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    L'Etat et les récupérateurs

    Par Dominique Lahary

    Si le paysage de l'information bibliographique en France a radi- calement évolué en quelques an- nées, cela est dû en grande partie aux décisions de l'État.

    Il importe en premier lieu de se souvenir qu'en matière de bibliothèque, il y a au moins deux États. Le ministère chargé de l'Enseignement supérieur (rattaché ou non selon les gouvernements à l'É- ducation nationale) exerce la tutelle sur les bibliothèques universitaires et de grands établissements dans un contexte de déconcentration croissante et d'auto- nomie des universités. Le ministère de la Culture, dont dépend depuis 1981 la Bibliothèque nationale, exerce certaines missions vis-à-vis des bibliothèques des collectivités territoriales dans un contexte de décentralisation qui s'est notamment traduit par le transfert des bibliothèques centrales de prêt aux dé- partements en 1986.

    Dans les années 1980, le rôle de la Bibliothèque nationale semblait devoir plus s'inscrire dans le cadre du contrôle bibliographique universel (échanges avec les autres bibliographies natio- nales) que sur la scène nationale. Celle- ci était coupée en deux. D'un côté, les bibliothèques universitaires ont été pro- gressivement autorisées à se rattacher à un des trois réseaux de catalogage par- tagé que sont OCLC, SIBIL et BN-OPALE, respectivement dans les formats US- MARC, SIBIL et INTERMARC. Mais chaque établissement n'avait le droit d'utiliser qu'une seule. de ces trois sources. De l'autre côté, la DLL a cherché à promou- voir un réseau de catalogage partagé des bibliothèques publiques structuré autour d'un logiciel, LIBRA, en s'ap- puyant sur les BCP qui relevaient en- core de sa tutelle et en subventionnant les communes qui voudraient bien s'y rattacher. Le catalogage était effectué en UNIMARC.

    Deux schémas directeurs, celui de la DLL (1989) et celui du ministère de l'En- seignement supérieur et de la Re- cherche (en cours d'élaboration) vont successivement bouleverser ce pay- sage. Ils se traduisent par la consécra- tion de la Bibliothèque nationale comme producteur d'information bibliographique pour les besoins natio- naux, l'abandon du catalogage partagé pour les bibliothèques territoriales et l'évolution vers un réseau unique pour les bibliothèques universitaires.

    C'est le schéma directeur de l'information bibliographique publié en 1989 par la DLL qui affirme le rôle de l'agence biblio- graphique nationale dans la diffusion de l'information bibliographique. C'était pro- grammer la mort du réseau LIBRA, que l'État, dépossédé des BCP, n'avait d'ail- leurs plus les moyens d'imposer : la confirmation viendra trois ans plus tard. Quant à la diffusion des notices biblio- graphiques de l'agence bibliographique nationale, elle devait se faire obligatoire- ment en format UNIMARC (1) .

    Ayant ainsi encadré le producteur, l'État a cherché à encadrer les bibliothèques municipales grâce au concours particu- lier. Ce dispositif permet, par déroga- tion avec le principe de la décentrali- sation qui a supprimé toute subvention affectée au profit de la dotation globale de décentralisation (DGD), de subven- tionner sous certaines conditions les communes et départements pour leurs bibliothèques. Dans un premier temps, la DLL a par voie de simple circulaire (2) recommandé aux DRAC de n'accepter de subventionner les informatisations que sous condition du respect du « for- mat d'échange UNIMARC Les obliga- tions sont aujourd'hui moins générales et plus contraignantes. Aux termes du décret n° 93-174 du 5 février 1993 (JO du 7 février), qui a réformé le concours particulier en faveur des bibliothèques municipales, les informatisations collec- tives ou insérant la bibliothèque dans un réseau (3) ne sont subventionnables qu'à condition de « travailler dans le for- mat d'échange nationalement défini » par l'arrêté du 3 novembre 1993 (JO du 27 novembre 1993) qui nomme, sans plus de précision, UNIMARC (4) .

    Quant aux bibliothèques universitaires, elles devraient voir leur situation évo- luer avec la mise en place du schéma actuellement en cours d'élaboration. Actuellement, leur seul outil commun est le Pancatalogue, qui n'est qu'un ou- til d'identification et de localisation, non un réservoir de notices. On s'o- riente probablement vers un scénario qui maintient l'optique du catalogage partagé, mais autour d'un réservoir uni- que qui serait également alimenté par diverses sources extérieures, dont évi- demment OCLC et BN-OPALE, le réseau SIBIL-France étant appelé à disparaître.

    Un établissement public, l'ABES (Agence bibliographique de l'enseigne- ment supérieur) gérerait le système bibliographique universitaire, qui comprendrait également le centre natio- nal du CCN (CCN-PS, Téléthèses, RA- MEAU), le Pancatalogue, le PEB et une partie des services actuels du SUNIST (études et développement, mainte- nance des applications, assistance aux utilisateurs).

    Dans le même temps sera mis en place le Catalogue collectif de France, outil d'identification et de localisation fédé- rant la BNF, les bibliothèques universi- taires et un certain nombre d'autres grandes bibliothèques, notamment mu- nicipales, pour certains de leurs fonds.

    1. D'autres aspects de ce schéma sont d'ores et déjà dépassés, comme la distinction entre producteur et diffuseur de l'information bibliographique. retour au texte

    2. Circulaire n° 86-224 du 7 juillet 1986, parue dans Objectif lecture. - Paris : Direction du Livre et de la Lecture, [19881. retour au texte

    3. Si la notion d'informatisation collective est d'in- terprétation aisée (plusieurs établissements relevant de collectivités différentes, un seul système, une seule unité centrale), celle de réseau ne l'est guère. On voit d'ailleurs mal en quoi des bibliothèques s'informatisant ensemble auraient à respecter tel for- mat d'échange particulier puisqu'elles n'échangent pas à proprement parler. S'agissant des réseaux, le format d'échange standard est important dès lors que les systèmes sont différents. On peut penser que les réseaux des BDP entrent dans ce cas de figure. Mais aucune obligation n'est faite à ces der- nières, le décret les concernant (du même jour) ne soufflant mot des formats. Enfin, on ne dira jamais assez que l'expression travailler dans le format d'échange est malheureuse puisqu'elle entretient la confusion entre formats d'échange, de catalo- gage et de stockage. Il est cependant clair que seul l'échange est visé par le décret. retour au texte

    4. On peut noter la prudence d'une formulation aussi générale qui ne tranche pas entre les divers avatars d'UNIMARC. retour au texte