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    L'INIST-CNRS

    Des services d'information payants et gratuits dans un cadre de service public

    Par Marc Guichard, Directeur du développement

    L'INIST, Institut de l'information scientifique et technique, est une unité propre de service du CNRS. Il a pour mission de collecter, traiter et diffuser les résultats de la recherche scientifique et technique internationale. Héritier des anciens centres de documentation du CNRS, il est localisé dans l'est de la France sur le technopôle de Nancy-Brabois.

    C'est un organisme atypique dans le monde des bibliothèques même s'il en assure certaines des fonctions (collecte, stockage, gestion documentaire). D'une part il produit des bases de données bibliographiques, et d'autre part il fournit la copie à la demande des documents recherchés. Il n'y a pas de consultation sur place ni de prêt de documents, et l'accès à l'information secondaire ou primaire est payante et effectuée à distance.

    Quelques chiffres

    • * Le fonds documentaire couvre les sciences, la technologie, la médecine et les sciences humaines et sociales. Il est essentiellement constitué par 23 000 titres de périodiques internationaux dont 9 000 en cours, et par un fonds de littérature grise et de thèses en sciences. Il est complété par les fonds de 150 bibliothèques de recours, françaises et étrangères.
    • * Le stockage est physique (25 km de rayonnages) et électronique pour les 1 000 titres les plus demandés (2 millions d'articles numérisés depuis 1991).
    • Le personnel comprend 340 personnes.
    • Les bases de données Pascal, Francis et Article@Inist représentent plus de 15 millions de notices bibliographiques.
    • Chaque année, l'INIST fournit près de 700 000 copies de documents.
    • * L'INIST vend ses prestations à 10 000 clients dont une moitié appartient au secteur public et l'autre au secteur privé.
    • * Le budget global est de 171 MF et les recettes de 56 MF (chiffres 1998).

    Ce dernier point concernant le budget et les recettes nous permet d'entrer dans le vif du sujet, à savoir la situation de l'INIST dans un contexte commercial.

    Bien avant la généralisation de la notion de paiement de certains services rendus dans le secteur public, le CNRS a appliqué une tarification de ses services dès la création de ses premiers centres de documentation. Cette politique a été maintenue à l'INIST.

    L'objectif était clair à la création de l'INIST puisqu'une filiale commerciale, INIST Diffusion, société anonyme dont l'actionnaire principal est le CNRS, lui a été adjointe.

    Dans le créneau étroit de l'information scientifique et technique, et compte tenu des investissements importants à faire pour satisfaire la communauté scientifique française (nécessité d'un fonds large, d'équipements informatiques spécifiques) ainsi que de l'incompressibilité de la masse salariale, il n'a jamais été envisagé de « rentabiliser » au sens commercial du terme cette activité.

    Par contre, la tarification des services permet de couvrir une part du budget de fonctionnement et d'en compenser les baisses éventuelles.

    Entre 1990 et 1998, la contribution du CNRS au fonctionnement de l'INIST a diminué de 36 %, mais en contrepartie les recettes ont augmenté de 64 %.

    Le développement des recettes, allié à une politique de réduction des coûts, a permis en 1998 de couvrir 70 % des dépenses globales de fonctionnement. C'est parce que cette politique de tarification a commencé très tôt qu'il a été possible d'atteindre cet objectif.

    Il ne suffit pas de tarifer ses services, il faut aussi les vendre. Plusieurs conditions sont à remplir. Elles se résument à offrir des services ayant une valeur ajoutée correspondant aux besoins des clients et dont le coût soit acceptable par le marché.

    Réunir ces conditions et avoir une politique active en la matière implique une organisation spécifique. Vendre est un métier, et c'est pour cela que le CNRS a créé une filiale de droit privé, autant pour avoir la liberté d'utiliser tous les moyens de gestion commerciale disponibles dans le secteur privé que pour s'attacher du personnel ayant des compétences dans ces domaines.

    En effet, pour vendre et surtout développer les ventes, il faut maîtriser les techniques de marketing et de communication, la négociation commerciale, l'administration des ventes, et disposer d'outils informatiques et de moyens adéquats (budgets promotionnels par exemple).

    Il faut aussi surveiller la concurrence, adapter les tarifs en fonction des types de clients et améliorer ou créer de nouveaux services.

    Le système d'une filiale de statut privé au sein d'une structure publique a des avantages indéniables, mais il induit des effets pervers. L'un d'eux a été l'incompréhension respective des personnels de statuts différents sur les objectifs à atteindre. Une des conséquences en a été l'éloignement du personnel de « production » des clients, et donc une perte de compréhension directe de leurs besoins et une moindre motivation pour faire évoluer les services.

    Notre expérience nous a montré qu'il est possible, avec une formation et un encadrement adéquats, de spécialiser du personnel de statut public aux fonctions commerciales.

    Un bon compromis a été trouvé quand nous avons constitué des équipes mixtes public-privé », même si la gestion du personnel s'en est trouvée compliquée pour les responsables de service.

    En ce qui concerne plus particulièrement les aspects de tarification des services d'information, l'INIST se trouve dans un contexte dont je retiendrai les points les plus significatifs en prenant pour exemple principal notre service de fourniture de documents.

    La politique tarifaire de ce service tient compte de plusieurs paramètres que je détaillerai :

    • l'histoire et l'environnement institutionnel ;
    • le marché, les clients et la concurrence ;
    • le droit de copie et l'environnement légal ;
    • les objectifs propres à l'INIST.

    Historiquement, le tarif des copies de documents n'a pas été calculé en fonction du coût réel de l'information. Les tarifs ont été jus-qu'en 1996 établis en concertation avec notre ministère de tutelle. Le tarif INIST appliqué à l'enseignement supérieur devenait après cette concertation le tarif conseillé par le ministère aux bibliothèques universitaires pour leur propre vente de copies de documents.

    Les hausses ont été limitées (7 % en moyenne) par cette approche institutionnelle qui tenait compte d'une volonté ministérielle de maintenir un tarif acceptable pour les usagers de l'université.

    D'un strict point de vue de bonne gestion économique, des hausses plus importantes auraient été nécessaires puisque, malgré nos efforts de baisse des coûts de fabrication des copies, les hausses de prix des tarifs d'abonnement ont atteint des moyennes de 15 à 20 % par an.

    À cela il faut ajouter le poids de l'histoire dans l'étabissement d'une politique tarifaire. L'INIST a accordé une remise institutionnelle de 40 %, dès l'origine, aux établissements publics français de l'enseignement supérieur, aux laboratoires CNRS, à l'INSERM, aux CHU et CHRU.

    En 1999, le nouveau directeur de l'INIST, M. Alain Chanudet, a étendu cette politique de remise à l'ensemble des organismes publics de recherche et d'enseignement supérieur dépendant de l'État français de façon progressive sur trois ans. De même, il a renoué avec le principe de concertation avec notre ministère. L'objectif que traduit cette politique tarifaire est de positionner l'INIST comme étant d'abord au service de la recherche publique française.

    Un tarif doit aussi tenir compte du marché, des clients et de la concurrence. Il y a un coût acceptable pour un type de service de copie de documents par rapport à l'offre de service concurrente, pour un type de client, dans un lieu du monde donné et par rapport à l'offre de service existante.

    Un étudiant, un documentaliste ou un bibliothécaire ne sont pas prêts à payer le même prix à service égal.

    Aux États-Unis, le prix normal à payer pour l'obtention d'un document sous forme électronique est d'environ 150 F. Certains éditeurs souhaiteraient faire payer un droit allant jusqu'à 250 F par document. Quels sont les clients prêts à payer ce prix en France ?

    Pour l'INIST, le principe se complique avec ses utilisateurs privilégiés que sont les chercheurs CNRS, car il leur est difficile de comprendre qu'une unité du CNRS facture ses services à d'autres unités du CNRS. Néanmoins, l'économie globale de notre système ne peut se passer de cette facturation, et il est en outre bien compris que ce qui est gratuit n'a qu'une valeur relative.

    Dans le domaine de la copie papier de documents, la concurrence en France est peu présente si l'on exclut les services de copies des bibliothèques universitaires. Le développement d'Internet changera cet environnement, mais pas dans l'immédiat.

    L'INIST doit aussi tenir compte de son environnement légal.

    Pour la copie papier de documents, il s'agit en France de négocier avec un centre de gestion agréé un droit de copie par document qui sera réservé aux ayants droit, les éditeurs en général. L'accord actuel de l'INIST avec le Centre français du droit de Copie (CFC) prévoit le paiement d'un droit de 7 F par copie de document, pour tout type de client. Il est à comparer avec le droit facturé par certains centres étrangers aux clients de type entreprises privées, qui peut atteindre 90 F par document.

    Enfin, l'INIST utilise sa politique tarifaire comme moyen incitatif pour atteindre des objectifs particuliers.

    L'INIST est entré comme d'autres dans la logique d'Internet. Son avenir passe par la diffusion de l'information scientifique au moyen de ce canal. De plus, l'utilisation des moyens électroniques réduit ses coûts de fonctionnement. Dès aujourd'hui, l'INIST comme ses clients ont intérêt à utiliser l'électronique pour échanger de l'information.

    Pour aller dans ce sens et modifier les comportements, l'INIST a développé des moyens de commande de documents sur Internet (par exemple en mettant ses bases titres de périodiques, monographies, sommaires de revues et d'articles, soit 6 millions de notices rassemblées, sous le service Article@Inist et accessibles gratuitement sur son site Web : www. inist. fr) et en appliquant un tarif préférentiel pour ce mode de commande.

    Le CISTI/ICIST au Canada a été un précurseur en la matière en accordant des remises substantielles aux universités acceptant de commander des documents de façon électronique et de les recevoir de même avec le système Ariel.

    La plupart des bibliothèques se trouvent ou vont se trouver confrontées à la diffusion d'informations sur Internet ou sur des réseaux locaux (accès à des fonds anciens numérisés par exemple, accès à des ressources acquises). La tarification de ces services implique donc de disposer d'une compétence dans les nouvelles technologies de l'information ainsi que dans les moyens de paiement et/ou de contrôle des accès électroniques. C'est une nouvelle contrainte dont il faut tenir compte pour l'avenir proche de nos organismes.

    En conclusion, aujourd'hui un organisme comme l'INIST peut d'autant mieux prétendre à assurer un rôle de service public qu'il justifie par ses ventes d'un intérêt pour les services qu'il propose, qu'il couvre une partie de ses coûts par ces mêmes ventes, et que sa politique tarifaire contribue à maintenir en France l'accès à l'information scientifique internationale de façon équitable et à un coût raisonnable.