Il y a maintenant plus de quinze ans, la mise en place de nouveaux services ou la nécessité de développer des services déjà existants - conséquence à la fois de l'explosion documentaire et d'un rapide développement technologique des moyens d'accès à l'information - ont conduit les bibliothèques universitaires françaises à s'interroger sur l'évaluation des coûts et performances de leurs services. En effet, la plupart de ces nouveaux services étaient payants (notamment le prêt entre bibliothèques et la recherche documentaire automatisée) et ont posé aux bibliothèques des problèmes économiques.
L'exemple du Service commun de la documentation de l'université de technologie de Compiègne (BUTC) montre comment une bibliothèque universitaire a dû, dès sa création, fixer sa politique tarifaire, ceci en accord avec la politique générale de prestations de services décidée au sein de son université de tutelle.
Le mode de fonctionnement choisi par l'université de technologie de Compiègne (UTC), et en particulier le principe adopté d'une large pratique de la « refacturation » interne entre services, mais aussi la diversité des missions, des services et des publics de la bibliothèque ont conduit l'UTC à déterminer avec précision les choix tarifaires à effectuer pour ses services documentaires.
En 1972, c'est une université différente des autres universités françaises que l'on a voulu créer, cette différence se manifestant autant dans son type d'organisation que dans la nature de la formation qu'elle délivre.
Pour ne citer que quelques originalités :
Mais aussi :
Même si :es principes ne sont pas tous facil ment applicables, ce système a aie é au développement d'un réel espi it d'entreprise au sein de l'UTC, établissement où près de 70 % des recettes de fonctionnement correspondent à des ressources propres ou à des prestations internes.
Comme toute autre bibliothèque universitaire ou service commun de la documentation, la BUTC offre d'abord ses services au public de son université : étudiants et enseignants-chercheurs. Mais les besoins de ces publics sont très hétérogènes. Par exemple, la part consacrée par les étudiants (et ceci dès leur premier semestre de présence à l'UTC et durant leurs cinq années de formation initiale) aux travaux personnels, aux réalisations techniques, est grande et variée, d'où des besoins documentaires généraux mais en même temps spécifiques et très spécialisés. Les équipes de recherche de l'UTC attendent tout aussi bien des informations scientifiques que des informations technico-économiques.
À côté de ce public « captif la BUTC « accueille » chaque année un public non traditionnel (plus de 450 adhésions par an), composé essentiellement :
Plus de 180 entreprises utilisent chaque année les services de la recherche documentaire informatisée, de la veille documentaire, ainsi que le prêt entre bibliothèques.
Phénomène nouveau, ces entreprises sont également demandeuses de formation à la recherche d'informations scientifiques et techniques sur le Web (la BUTC a monté ces huit derniers mois, avec l'aide logistique du service de formation continue de l'UTC, deux journées de sensibilisation à cet usage).
Comment donc également servir ce public « extérieur » mais néanmoins essentiel au fonctionnement de l'UTC, établissement où les stages en entreprises, les contrats avec les industries, les enseignements assurés par des ingénieurs issus du privé constituent une part importante du quotidien et permettent à l'UTC de mener à bien ses trois missions d'enseignement, de recherche et de transfert ?
La BUTC a voulu répondre aux besoins spécifiques de tous ces publics en créant des services plus spécialisés et en essayant d'adapter les services traditionnels au public extérieur.
Pour en citer quelques-uns :
Outre les services traditionnels de fourniture d'informations et de documents, la BUTC offre également :
La politique documentaire mise en place à l'origine de l'UTC avait défini comme principe que les services seraient ouverts à tous. Ce principe a tout de même évolué vers la nécessité d'une adhésion payante plus largement appliquée au cours des années, et en particulier lors de l'arrivée des supports optiques de stockage. Cela parce qu'il était indispensable pour certains fournisseurs de données de mettre en place un contrôle de l'utilisation de ces nouvelles ressources électroniques, mais aussi de faire participer les utilisateurs aux paiements des abonnements correspondants (fort coûteux).
Comme l'UTC, la BUTC a choisi de facturer ses services sur le principe suivant : « À publics différents, tarifs différents. »
Le budget global de l'UTC voté par le conseil d'administration chaque année l'est par « grandes composantes budgétaires » : bibliothèque mais aussi départements d'enseignement et de recherche, présidence, secrétariat général, direction de la recherche, de la pédagogie...
Derrière cette notion de grande masse budgétaire et par souci d'afficher à la fois les coûts réels de l'enseignement et ceux de la recherche, mais aussi de « responsabiliser » les différentes équipes, une refacturation est largement pratiquée : services (téléphone, fournitures de bureau, tirages à l'imprimerie, reproduction de clés...), utilisation de machines (test de fatigue des matériaux, microscopes...) et de matériels (location de projecteurs, magnétoscopes...), location de salles, temps homme (technicien vidéo...).
Une double tarification de ces services est appliquée : un premier tarif pour le groupe UTC et un second tarif, plus élevé, pour les demandeurs extérieurs.
Il est difficile de présenter des modèles tout faits sur ce sujet de la tarification. Chaque politique mise en place dépend du contexte dans lequel elle s'insère. La volonté affirmée de l'UTC de pratiquer la « transparence des coûts au niveau de son fonctionnement interne (et d'engager ainsi la responsabilité de chacun), la possibilité de mettre en place une réelle comptabilité analytique et la demande de services documentaires variés exprimée par les partenaires industriels de l'UTC ont été les éléments contextuels qui ont favorisé une mise en place de notre mode de tarification, et qui ont permis au départ de surmonter sans difficulté les obstacles psychologiques habituels et la tradition tenace de l'information gratuite.
La notion de valeur ajoutée associée à certains services a fini de supprimer les risques de rejet.
Il fallait de plus que, gage d'une gestion efficace, la grille des tarifs soit simple.
La présence de personnel contractuel, payé sur les ressources propres de la BUTC, une « distribution " des personnels au sein de l'organigramme interne par fonctions (catalogage, RDI, gestion des recettes, formation des utilisateurs...) et non par «sections", la ventilation souple et fine des ressources budgétaires (exemples : centre de ressources,, RDI centre de ressources «achats de livres pour l'enseignement centre de ressources salaires ... ) offerte par GFC, système de gestion comptable et financier utilisé à l'UTC, sont autant de raisons qui ont aidé et conduit à la mise en place d'une analyse fonctionnelle des coûts de gestion.
Le coût global d'une fonction, en y intégrant les charges de personnel, est ainsi dégagé et permet d'établir et de suivre le coût unitaire de chaque produit ou service.
Ayant évolué aux cours des années, essentiellement à cause de sa complexité, le système de facturation actuellement appliqué à la BUTC est un système mixte comprenant droit d'accès et tarification à la requête.
Deux tarifs sont proposés : un tarif pour les lecteurs ayant adhéré à la BUTC et un tarif pour les autres utilisateurs.
Dans ce système, l'utilisateur paie, avant toute « consommation un droit d'accès à la BUTC (droit d'inscription pour l'étudiant UTC ou frais d'adhésion annuels pour tout lecteur extérieur).
Cette adhésion n'est pas indispensable pour la consultation des documents en rayon. Elle le devient dès que la personne souhaite emprunter un document à domicile ou accéder aux postes de consultation des cédéroms et d'Internet (chaque lecteur doit s'identifier sur le réseau à partir d'un numéro de compte personnel ou d'un numéro de carte de lecteur).
Bien sûr, il existe des exceptions à l'adhésion payante : elles concernent, pour le public extérieur, les personnes pouvant justifier d'un emploi dépendant du ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (MENRT), d'une inscription dans un établissement d'enseignement dépendant du MENRT, et les chômeurs.
Ensuite, le lecteur est tarifé à la prestation.
À cette catégorie est intégré l'ensemble des bibliothèques participant au réseau de prêt entre bibliothèques.
Le principe de la tarification à la prestation est également appliqué, avec un coefficient multiplicateur d'environ 1,5.
Seule une prise en charge forfaitaire est appliquée, en sus, pour la recherche documentaire en ligne.
L'utilisateur a ainsi la possibilité, après avoir estimé sa consommation future des services documentaires et sa « chance » d'amortir le « droit d'entrée annuel », de décider de son adhésion à la BUTC ou non.
Une enquête actuellement en cours auprès des bibliothèques universitaires, menée par l'ADBU, réactualise les données collectées en 1995. Les résultats déjà obtenus auprès d'une vingtaine de bibliothèques scientifiques montrent la diversité des politiques tarifaires appliquées à ce jour.
Les données collectées et commentées ci-après ne concernent que la fourniture de documents vers l'extérieur ; elles n'abordent pas la tarification pratiquée envers les usagers de sa propre bibliothèque lors d'une demande effectuée auprès d'une bibliothèque prêteuse ».
Pour les besoins de l'enquête, les demandeurs ont été classés en trois catégories :
* Pour les articles de périodiques, les photocopies sont toujours payantes. L'harmonisation des tarifs autrefois recommandée officiellement par le ministère de l'Éducation nationale n'est plus la règle:
Il se confirme, au-delà de l'exemple de la BUTC et des pratiques du PEB dans les bibliothèques universitaires de sciences, que la tarification est déjà largement pratiquée dans les bibliothèques universitaires françaises. Mais quelle sera l'évolution de cette tendance ? Les nouvelles pratiques documentaires de nos lecteurs, largement tentés par Internet, de ne plus solliciter les bibliothèques universitaires pour accéder au document primaire, la plus grande autonomie annoncée des universités, les négociations en cours entre les universités françaises et le CFC, l'ouverture prochaine du Système universitaire de documentation sont autant d'éléments à prendre en compte dans une stratégie future à la fois de partenariat (dans le cadre du PEB, par exemple) et de concurrence (fournisseurs de données, consultants spécialistes en IST...).
Imaginer la bibliothèque de demain, c'est, entre autres choses, tirer parti des nouvelles technologies de l'information pour élargir la gamme des services déjà offerts et proposer ainsi des prestations plus ciblées et à forte valeur ajoutée ».