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    Peut-on recruter des diplômés de l'ABF?

    Par PIERRE BRUTHIAUX, Responsable centre ABF de Laxou

    Quelques mots d'histoire

    La formation ABF a été créée en 1906 pour remédier à une situation qui, déjà à l'époque, ne satisfaisait pas la profession. Il fallait former les personnels qui entraient dans le métier sans formation technique.

    Depuis toujours, elle accueille tous les personnels de tous les types de bibliothèques (bibliothèques municipales, départementales, universitaires, mais aussi associatives). Formation nationale, elle s'est peu à peu élargie à presque tout le territoire. De 5 centres en 1977, on est passé aujourd'hui à plus de 20. Quelques secteurs géographiques ne sont encore pas couverts. C'est le cas de Paca ou de l'Aquitaine où des CFCB développent des formations quelque peu semblables.

    La formation de l'ABF s'est petit à petit « professionnalisée ». Dans les années 70, par exemple, c'est le collègue, directeur de la BM de Nancy et président du Groupe Lorraine, qui assurait la totalité des cours (5 journées) pour une petite huitaine d'élèves, tous bénévoles. Aujourd'hui, ce même centre de Lorraine compte deux antennes, une à Laxou, l'autre à Metz. Une quarantaine d'élèves sont inscrits (on en a compté une soixantaine par an début 90) et une trentaine de collègues participent à l'enseignement. Elle se déroule sur 27 journées.

    On voit là l'évolution.

    Les centres de formation se sont souvent créés sous la pression du terrain, lorsqu'une ville créait une bibliothèque importante et souhaitait former son personnel rapidement ou encore lorsqu'un département décidait une politique de formation de ses dépositaires.

    L'ABF a, depuis les années 70, travaillé à une reconnaissance nationale de sa formation. En 1978, elle obtient l'habilitation du ministère du Travail comme organisme de formation continue.

    En 1991, elle obtient, après un travail long et difficile, l'homologation de son diplôme d'auxiliaire de bibliothécaire (niveau V). Cette homologation est remise en cause tous les trois ans par une commission ministérielle.

    Aujourd'hui, la formation d'auxiliaire de bibliothèque de l'ABF est donc cadrée par son statut. Elle ne concerne que des personnels travaillant dans les bibliothèques et de formation générale inférieure au bac.

    Elle est enfin la seule formation générale aux métiers des bibliothèques, après la disparition du CAFB en 1994, avec la création des IUT métiers du livre à un niveau supérieur.

    L'influence des statuts

    En 1991, les statuts des personnels des bibliothèques ont été profondément modifiés, au niveau de l'État comme au niveau territorial. Les bibliothèques municipales recrutaient avec des concours organisés au niveau local, qui pouvaient parfois être contestés, vu leurs conditions d'organisation. Les statuts de 91 prévoient l'organisation de concours dès le cadre d'emploi d'agent. Mais contrairement aux cadres d'emplois supérieurs (B et A), aucune formation n'est prévue ni avant ni après le recrutement. Ceci allait dans le bon sens en tentant d'éviter le clientélisme, mais les épreuves des concours n'étaient pas vraiment adaptées aux profils des personnels recherchés. En 1998, le concours d'agent du patrimoine disparaît à l'instar des autres cadres d'emplois d'agents administratifs ou techniques.

    La formation ABF acquiert alors un tout autre intérêt. On peut penser encore aujourd'hui que lorsqu'un maire ou un président de conseil général cherche à recruter un agent du patrimoine, il préférera un diplôme ABF à un CAP de coiffeuse ou de mécanique... si tant est que le bibliothécaire l'ait informé de l'existence de ce diplôme...

    Le cadre d'emploi supérieur, celui d'agent qualifié, reste encore accessible par concours, mais le niveau V requis (niveau de la formation ABF) est très souvent dépassé par des candidats de formation universitaire, ce qui pénalise sérieusement les diplômes ABF. Le niveau indiqué dans les textes est toujours le niveau minimal. Il n'est pas donné de niveau maximal...

    Cet intérêt majeur pour la formation ABF créé par la suppression du concours d'agent, a été quasiment annihilé par la possibilité qui s'offrait en même temps de recruter sur ce grade des personnes diplômées (DUT ou licences) qui occupaient contractuellement des postes de catégories B ou A en leur disant: vous passerez les concours lorsqu'il y en aura, et en plus vous pourrez les passer en interne ».

    En effet, les conséquences des nouveaux statuts de la fonction publique territoriale avec en particulier des concours qui ne sont pas organisés annuellement et des épreuves par trop généralistes, empêchent souvent des titulaires du DUT d'être recrutés statutairement. Le DUT est un diplôme technique universitaire et non une préparation aux concours. En 2002, les épreuves écrites du concours d'assistant qualifié (niveau DUT) auront lieu peu avant la fin de l'année universitaire, ce qui empêchera les diplômés d'IUT de l'année 2001-2002 de les passer. Il leur faudra attendre, si les conditions ne changent pas, le concours 2004... Et comme la liste d'aptitude du concours 1999 est close depuis plusieurs mois, comment peut-on s'étonner de cette dérive ?

    Pour la fonction publique de l'État, les concours concernent tous les corps, y compris ceux de catégories C. Comme pour la fonction publique territoriale, aucune formation n'est prévue, ni avant ni après le recrutement. La formation ABF ne peut être qu'une aide à la préparation des concours, si les candidats travaillent déjà en bibliothèque. Elle pourrait - elle le fait déjà dans quelques cas trop rares - être considérée comme la formation initiale des magasiniers reçus au concours et n'ayant aucune connaissance professionnelle, même si la formation n'est pas prévue dans les textes. Les collègues de la Section étude et recherche avaient demandé lors du Congrès de Bourges que la formation ABF s'ouvre davantage aux agents des bibliothèques universitaires et spécialisées. Des avancées ont alors été faites pour que la formation soit un peu moins réservée à la lecture publique, mais après quelques années, il semble que la place des candidats BU n'ait pas beaucoup évolué. Mais est-ce étonnant, si la place des professionnels de ces bibliothèques dans les structures de formation n'évolue pas non plus ?

    Les contrats aidés

    La formation ABF a depuis longtemps récupéré toutes les personnes en contrat aidé que les gouvernements successifs ont mis en place. Il y a eu les TUC, les PIL, et plus récemment les CES et les emplois jeunes.

    La formation ABF n'étant pas une formation très lourde, elle a été et est toujours un terrain d'accueil favorable pour ces contrats : formation globale et en alternance. Si elle a pu aider une partie de ces publics, dans leur réintégration au monde du travail et, aux métiers des bibliothèques, il y a, en raison des conditions d'octroi de ces contrats, des élèves en réelles difficultés qui, même s'ils arrivent parfois à obtenir le diplôme, restent d'un niveau de compétence peu élevé et sont difficilement recrutables sur des postes de plus en plus délicats en raison des exigences requises pour les tâches d'accueil du public.

    En ce qui concerne les emplois jeunes, le niveau d'étude sur lequel la plupart d'entre eux ont été recrutés, devait et devrait les exclure de cette formation. Une partie de ces emplois jeunes possèdent un DUT Métiers du livre. À quoi bon alors une formation globalisante ? Une formation préparant aux concours serait bien préférable. Ils sont médiateurs du livre, médiateurs multimédia, mais leur aspiration à tous et à toutes est d'intégrer la fonction publique.

    Les contradictions

    La formation ABF est par nature une formation initiale qui traite de tous les aspects du métier, dans le cadre d'emploi correspondant à leur niveau d'étude, et c'est ce qui fait son originalité et sa qualité. Or son homologation l'a transformée en formation continue. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, sont exclues de cette formation les personnes qui souhaitent entrer dans le métier ou se réorienter. C'est le cas par exemple de mères de famille qui souhaitent trouver ou retrouver une vie professionnelle ou de personnes au chômage qui découvrent cette activité...

    Une partie d'entre eux est « récupérée par le biais des contrats aidés. Mais est-ce suffisant ? Ne devons-nous pas aussi chercher un équilibre entre les « internes » et les « externes » ?

    Il semble clair aujourd'hui que la formation d'auxiliaire, arrivée à un âge adulte, doit être accompagnée d'autres types de formations adaptées aux autres publics externes. Afin de coller à la réalité du marché de l'emploi, l'ABF pourrait se doter des moyens nécessaires pour mettre en place des formations générales ou spécialisées à destination des publics tels que les emplois jeunes, qu'ils soient médiateurs du livre ou multimédia et le plus souvent d'un niveau supérieur au bac. Des formations permettant d'accueillir des personnes en recherche d'emploi devraient également être organisées. Si l'on veut remplacer les 3 000 départs en retraite des catégories C des deux fonctions publiques, annoncés dans une récente brochure publiée par le Ministère de la Culture, le ministère des Universités et le CNFPT, il faudra bien du sang neuf extérieur... Et s'il était formé, ne serait-ce pas mieux ?

    On peut toujours dire que si les choses vont mal, c'est la faute des autres... Mais si sur ces questions difficiles des statuts, des recrutements et des formations, la profession prenait en main ce qui lui est accessible, l'information, la connaissance des textes, la participation aux enseignements, la participation aux jurys de concours, etc., avec toutes les exigences que cela implique (eh oui, c'est du boulot !), peut-être les recrutements de personnes compétentes aux postes mieux profilés seraient-ils plus répandus.