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La nouvelle législation française sur le dépôt légal

1994
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    La nouvelle législation française sur le dépôt légal

    Par Alix Chevallier , Bibliothèque nationale de Franc*

    Historique

    Instaurée sous François Ierpar l'ordon- nance de Montpellier du 28 décembre 1537, l'institution du dépôt légal en France est la plus ancienne au monde. Au cours des cinquante dernières an- nées, elle a fonctionné sous le régime de la loi du 21 juin 1943, précisée en ce qui concerne le régime de dépôt légal des documents sonores, audiovisuels et multimédias par les décrets du 1eraoût 1963, du 30 juillet 1975 et du 23 mai 1977. Généralement bien perçu et bien appliqué, le dépôt légal a contribué ef- ficacement à l'enrichissement des collec- tions patrimoniales. Ainsi en 1992, il a permis de collecter environ 47 000 nou- veaux titres de livres et brochures, 33 000 titres courants de périodiques, 2 500 cartes géographiques, 19 000 es- tampes, affiches et petite imagerie, 7 500 photographies, 2 400 partitions musi- cales, 17 500 phonogrammes, 10 000 vi- déogrammes, et 2 600 multimédias.

    Une révision et une modernisation de la législation sont toutefois apparues nécessaires dès 1985 et plusieurs rap- ports (1) en ont traité. La réflexion enga- gée sur la future Bibliothèque de France a été l'occasion d'ouvrir dès 1989 le chantier juridique de la réforme du dé- pôt légal avec la constitution par le mi- nistère de la Culture d'un groupe de tra- vail placé sous la direction d'un inspec- teur général de l'administration (2) .

    Ce sont les propositions de réformes is- sues de l'ensemble de ces réflexions et rapports qui ont servi de base à la ré- daction de la loi n° 92-546 du 20 juin 1992 relative au dépôt légal et de son décret d'application no93-1429 du 31 décembre 1993 (3) .

    Nouvelles dispositions

    La loi du 20 juin 1992 rajeunit l'institu- tion du dépôt légal, l'adaptant à l'évo- lution des modes de diffusion des connaissances et des techniques de communication et aux modifications de la législation.

    Vocation patrimoniale et culturelle

    Aux préoccupations antérieures de contrôle des publications, elle substitue une vocation patrimoniale et culturelle et fixe pour objectifs : la collecte et la conservation des documents, la constitu- tion et la diffusion de bibliographies na- tionales, la consultation des documents dans des conditions conformes à la légis- lation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec leur conservation.

    Champ d'application

    Pour une meilleure couverture du champ culturel contemporain et une meilleure adéquation aux modes contemporains des connaissances, le champ d'application du dépôt légal qui couvrait les documents imprimés, gra- phiques, photographiques, sonores, au- diovisuels et multimédias est confirmé, quel que soit le procédé technique de production, d'édition ou de diffusion des documents, dès lors qu'ils sont mis à la disposition d'un public. Il est élargi aux émissions produites ou diffusées par la radio et la télévision et à certaines catégories de documents informatiques, progiciels, bases de données, systèmes experts et autres produits de l'intelli- gence artificielle diffusés auprès du pu- blic sur un support matériel. Des déro- gations à l'obligation de dépôt, exemp- tions, exceptions, sélections, sont pré- vues, plus particulièrement pour les nouveaux documents, afin de limiter le coût des charges et pour les documents importés, lorsque le nombre d'exem- plaires importés est inférieur à un cer- tain seuil. Toutes ces dérogations sont strictement réglementées.

    Personnes soumises à l'obligation de dépôt

    L'obligation du dépôt légal pèse sur les personnes physiques ou morales, les mieux à même de remplir cette obligation selon la nature des documents ou des œuvres diffusées. Il peut s'agir des opé- rateurs de reproduction (imprimeries, producteurs) aussi bien que les opéra- teurs de communication au public (édi- teurs, diffuseurs, importateurs) ou des commanditaires. Dans le domaine des documents imprimés, graphiques et photographiques, le décret a maintenu le double dépôt par l'éditeur et par l'im- primeur pour permettre un contrôle croisé et une meilleure couverture. Par ailleurs, le dépôt est étendu aux films importés.

    Organismes dépositaires

    Dans un souci d'efficacité, la gestion du dépôt légal est répartie, pour le compte de l'État, entre trois organismes à voca- tion culturelle et patrimoniale, selon leur domaine de compétence : la Bibliothèque nationale de France qui reçoit la charge nouvelle des documents informatiques mais cède la responsabilité des films sur support photochimique au Centre natio- nal de la cinématographie tandis que l'Institut national de l'audiovisuel gère les émissions radio - et télédiffusées.

    D'autres établissements ou services pu- blics, nationaux ou locaux, à condition qu'ils présentent les garanties statu- taires et disposent des moyens, notam- ment scientifiques, propres à assurer les objectifs du dépôt légal, peuvent éga- lement être chargés de cette gestion. Il en va ainsi de bibliothèques présentant « une vocation historique, artistique ou patrimoniale affirmée », habilitées par arrêté du ministre chargé de la Culture.

    Par ailleurs, le service chargé du Dépôt légal du ministère de l'Intérieur conti- nue à recevoir le dépôt d'un exemplaire de chaque publication imprimée aux fins d'information des pouvoirs publics.

    Conseil scientifique du dépôt légal

    La loi du 20 juin 1992 consacre la voca- tion patrimoniale et culturelle du dépôt légal en substituant à l'autorité adminis- trative du ministère de l'Intérieur l'auto- rité technique d'un Conseil scientifique, composé de représentants des orga- nismes dépositaires et présidé par le pré- sident de la Bibliothèque nationale de France. Ce Conseil est chargé de veiller à la cohérence scientifique et à l'unité des procédures du dépôt légal et peut rendre des avis et formuler des recommanda- tions au ministre chargé de la Culture.

    Conclusion

    La loi du 20 juin 1992 relative au dépôt légal s'inscrit dans la politique nationale de préservation et de communication au public du patrimoine culturel enga- gée par les pouvoirs publics. Conçue pour affronter le choc du XXIesiècle, elle doit être encore complétée par di- vers arrêtés pour atteindre son plein ef- fet ; ceux-ci sont en cours d'élaboration.

    1. Jean-Pierre Seguin et Louis Le Gourierec, Rap- port à Monsieur le Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation et à Monsieur le Ministre de la Culture sur le fonctionnement du dépôt légal, mars 1985. - Francis Beck, Mission d'étude et de propo- sitions sur la Bibliothèque nationale, rapport final, juin 1987. - Patrice Cahart et Michel Melot, Propo- sitions pour une grande bibliothèque : rapport au Premier ministre, novembre 1988. - Christian Bourgois, Mission de réflexion sur le patrimoine audiovisuel, juillet 1989. retour au texte

    2. André Bourdale-Dufau, La refonte du dépôt lé- gal, janvier 1990. retour au texte

    3. Publiés respectivement au Journal officiel de la République française du 23 juin 1992, p. 8167-8168 et du 1er janvier 1994, p. 62-66. retour au texte