Index des revues

  • Index des revues

La littérature d'enfance et de jeunesse en Afrique noire francophone

1994
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓
    Par Françoise Danset, Bibliothèque départementale du Val-d'Oise

    La littérature d'enfance et de jeunesse en Afrique noire francophone

    Burkina Faso, Côte-d'Ivoire et Sénégal

    L'impérialisme culturel à travers la production et la distribution du livre pour enfants /

    Sié Konate (Ottawa : production Banque internationale d'information sur les États francophones), 1994, xiv, 248 p. ; 28 cm ; (BIEFF-Études, 2).

    Il s'agit d'une thèse présentée à la faculté des sciences sociales de l'université de Laval au Québec (Canada) en septembre 1993.

    L'auteur pose d'emblée son hypothèse de travail : » Nous introduisons notre hypothèse centrale: la forte domination des produits culturels de l'étranger dans la vie culturelle des peuples du Tiers monde. Deux autres hypothèses porteront sur la pression culturelle à l'endroit des Africains et sur la mainmise totale et entière des Occidentaux sur les structures du livre sur le continent africain. »

    Après quelques généralités sur l'impérialisme culturel et quelques chiffres clés sur l'Afrique en général, où par exemple plus de 50 % de la population a moins de 15 ans, alors que cette proportion est de moins de 20 % dans les pays industrialisés, l'auteur se livre, chiffres à l'appui (tirés de L'état du monde 1992) à une étude comparative des plus intéressantes du circuit du livre dans chacun des trois pays : le Burkina Faso, la Côte-d'Ivoire, le Sénégal. Il parle des auteurs, des éditeurs, de la distribution, des libraires, des bibliothèques.

    Nous voyons que le Burkina Faso, pays le plus défavorisé des trois, importe 98 % de ses livres, dont 70 % de livres scolaires, et que moins de 10 % des 30 % restants sont des livres d'enfants. Le Burkina a une seule maison d'édition : ABC, créée en 1988.

    La Côte-d'Ivoire a des auteurs, des éditeurs et un répertoire de contes traditionnels auxquels s'ajoutent des bandes dessinées et des documentaires. Les deux principales maisons d'édition, NEA et CEDA, ont des collections pour enfants, elles travaillent depuis des années en coproduction avec des éditeurs français.

    Le Sénégal est dans une situation médiane, une seule maison d'édition (les NEAS, issues des Nouvelles Éditions africaines scindées en 1989) et des imprimeries. L'activité éditoriale est aussi présente au sein des structures universitaires.

    Au total, depuis 1960, le Burkina a produit un titre de livre pour enfants, la Côte-d'Ivoire 82, le Sénégal 17.

    Cette thèse apporte donc, chiffres à l'appui, la preuve irréfutable d'une dépendance quasi totale de ces pays en matière de production de livres d'enfants. C'est avant tout pour des raisons économiques et de manque de prise de conscience au niveau national.

    Mais ce constat implique-t-il a priori une situation d'impérialisme culturel ? L'auteur parle des interventions de la communauté internationale : de la présence des petites bibliothèques pour enfants que sont les CLAC (centre de lecture et d'animation culturelle) systématiquement mis en place dans chaque pays par l'ACCT, des programmes de lecture publique instaurés avec l'aide de la coopération française. Il ne critique en rien ces programmes, relevant même qu'ils font au maximum la diffusion des auteurs africains.

    La notion d'impérialisme culturel ne pouvait être démontrée que par une analyse qualitative très précise du contenu des fonds disposés dans ces bibliothèques. Deux tableaux présentant les concepts présents dans deux livres pour enfants vont même à l'encontre de la thèse annoncée. De même que le problème des dons est totalement passé sous silence, alors que c'est sans doute dans l'analyse de la provenance et du contenu de ces dons que l'on sait souvent pléthoriques, que la démonstration sans doute était la plus facile.

    Ce n'est donc pas cette étude, au demeurant fort précieuse pour tous ceux qui s'intéressent au livre et à la lecture en Afrique, qui lèvera le doute, qui subsiste, d'un impérialisme culturel des pays développés par rapport à l'Afrique dans le sens annoncé « d'écraser ! autre pour lui prouver sa supério-rite .

    Et si, comme le déplore dans une interview l'une de nos collègues sénégalaises, les enfants africains n'ont pas encore trouvé leur héros, sans doute ne faut-il pas totalement regretter qu'ils puissent rencontrer les héros d'Andersen, ceux des Mille et une nuits ou des légendes chinoises. L'ouverture est-elle obligatoirement synonyme d'acculturation ?