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L'évolution des fonctions des personnels de direction

2001
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    L'évolution des fonctions des personnels de direction

    Par CHRISTIAN LUPOVICI, président ADBU

    La problématique

    L'ADBU (Association des directeurs de bibliothèques universitaires) a, depuis plusieurs années, entamé une réflexion sur les missions et l'identité des bibliothèques et des services documentaires dans l'université. Avec l'avènement de la société de l'information et des technologies sur lesquelles elle se bâtit, les bibliothèques universitaires se trouvent être au coeur des mutations profondes qui provoquent ou accentuent un déséquilibre identitaire. Même si les bibliothèques sont des institutions qui ont une longue histoire leur donnant une sorte de légitimité naturelle, l'impact des nouvelles technologies sur les pratiques professionnelles doit nécessairement être étudié car il est susceptible de modifier radicalement le positionnement des métiers des bibliothèques dans l'environnement universitaire.

    L'ADBU, fait significatif, a changé ses statuts en 2000 pour tenir compte de 2 facteurs : d'une part la plus grande variété des établissements et des types d'organisation documentaires de l'enseignement supérieur où servent des conservateurs, d'autre part la reconnaissance à droits égaux de tous les personnels des équipes de direction (les adjoints, les chefs de sections et les responsables de départements techniques comme les directeurs).

    C'est dans ce contexte de réflexion que l'ADBU a souhaité repenser les fonctions des personnels de direction dans le cadre de la société de l'information. Le conseil d'administration de l'ADBU a donc décidé, en 1999, la création d'un groupe de travail.

    Le groupe de travail de l'ADBU

    L'ADBU a chargé Geneviève BOULBET de réunir et de diriger un groupe de travail constitué de quinze membres représentatifs des différents établissements. Son activité a commencé en décembre 1999 et s'achève en décembre 2001.

    Ce groupe a travaillé dans plusieurs directions :

    • il a étudié l'impact des NTIC sur le métier, les qualifications professionnelles et les nouveaux mécanismes de prise de décision ;
    • il a tenté d'établir un état des lieux de l'intégration institutionnelle des bibliothèques dans l'université et de mesurer les modifications que permet, dans ce domaine, l'introduction des NTIC ;
    • il s'est attaché à clarifier et à redéfinir le rôle des directeurs dans un contexte de travail en équipe et de partage des compétences.

    Bien évidemment, la réflexion a vite débordé le cadre des seules fonctions de direction pour faire le tour des mutations auxquelles sont confrontées l'ensemble des professions de la documentation et quelles évolutions sont nécessaires dans les domaines du recrutement et de la formation.

    Le groupe de travail n'a pas manqué de faire appel aux avis d'autres personnes, comme ceux de directeurs de bibliothèques de lecture publique et d'adjoints de services communs de la documentation.

    De façon implicite ou explicite, la comparaison avec les situations étrangères (Allemagne, Scandinavie, Grande-Bretagne, Canada et USA) fut une préoccupation permanente dans les débats.

    Enfin, une journée d'étude à Toulouse (le 18 mai 2001) a repris l'ensemble du débat à partir des trois thèmes qui avaient été imposés : l'intégration à l'université, la formation et l'évolution du métier.

    Il est tout à fait intéressant de constater que les débats ont largement débordé vers les thèmes adjacents. manifestant ainsi combien les paramètres de l'évolution de la profession sont solidaires les uns des autres.

    Le débat

    L'analyse de la situation des bibliothèques universitaires vis-à-vis des nouvelles technologies, de leur positionnement dans l'université, de leur mode d'organisation et de gestion des ressources humaines fait apparaître une grande diversité qui rend difficile une synthèse reposant sur un consensus. C'est ce qui ressort de l'enquête menée par le groupe de travail qui a analysé la situation dans 41 établissements.

    Néanmoins, le groupe de travail s'est efforcé de débattre des éléments les plus indépendants des situations locales pour analyser les principaux facteurs externes mais aussi internes d'évolution.

    Le passage du document papier au document électronique est plus qu'un changement simplement technique, il change en profondeur non seulement la conception du métier tel que nous le connaissions, mais il déstabilise aussi l'organisation documentaire dans l'université. Cette déstabilisation donne l'occasion d'un repositionnement des personnels de bibliothèques dans la chaîne de l'information et d'un repositionnement de l'institution bibliothèque dans la politique documentaire globale de l'université. Cette situation est naturellement favorable aux bibliothèques et doit être mise à profit par les directeurs pour redéfinir une stratégie qui Corresponde au nouvel environnement et réinventer un nouveau périmètre d'action pour accomplir les missions de la bibliothèque. Cette évolution ajoute de nouvelles fonctions aux anciennes qui n'ont pas pour autant disparu. La difficulté est de gérer la coexistence de technologies traditionnelles et nouvelles en faisant en sorte qu'elles ne s'opposent pas mais se nourrissent les unes des autres.

    Le groupe a bien mis en évidence l'importance d'apporter une attention particulière à l'évolution rapide des technologies de l'information et l'importance d'acquérir une bonne culture scientifique qui permette aux équipes de direction de définir une stratégie de développement pertinente.

    L'importance accrue de la responsabilité politique et juridique du directeur de la documentation est un des faits majeurs de l'impact de la documentation numérique. Aussi une formation spécifique, adaptée pour les directeurs, apparaît-elle désormais indispensable et stratégique.

    L'intégration des différentes fonctions dans l'environnement numérique se traduit par une intégration accrue des métiers des bibliothèques, des archives et de la documentation et implique un élargissement des champs de compétence des conservateurs de bibliothèque. Il sera de plus en plus légitime de rassembler sous une même tutelle, la bibliothèque, le service multimédia et le service informatique et réseau (selon un modèle anglo-saxon, qui n'a été imité en France qu'à La Villette). Il a été mis en évidence que le concept de section de bibliothèque universitaire, s'il pouvait encore être utile dans des situations géographiques particulières, n'était certainement plus le modèle de base recommandable pour les services communs de la documentation dont les organigrammes devraient se structurer en départements fonctionnels.

    La description des fonctions de direction et du mode opératoire de l'équipe de direction a fait l'objet quant à elle, de longues discussions au sein du groupe de travail mais également au niveau de la Direction des personnels au ministère de l'Éducation nationale (DPATE). Le seul fait que nous ayons eu en quelques années les recommandations de l'ADBS pour la certification, le rapport d'Anne Kupiec sur le recensement des métiers des bibliothèques (1995) et le référentiel des emplois types de la recherche et de l'enseignement supérieur (REF.E.R.ENS) publié par la DPATE en 1999, montre à l'évidence un besoin de redéfinition des métiers de la documentation dans un monde qui a déjà beaucoup évolué. Le groupe de travail a tenté de définir les activités essentielles de la fonction du directeur d'une part, de l'équipe de direction d'autre part, en mettant en regard les compétences requises.

    Le groupe de travail a insisté sur le changement culturel qui s'est opéré dans les bibliothèques universitaires fondant le dynamisme de la direction sur une conception participative.

    Le groupe a débattu de la notion de personnel scientifique qui désigne les conservateurs dans les textes réglementaires. Il a comparé la situation des directeurs à l'étranger ainsi que la perception que nous renvoie l'environnement universitaire français, pour conclure que le terme « scientifique » devait être compris comme un niveau d'intervention dans le domaine politique, stratégique et de gestion, mais ne devait pas être compris comme une nécessaire spécialisation universitaire (on ne demande pas à un directeur d'hôpital d'être un chirurgien reconnu), même si la connaissance du milieu et des processus de la recherche est nécessaire.

    Enfin, le positionnement de la direction de la bibliothèque dans l'université dépend en grande partie du statut de la documentation dans l'enseignement et la recherche. Or il est tout à fait patent que la pédagogie française n'a pas donné à la documentation la place centrale qu'elle occupe dans les pays anglo-saxons, Scandinaves, ou en Allemagne. Aussi la tension entre les présidents et les directeurs de la documentation sur la question du défléchage des moyens est apparu au groupe non pas comme un défaut d'intégration, mais comme un simple moyen de garantir la continuité du service dans la situation de pénurie générale de moyens (ou de mauvaise gestion) que connaît l'université.

    Le rapport de synthèse

    Le travail effectué par le groupe est considérable et l'ADBU a souhaité le synthétiser dans un rapport qui sera publié. Ce rapport introduit le chapitre sur l'impact des nouvelles technologies de la façon suivante :

    « Les nouvelles technologies de l'information et de la communication imposent une transformation profonde et durable des conditions de production et de diffusion de la recherche scientifique ainsi que d'une évolution significative de la pédagogie qui doit désormais s'appuyer sur ces technologies. Dans ce contexte, il est évident que les bibliothèques universitaires ont un rôle essentiel et novateur à jouer et que la fonction de direction doit évoluer pour assumer cette mutation. Il faut rappeler que la fonction de direction reste fondamentalement une fonction politique de prévision, de planification et d'organisation de la gestion. »

    Le rapport comporte une vingtaine de pages qui donnent l'essentiel des résultats du travail effectué dans le groupe et qui débouche sur des propositions d'orientations. Il passe en revue les questions que pose l'introduction des nouvelles technologies sur la vision que nous devons avoir des missions de la bibliothèque. Il détaille l'enquête sur l'intégration des bibliothèques dans les structures de l'université. Il détaille l'évolution de la gestion des ressources humaines au sein des bibliothèques et l'évolution de la conception d'équipe de direction. S'y ajoutent plus d'une trentaine de pages d'annexes qui sont pour l'essentiel des documents de référence.

    Conclusion

    Le CA de l'ADBU qui avait commandité le groupe de travail, a imaginé cette étude comme une préparation à une journée d'étude avec la Conférence des Présidents d'Université (CPU).

    En cours de route, un nouvel objectif s'est substitué au premier : la nécessité d'avoir une plate-forme ADBU commune sur la vision de l'évolution de notre métier. Au 31° congrès de l'association en septembre 2001, les visions différentes qui se sont exprimées n'ont pas dénaturé sur le fond les propositions d'orientation issues du travail du groupe. Elles ont été reconnues comme la base valable de références communes à l'association. Elles formeront la dernière partie du texte du rapport de synthèse.