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    Introduction

    Par Claudine Belayche, Présidente ABF

    Choisir comme thème de ce congrès national Bibliothèques et économie nous obligeait à aborder un sujet difficile, très débattu. Nous verrons probablement lors de cette rencontre que, avec des motivations identiques dans leurs objectifs affichés, avec des analyses proches, les décisions des villes concernant leurs bibliothèques quant aux tarifs d'inscription sont radicalement différentes.

    M. le Maire de Limoges présentera longuement la position prise par sa municipalité, d'une gratuité totale, pour tous les supports et pour tous les publics, sans distinction d'âge ou de lieu de résidence.

    il évoquera également le parti pris de responsabiliser les usagers du service public. L'on sait que cet argument est très souvent utilisé : on se sent d'autant plus responsable que l'on a payé pour un service. Disons néanmoins qu'aucune étude n'a jamais montré en bibliothèque que, selon les tarifications d'adhésion, les documents seraient plus ou moins abîmés, les livres rendus plus ou moins en retard, les locaux plus ou moins respectés...

    Le débat nous permettra d'entendre nos collègues, participants nombreux à cette journée, sur ces différents points.

    Nous n'avons pu, comme l'annonçait le préprogramme, accueillir le maire de Roanne ou son représentant. J'expliquerai pourquoi nous avions jugé intéressant de l'entendre. La ville de Sélestat, contactée, n'a pu déléguer un représentant, mais nous a transmis un texte présentant les analyses qui ont conduit la ville à édicter ses règles de tarification.

    Lors de l'inauguration de la médiathèque de Roanne, le 6 décembre 1997, Jean Auroux faisait diffuser un dossier de presse présentant les investissements consentis par la ville et le district sur cette bibliothèque, ainsi que les changements fondamentaux - pour les Roannais et pour les finances de la ville - qu'elle impliquait.

    Deux types d'analyse structuraient ce dossier :

    • * Le rôle de ville centre, particulièrement marqué, pour une ville de 50 000 habitants, pôle universitaire récent, et donc attractif pour des publics en attente de lecture et de documentation.
    • * L'augmentation notable des coûts de fonctionnement : dans cette médiathèque passant de moins de 1 000 m2dans un ancien bâtiment à plus de 4 000 m2, les coûts de fonctionnement sont multipliés, d'autant que les services proposés à terme incluent des matériels informatiques, du personnel... « La ville de Roanne assure donc seule le remboursement des emprunts, la gestion et le fonctionnement de la médiathèque. »

    La plaquette distribuée lors de l'inauguration donnait les tarifs qui seraient pratiqués.

    • * Carte annuelle d'accès aux collections et aux services (prêt et consultations)
      • Non-Roannais
        • adultes : 200 F ;
        • 12 à 18 ans: 50 F mais consultation gratuite ;
        • jusqu'à 12 ans : gratuit.
      • Habitants de Roanne
        • adultes : 100 F ;
        • étudiants : 50 F ;
        • jusqu'à 18 ans : gratuit.
    • * Documents audiovisuels, paiement par système d'unités
      • vidéo : 10 F;
      • CD audio : 10 F ;
      • cédérom : 50 F ;
      • connexion Internet : prix coûtant.

    Deux questions se sont posées lors de la diffusion de cette plaquette :

    • la pratique de la tarification pour la seule consultation sur place (en France, les BM laissent la consultation libre et gratuite ; parmi les bibliothèques du service public, seule la BnF a un accès payant) ;
    • la tarification du prêt des documents non imprimés : elle est faite à l'acte et s'apparenterait à une location. Des questions juridiques s'attachent à cette variation.

    Disons tout de suite que cette tarification n'a jamais été appliquée totalement. Mais elle découlait d'une analyse sérieuse, où M. Jean Auroux disait: « [la médiathèque] se doit de faciliter l'accès de tous aux savoirs de demain, de favoriser le développement de la ville et de sa région, notamment grâce au multimédia qui, par ses intégrations de l'écrit, de l'image et du son et ses étonnantes connexions, contribuera à créer de nouvelles richesse intellectuelles et donnera une dimension plus universelle au patrimoine de demain (1) . »

    Sélestat pratique, au dire même de son conservateur (2) , « une politique un peu atypique : tous les usagers paient des droits d'inscription s'ils veulent emprunter des documents, même les enfants ».

    On voit rapidement que, sur des objectifs identiques, les résultats et les décisions des assemblées délibérantes sont opposés. On pourra utilement se référer sur cette question au dossier « Service public et culture (3) ", publié ce trimestre par l'Observatoire des politiques culturelles, où François Rouet, dans l'article « Tarifications et services publics culturels ", tente d'analyser ce qu'est un tarif" dans un service public, sa représentation financière, sa représentation symbolique... S'il est clair que la contribution demandée aux usagers est une très faible part des budgets nécessaires au fonctionnement - pour les bibliothèques municipales, les statistiques donnent des chiffes avoisinant 3 à 4 % du fonctionnement global, et 25 à 30 % du seul budget d'acquisition de documents -, la question se pose du statut de l'utilisateur : consommateur, citoyen, contribuable ? les trois à la fois ? et selon quelle répartition ?

    Dès lors, l'ambiguïté est importante : le service sera-t-il d'usage très général (les bibliothèques, les bâtiments patrimoniaux) ou devra-t-il couvrir largement ses coûts, pour le public favorisé, auquel cas la politique de développement culturel pratiquerait plutôt une « aide à la personne » ?

    Il est clair que, dans le champ culturel - c'est la différence avec l'obligation scolaire existante dans notre pays -, il reste à chacun la libre faculté de fréquenter ou non les établissements culturels, et donc que l'on peut y associer la notion de choix dans la pratique de tel ou tel loisir, avec les conséquences financières qu'il implique...

    Choix politiques locaux ? nationaux ? L'étude que nous présente Jean-Loup Lerebours, vice-président de la section des Bibliothèques publiques de l'ABF, montrera bien que les choix tarifaires ne dépendent pas de la « couleur politique de la municipalité : il s'agit bien de choix strictement de politique territoriale, ce qui ramène à des choix d'équilibres complexes. C'est probablement pourquoi aucune règle n'a pu ou su s'imposer.

    Mais peut-on, au vu des statistiques de fréquentation et de prêt, évaluer les résultats de ces choix ? La récente enquête conduite par Jean-Loup Lerebours nous donnera quelques pistes.

    1. Extrait du dossier d'information distribué le 6 décembre 1997 lors de l'inauguration de la médiathèque. retour au texte

    2. Texte intégral, présenté ci-contre, du courrier reçu de M. Lutz, directeur de la médiathèque de Sélestat. retour au texte

    3. Observatoire des politiques culturelles : 30, rue du Temple, 38000 Grenoble. Publication semestrielle. retour au texte