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Pour une Europe culturelle et technologique des bibliothèques

2000
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    Pour une Europe culturelle et technologique des bibliothèques

    Par Sonia Zillhardt, Responsable Europe de la délégation aux relations internationales

    Depuis huit ans environ, les bibliothèques nationales en Europe travaillent activement à la construction de l'Europe des bibliothèques. L'émergence de la société de l'information et l'explosion mondiale du Web ont récemment donné une dimension nouvelle aux travaux européens en cours dans les bibliothèques.

    S'inscrivant dans le cadre du programme « Télématique pour les bibliothèques" (1994-1998) de la Direction générale XIII de la Commission européenne, les directeurs de bibliothèque nationale ont défini un plan d'action dans les domaines de l'échange de données bibliographiques, de la gestion des documents électroniques, de la constitution et de l'accès aux collections numérisées.

    COBRA+ (action concertée entre bibliothèques nationales) coordonne les différentes actions, impulse de nouveaux projets, assure le suivi et l'exploitation des résultats. Ont ainsi été adoptés un profil Z39-50 commun permettant à un utilisateur distant d'interroger par une seule et même requête les bases de données bibliographiques de plusieurs bibliothèques réparties n'importe où en Europe, un projet de thésaurus multilingue facilitant la recherche d'informations bibliographiques dans la langue maternelle de l'utilisateur...

    La diffusion exponentielle d'informations et de documents sur Internet a placé les institutions chargées de la gestion du patrimoine au coeur du cyclone. En effet, l'apparition de nouveaux modes de diffusion et de nouveaux supports numériques comme les cédéroms pose aux bibliothèques nationales des problèmes inédits et certainement très complexes.

    Par exemple, quel rôle ces institutions doivent-elles jouer dans la description des informations disponibles sur Internet ? Doivent-elles constituer, comme elles l'ont toujours fait, les « catalogues » d'Internet ? Comment sélectionner les documents susceptibles d'enrichir les collections de ces bibliothèques ? Où se trouveront ces documents immatériels ? Qui sera responsable de leur conservation ? Pourra-t-on consulter ces documents dans 100 ans ? Ces interrogations montrent qu'un champ de réflexion extrêmement large est ouvert à l'échelle européenne.

    Deux projets européens, rassemblant la BnF et plusieurs autres bibliothèques nationales en Europe, sont actuellement en cours et traitent tout ou partie de ces problématiques.

    *Le projet Biblink a pour objectif de créer de nouvelles relations de travail entre les éditeurs de documents électroniques, sur support ou en ligne, et les agences bibliographiques nationales. En effet, devant la masse d'informations à traiter et sa diversité, une nouvelle répartition des responsabilités est envisagée entre les différents acteurs de la chaîne du livre. Biblink vise donc à sensibiliser les éditeurs aux enjeux de la description bibliographique (selon le principe « qui décrit bien retrouve bien... »).

    Un prototype, développé par la société Jouve, est en cours de test à la BnF. Il s'appuie sur un standard de métadonnées, le Dublin Core, et s'applique tant à des cédéroms qu'à des documents sur Internet, par exemple des journaux électroniques. Plusieurs éditeurs français participent à Biblink : les éditions Lamy, la Documentation française, les éditions Vigdor...

    Nedlib, autre projet européen qui a démarré plus récemment, en janvier 1998, cherche à définir des méthodes et outils communs pour l'accès aux documents électroniques et leur conservation à long terme. En effet, une fois les documents identifiés et correctement décrits, le pas suivant est de permettre aux lecteurs l'accès à ces mêmes documents.

    Dans plusieurs pays européens, dont la France, la loi sur le dépôt légal impose aux éditeurs de documents électroniques sur support de déposer un ou plusieurs exemplaires à la Bibliothèque nationale. Par contre, seules quelques bibliothèques, majoritairement Scandinaves, se sont lancées dans l'aventure de la collecte de documents diffusés sur Internet : les Finlandais par exemple capturent tous les serveurs Web finlandais (dont le suffixe est. fi). Un autre exemple est, outre-Atlantique, l'archivage complet d'Internet et la remise à l'automne dernier de toutes les bandes à la Bibliothèque du Congrès....

    Plus concrètement, Nedlib devrait donner naissance à des prototypes qui seront installés et testés par les bibliothèques partenaires. Une fois ces deux étapes franchies (description et accès), reste à régler la question de la conservation à long terme de ces documents électroniques. Aujourd'hui, de nombreux guides ou recommandations ont été préparés dans le monde entier pour essayer de limiter les risques de pertes d'information. Audelà des enjeux purement techniques (faut-il constituer un musée de l'informatique, faire migrer les informations ou chercher à émuler les anciens systèmes ?), la question centrale qui est posée est celle de la mémoire de la société virtuelle : sommes-nous, à l'ère du tout numérique, en train de construire une société sans mémoire ?

    Par ailleurs, le projet européen Author, piloté par la BnF, a clairement démontré l'intérêt de donner accès sur Internet à des fichiers de gestion des points d'accès bibliographiques peu connus du grand public : les fichiers d'autorité auteurs. Chaque bibliothèque a créé des notices d'autorité décrivant les « auteurs » : : dates biographiques, nationalité, oeuvres principales. L'accès en réseau à ces fichiers d'autorité auteurs d'une part faciliterait l'identification univoque des auteurs, d'autre part éviterait aux catalogueurs de dupliquer leurs efforts. Ce projet n'a pas échappé aux sociétés chargées de la gestion collective des droits d'auteurs en Europe, qui voient dans ces immenses réservoirs un moyen d'identifier « à coup sûr » les auteurs et par conséquent les détenteurs de droits.

    Ces projets dits génériques laissent pourtant un peu de côté des documents « non textes », comme les documents musicaux. À cette fin, la Commission européenne a arrangé un mariage entre BN, archives sonores et centres d'information pour que les acteurs se concertent sur les nouveaux besoins des usagers, la description bibliographique et la constitution de collections numériques sonores.

    À la veille du lancement des premiers appels à projets sur la société de l'information, inscrits dans le 5e programme-cadre de recherche et développement de la Commission européenne, il est intéressant de faire le point sur l'impact de ces nombreux projets. Au-delà des résultats tangibles, nouveaux logiciels ou prototypes, tous reconnaissent l'intérêt de ces projets, catalyseurs du changement, qui définissent des méthodes de travail innovantes, des normes européennes communes, des transferts de savoir-faire.

    Toutefois, sans parler des méthodes et de la technologie, ce qui est en marche, c'est la constitution d'un réseau humain tendu vers un but commun : construire l'Europe des bibliothèques. La BnF en est un des acteurs et souhaite faire partager largement ses travaux à l'ensemble des bibliothèques françaises et, à l'occasion de cette journée, aux bibliothèques d'art, partenaires privilégiés de la BnF.