emplois, si on ne veut pas encourager la tendance de certaines collectivités à déresponsabiliser les professionnels et à déprofessionna-liser les responsables,
    • un traitement de ces questions, dès maintenant, en tenant compte du contexte européen.

    Il n'est désormais point de salut en dehors de l'interconnexion des systèmes ouverts.