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    La BPI

    Observatoire des publics

    Par Anne Kupiec, Bibliothèque publique d'information, Service des études et de la recherche
    Par Jean-Claude Pompougnac, Bibliothèque publique d'information, Service des études et de la recherche,

    Les 13 000 lecteurs qui fréquentent quotidiennement la BPI ne sont plus tout à fait des inconnus. Cette foule n'est d'ailleurs pas uniforme, elle constitue "une masse de publics et non un public de masse" selon l'expression de Jean-François Barbier-Bouvet. Grâce à la régularité des enquêtes générales (la dernière date de 1988), il est possible d'en brosser des portraits et d'appréhender leurs motivations et leurs pratiques. Bien qu'ils semblent rester éternellement jeunes, les lecteurs de la BPI se renouvellent parce qu'ils sont majoritairement des étudiants, au statut par définition temporaire. De son succès non-démenti, de sa sur-fréquentation régulièrement constatée il ne faudrait pas conclure que rien ne change, que tout est constances. En fait l'on peut constater des variances (1) .

    Tout d'abord parce que les enquêtes générales par questionnaire qui apportent de nombreuses données ne peuvent pas rendre compte de la complexité des pratiques ou des représentations des lecteurs. Des études qualitatives faisant appel à l'observation et à l'entretien et consacrées aux usages de l'offre documentaire ont régulièrement souligné le "décalage" entre les projets des concepteurs et les pratiques des lecteurs (2) mieux elles laissent entendre une demande qui n'est pas nécessairement de même nature que l'amélioration de l'offre documentaire telle que les bibliothécaires la conçoivent.

    Le statut de la BPI, les principes fondateurs qui l'animent lui font occuper une place singulière dans le réseau des bibliothèques françaises. A la fois laboratoire et observatoire, elle fournit matière à réflexion. Après avoir rappelé brièvement les caractéristiques bien connues des publics de la BPI, l'objectif du présent article est de rendre compte d'expérimentations et d'analyses plus récentes.

    Constances et variances

    Ces publics sont fidèles: un tiers vient depuis plus de cinq ans, un tiers depuis deux ans au moins, les nouveaux venus représentent malgré tout 7,5%. Ils sont aussi assidus: nombreux sont ceux qui viennent tous les jours, plus de la moitié vient au moins une fois par semaine. La moyenne d'âge (28 ans) reste constante au fil des enquêtes, les étudiants constituant un ensemble de plus en plus majoritaire. Ils étaient 48% en 1978 et 57,5% en 1988. Les catégories des cadres supérieurs et des professions intellectuelles ont renforcé leur présence à la BPI: 15,1% en 1988 contre 13,1% en 1982. En contrepartie la catégorie des ouvriers, déjà peu représentée, a perdu de l'importance (1,8% en 1988 contre 3,8% en 1982). Les chômeurs sont également devenus moins nombreux (2,6% en 1988 contre 4,5% en 1982) tout comme les membres des professions intermédiaires (6,7% en 1988 contre 7,6% en 1982). Seule la proportion d'employés est restée stable : 4,5% en 1988 contre 4,9% en 1982. Dès lors il n'est guère surprenant de constater que les publics de la BPI sont de plus en plus diplômés. Si 17% des lecteurs n'étaient pas bacheliers en 1982, ils ne sont plus que 9% en 1988 (pour mémoire, 17% de la population française actuelle est parvenu au terme d'études secondaires). La dynamique de la formation initiale -dont on ne peut que se féliciter- est si vigoureuse qu'en 1988 un quart des lecteurs détenait un diplôme égal ou supérieur à la maîtrise. Par voie de conséquence, si l'on admet une relation entre les motivations principales de venue et les caractéristiques socio-démographiques, l'on constate que les motifs d'ordre scolaire ou universitaire sont majoritaires (56,5% en 1988). Les étudiants qui viennent en 1988 pour ces raisons, sont plus nombreux qu'en 1982 (huit sur dix contre sept sur dix). Autrement dit le recentrage sur les activités studieuses est manifeste, il est d'ailleurs renforcé par les actifs en formation permanente (trois sur dix dans cette catégorie). En revanche, la venue d'occasion devient plus rare (14,5% du public). Il résulte de ces évolutions un désintérêt relatif pour le multimédia (principe fondateur de la BPI au même titre que le libre-accès ou l'encyclopédisme). Deux évolutions se conjuguent ici : le changement de support d'information implique généralement un changement de domaine d'intérêt, c'est en quelque sorte un "faux" multimédia. Plus qu'avant, en passant du livre à la vidéo on passe de l'économie au tourisme ou des sciences physiques à la musique. De plus, la pratique exclusive du texte est plus forte chez les plus diplômés, étudiants, cadres supérieurs et professions intellectuelles dont la proportion augmente à la BPI.

    De ces données il serait possible de conclure que la BPI tend à devenir de plus en plus une bibliothèque universitaire dont certaines innovations (le multimédia à l'ouverture de bibliothèque en 1977) et certains objectifs (la suppression des formalités d'accès dans un souci de démocratisation culturelle) n'ont pas eu les effets socio-culturels escomptés. La conclusion ne serait acceptable qu'à la condition de souligner aussi des évolutions qui, sans l'infirmer totalement, conduisent à la nuancer largement. Il convient de rappeler que les enquêtes quantitatives ne livrent qu'une "vue aérienne" des publics sans pouvoir rendre compte précisément de la complexité des pratiques. A cette échelle, 1% de lecteurs représente plus d'un millier de personnes utilisant les services de la BPI.

    Au-delà de l'offre documentaire

    Ainsi certaines recherches menées récemment à la BPI ne doivent pas être négligées alors même qu'elles s'appuient sur des effectifs restreints et n'ont de sens qu'en complément des enquêtes par questionnaire sur des échantillons représentatifs. L'intérêt majeur de deux études conduites en 1990 et consacrées à la logithèque et à la file d'attente est de montrer que l'attrait de la BPI dépasse l'offre documentaire strictement entendue.

    La logithèque propose l'accès libre à 16 micro-ordinateurs que constructeurs et éditeurs de logiciels mettent gracieusement à la disposition de la BPI. L'offre documentaire est centrée sur la programmation informatique, la bureautique, l'enseignement assisté par ordinateur. L'enquête conduite auprès du public de cet espace spécifique apprend qu'un tiers des usagers vient spécialement pour le fréquenter tandis qu'un autre tiers est constitué de visiteurs qui le découvrent pour la première fois. Si ce public est majoritairement jeune (plus de la moitié ont entre 20 et 30 ans) et estudiantin (48%), caractéristiques qui le rapprochent des lecteurs de la BPI, il présente des particularités qui le singularisent. Ainsi par rapport au public de l'ensemble de la BPI, les faibles diplômés sont sur-représentés parmi les utilisateurs de la logithèque, y compris parmi les habitués. Le phénomène est identique pour les chômeurs ou les membres des professions intermédiaires dont on a pu constater la diminution de la présence à la BPI. La motivation des nouveaux venus à la logithèque est essentiellement la curiosité tandis que les habitués s'y rendent pour apprendre à se servir des matériels proposés. Cette transformation de la motivation traduit le passage de l'information à l'autoformation. Dans un cas, la logithèque est, à l'instar de la BPI, un espace où l'on vient pour se documenter, un "lieu de prélève-ment". Dans l'autre, l'espace logiciels se rapproche de la médiathèque de langues et l'on peut y voir des demandeurs d'emploi (mais aussi des retraités !) se former régulièrement à la maîtrise d'un outil bureautique particulièrement répandu dans les entreprises. Or, jusqu'à présent, et dans une logique strictement documentaire, l'évolution constatée des pratiques n'a pas réellement affecté l'offre. Il est en effet impossible de conserver une trace du travail effectué à partir d'un écran-clavier soit sur disquette soit sur imprimante, impossible de sauvegarder et de programmer. De plus, les pratiques des habitués entraînent la monopolisation de certains postes de travail rendant difficile la pratique curieuse qui précède, on l'a vu, la pratique autodidaxique. D'autres facteurs limitent la visite d'information : la logithèque n'est ouverte que l'après-midi des jours de semaine et c'est le seul lieu de la bibliothèque qui ne soit pas doté d'un bureau d'information. A terme, l'émergence de pratiques d'auto-formation chez les nouveaux venus n'est-elle pas condamnée?

    Pourtant par l'abondance et la qualité de ce qu'il offre, cet espace mobilise des espérances (on pourrait, librement et gratuitement, s'y initier à ce domaine dont les profanes sont si facilement exclus), des passions (celles de la programmation voire du piratage), des enjeux sociaux bien réels (acquisition de compétences techniques et professionnelles).

    Compte tenu de l'offre qui y est proposée et des pratiques qui peuvent y être observées, la logithèque souligne une des fonctions extra-documentaires de la bibliothèque qui est du même ordre que celle du laboratoire de langues. Ne préfigure-t-elle pas ce que pourrait offrir, plus fréquemment, la bibliothèque publique de demain ?

    Lieu d'auto-formation mais aussi lieu d'accueil, au-delà du seul imprimé, de l'écrit sur écran. La demande des électeurs se fait dès aujourd'hui de plus en plus pressante. La photocopie ne leur suffit plus, ils souhaiteraient pouvoir travailler directement sur leurs disquettes. Certains viennent à la BPI avec des micro-ordinateurs portables ; d'autres souhaiteraient que la bibliothèque en mette à leur disposition au même titre qu'une table et une chaise. La demande n'est-elle pas aussi légitime que celle des futurs chercheurs accueillis à la Bibliothèque de France pour lesquels on conçoit actuellement des stations de travail informatisées ?

    La file d'attente en questions

    La fréquentation de la B.P.I. ne fléchit pas au fil des années. Le souci d'offrir aux lecteurs des conditions de travail acceptables a conduit, il y a déjà quelques années, à limiter le nombre de personnes présentes simultanément dans la bibliothèque à 2000 puis à 1800. Cette mesure a eu pour conséquence la formation d'une file d'attente aussitôt que les lecteurs se rendant à la BPI sont particulièrement nombreux. File qui se forme chaque jour, excepté l'été, une à deux heures après l'ouverture pour une période de trois à quatre heures.

    On a pu constater les effets de ce phénomène. Tout d'abord le public tend à venir plus tôt, dès l'heure de l'ouverture ou bien beaucoup plus tard, après la résorption de la file d'attente. Ensuite l'on s'aperçoit que la durée moyenne de séjour dans la bibliothèque augmente (de deux heures en 1982 à deux heures trente en 1988).

    De fait, une visite occasionnelle à la BPI devient plus difficile. Seuls, selon l'hypothèse que nous formulions, pouvaient se permettre d'attendre parfois pendant près d'une heure ceux qui rentabiliseraient ensuite leur visite par un séjour prolongé - plus long encore qu'en l'absence de file d'attente. Autrement dit, les étudiants, public majoritaire à la BPI, seraient plus disposés à attendre ce qui ne serait pas nécessairement le cas des "actifs" surtout s'ils ne se rendent à la BPI que de temps à autre.

    L'étude avait donc pour objectif de confirmer les conclusions de Constances et variances et de préparer une enquête plus large sur les effets sociaux de la file d'attente. Par ailleurs, il nous semblait qu'une connaissance plus fine des motivations et des pratiques de ceux qui attendent patiemment avant d'entrer dans la bibliothèque nous éclairerait, à la fois, sur leurs demandes mais aussi sur l'usage de l'offre documentaire non seulement de la BPI mais du réseau des bibliothèques de la région parisienne.

    Pour recueillir les données qui ont permis d'effectuer cette analyse on a préféré la démarche de l'entretien qui permet de recueillir une information plus complexe, plus personnalisée et plus riche.

    Ils ont été conduits, en décembre 1990, par Daglind Sonolet, auprès de vingt-trois personnes interrogées pendant 20 à 40 minutes à divers moments de la journée et de la semaine : douze hommes et onze femmes dont dix étudiants et cinq "actifs" préparant un diplôme au titre de la formation continue.

    Exercices de la patience

    L'attente est acceptée "dans l'espoir ou la certitude de pouvoir satisfaire ses attentes". Elle est considérée comme la contrepartie des "richesses" proposées. Parmi les personnes interrogées d'aucuns admettaient même d'attendre deux heures s'il le fallait ! Naturellement, dans la mesure du possible, les lecteurs évitent de venir à la BPI lorsque l'attente est certaine (fin de semaine, mercredi principalement). Pour ceux dont l'emploi du temps est rigide, le temps d'attente est assimilé à un temps de récréation - entre deux séances de travail- propice aux conversations avec les voisins ou à la lecture du journal. Il reste que parmi le groupe de vingt-trois personnes, trois refusent de patienter plus de dix minutes bien qu'ils reconnaissent ne pas pouvoir trouver rassemblés ailleurs les documents sur lesquels ils escomptaient travailler.

    La "rentabilisation" de la venue à la BPI est présentée sous plusieurs aspects. Il s'agit bien sûr de la possibilité de faire usage du large choix de documents proposés. Mais d'autres facteurs interviennent qui renforcent l'accessibilité de cette documentation. Premier avantage : le libre-accès aux rayons ; second avantage, la situation de la BPI au coeur de Paris à proximité de l'intersection de plusieurs lignes de métro et de RER, lieu de passage obligé pour de nombreuses personnes interrogées qui traversent Paris chaque jour en direction de la banlieue pour se rendre à leur lieu de travail ou rentrer à leur domicile. Le facteur temps est lui aussi optimisé dans cette bibliothèque ouverte 10 heures par jour en semaine et 12 le week end et qui ne ferme qu'à 22 heures (alors que la plupart des bibliothèques de la région parisienne le font à 19 heures). Le dimanche, les bibliothèques universitaires ou municipales sont fermées, la BPI reste ouverte.

    L'accessibilité sans égal de la BPI ne concerne donc pas que ses seules collections mais aussi sa situation dans l'espace et le temps de la vie urbaine. Alors même que la durée de transport peut être aussi longue que les deux ou trois heures passées sur place, ces caractéristiques justifient magré tout un déplacement dont les usagers affirment, chacun à sa manière, qu'il vaut le détour.

    En dépit d'une sur-utilisation qui rend parfois difficile l'accès à certains livres, déclassés ou en mauvais état, aux catalogues informatisés et aux magnétoscopes, devant lesquels il faut savoir de nouveau patienter, voire à une simple chaise, les personnes interrogées restent fidèles à la BPI. Elle leur est nécessaire quand bien même ils ont connaissance des services offerts par les bibliothèques municipales ou universitaires. On sait que 75% des lecteurs de la BPI fréquentent une autre bibliothèque (cf Constances et Variances). Parmi les vingt-trois personnes interrogées dans la file d'attente, quatre se rendent occasionnellement à la Bibliothèque nationale. Elle est présentée comme l'opposé de la BPI, et son accès jugé comme non démocratique. Huit personnes se rendent dans les bibliothèques municipales dans un but lié à leurs études ou à leur profession. Les autres disqualifient les petites bibliothèques et affirment n'avoir aucun intérêt pour une lecture autre que celle qui leur est nécessaire et utile.

    Une fois entrés, certains lecteurs tentent de contourner l'affluence qui règne à la BPI : l'usage intensif de la photocopieuse leur permet de rassembler la documention qu'ils étudieront tranquillement ailleurs.

    S'il est clair que le principal attrait de la BPI réside dans son fonds documentaire, Y "ambiance" , V "atmosphère" des espaces de lecture favorise la venue de lecteurs qui seraient susceptibles de consulter ailleurs la documentation dont ils ont besoin et de ceux qui ne parviennent pas à créer un environnement studieux à leur domicile. Ces déclarations doivent cependant être tempérées. La bibliothèque Sainte-Geneviève, qui n'est pas en libreaccès et dont l'architecture et le cadre sont très différents de ceux de Beaubourg et qui reste ouverte jus-qu'à 21 heures, est présentée comme complémentaire de la BPI. Parmi les personnes interrogées, un petit nombre considère que Sainte-Geneviève ou la Sorbonne, malgré les contraintes liées à la demande de consultation et à la recherche des livres en magasins, offrent en l'absence de possibiblités de distraction, un lieu plus propice à l'étude que la BPI. Pour d'autres, la BPI "avec ses rayons en libre-accès, la circulation entre les étages, offre une ouverture sur le reste du monde étudiant et donne l'impression de faire partie d'une société plus large que celle constituée par la spécialisation choisie". La mise en place non hiérarchique du fonds, la lumière, l'espace sont des qualités fréquemment soulignées. La présence de la discothèque et de la galerie d'exposition rendant possible une interruption, un temps de repos au cours d'une séance de travail à la bibliothèque, est très appréciée par les lecteurs. C'est davantage la virtualité que la pratique qui est soulignée puisqu'en 1988, seulement 3% du public déclarait utiliser effectivement cette possibilité. L'atmosphère de convivialité qui règne selon certains à la BPI confirme les données recueillies au cours des enquêtes générales de 1982 et 1988. En effet, nombreux sont ceux qui viennent à la BPI à plusieurs (un tiers des lecteurs en 1982) ou pour qui la bibliothèque est un lieu de rendez-vous. C'est sans doute la raison pour laquelle l'absence de fumoir et de cafeteria est déplorée.

    "Un Beaubourg" plus grand ou des "petits Beaubourg" partout ?

    Il n'est guère surprenant de constater que plusieurs des personnes interrogées demandent l'agrandissement des salles de lecture, des horaires d'ouverture plus larges et, pour quatre d'entre elles seulement, l'exclusion de ceux, "marginaux" ou touristes, qui ne viennent pas pour tirer sérieusement profit des ressources de la BPI.

    Les étudiants interrogés se contentent souvent des polycopiés de cours et des manuels, seuls disponibles dans leurs bibliothèques universitaires. Rappelons que si 10% des lecteurs estiment ne pas trouver les livres qu'ils recherchent à la BPI, ils sont 30% à être dans le même cas dans les bibliothèques universitaires. La "débrouille" dont ils disent faire preuve produit sans doute des effets satisfaisants à court terme. L'on peut toutefois se demander si les difficultés liées à la recherche documentaire personnelle ne risquent pas de peser sur l'avenir universitaire de ces étudiants et au-delà sur les capacités de recherche des nouvelles générations de diplômés.

    Finalement, le succès d'une bibliothèque ne résulte pas uniquement de la valeur documentaire de son fonds mais également de ses horaires, de sa mise en espace, de son "ambiance" : "Je ne sais pas l'expliquer, mais je travaille mieux ici (...) il y a (...) une ambiance à la BPI qu'il n'y a pas ailleurs" dit un lecteur. L'atmosphère qui y règne favorise, au moins virtuellement, la diversité des pratiques. Cette ambiance est, à l'évidence, le phénomène le plus délicat à interpréter. En élargissant le champ d'analyse, il est nécessaire de prendre en compte l'enchâssement de la bibliothèque dans le Centre Georges Pompidou. C'est ce que disent nombre de lecteurs : ils viennent à "Beaubourg". L'identité de la BPI se confond partiellement avec celle du Centre pluridisciplinaire où elle est installée. Plus de 40% des entrées sont le fait de personnes qui se rendent à la bibliothèque : elle pèse donc d'un poids non négligeable dans la masse des publics qui fréquentent régulièrement Beaubourg. Mais, en retour, d'autresusages du lieu coexistent (en particu-lier des visites plus occasionnelles) etla pluridisciplinarité de l'ensembleest un équilibre à réiventer sans ces-se. Une étude est actuellement encours sur les publics qui assistent auxdébats du Centre, manifestations qui,organisées par tous les départements,rendent compte on ne peut plus clai-rement de la variété de l'offre cultu-relle proposée à Beaubourg. Cetangle d'investigation inédit renouvel-lera peut-être la typologie despublics. D'ores et déjà une étuderétrospective sur dix ans de débatsorganisés au Centre suggère que,sous l'architecture unique en songenre et la prolifération des initia-tives qu'elle accueille, la fonctionassumée par Beaubourg se déplace peu à peu vers un modèle "universitaire" qui correspond probablement à une attente de larges fractions des publics de fidèles (3) .

    Reste, pour la bibliothèque elle même, l'avenir proche et les nouvelles expérimentations qui doivent y être mises en oeuvre. L'accès au catalogue par le Minitel ou à une partie du fonds documentaire par le biais du réseau Numeris, la mise en place d'un module hypertexte pour améliorer l'interrogation d'une partie du catalogue seront bientôt disponibles.

    Ces innovations apportées à l'offre et qui ne répondent pas expressément à une demande, feront sans nul doute découvrir une pluralité de pratiques neuves et aujourd'hui encore imprévisibles.

    1. Martine Poulain, Constances et variances, BPI, 1990. retour au texte

    2. Voir en particulier: Joëlle Le Marec, Dialogue ou labyrinthe, BPI, 1989 et Eliséo Véron, Espaces du livre, BPI, 1989. retour au texte

    3. Annie Benveniste et Joël Roman, L'Université cachée. Dix ans de débats au Centre Georges Pompidou, BPI, 1991. retour au texte