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    Le CNFPT

    Gestion des ressources humaines et formation

    Par ALAIN SCREVE CNFPT, Délégation Champagne-Ardenne

    Les rapports des organisations et des professionnels face à la formation

    La tendance couramment partagée de l'externalisation de la formation génère dans certains cas une perte de sens du mot formation.

    L'absence de politique de formation et de schéma directeur de ressources humaines conduisent à deux constats fréquents :

    Il des inégalités frappantes : l'amplitude court depuis l'absence de formation pour peu que l'on cumule un certain nombre de handicaps (le taux de départ en formation est très inégal selon les branches professionnelles, le niveau de qualification, la catégorie A B ou C, la situation urbaine ou rurale...) jusqu'à l'abondance quantitative. Il arrive parfois que l'abondance ne résulte pas de stratégies ou d'options prises par le manager pour ajuster le capital compétence de sa structure en lien avec les objectifs à atteindre.

    Parfois, la formation constitue une sorte de joker dans les relations sociales, une sorte d'amortisseur social permettant de huiler les petits conflits. Dans d'autres cas, il s'agit de faire fonctionner une mécanique qui repose sur l'idée égalitaire consistant à répondre à l'exploitation de questionnaires annuels filtrés par un bureau de la formation. Le raffinage de besoins s'apparente à celui de l'essence ;

    3 une efficacité perfectible s'il s'agit de comptabiliser les départs en formation ou d'acheter du stage, la question ne se pose pas. En revanche, dans le contexte qui nous intéresse, situant la formation comme levier d'action des ressources humaines et éléments déterminants de la stratégie managériale de la collectivité ou de la bibliothèque, cela pose la question des finalités de la formation et de ses différentes fonctions et des limites de cette externalisation.

    À côté de l'action du CNFPT traitée en seconde partie, il convient pour la bibliothèque de définir des options compatibles avec le schéma de la collectivité d'appartenance.

    LES FINALITÉS DE LA FORMATION ET SA DIMENSION STRATÉGIQUE

    À des enjeux forts comme l'entretien et le développement du patrimoine compétence des bibliothèques (la correction des dysfonctionnements, les recherches d'amélioration, l'évolution de la demande sociale et de la commande publique), s'ajoute un renouvellement massif des équipes dans les prochaines années qui va poser, d'une manière plus cruciale, le risque d'évaporation des savoir-faire.

    Ces enjeux forts se heurtent à des contraintes lourdes telles que la raréfaction des moyens et le risque de concurrence pour la formation induit par la réduction du temps de travail. Notre propension partagée à réagir aux stimuli de l'environnement est à regarder comme une alliée.

    En fait, les enjeux et les contraintes permettent aux uns et aux autres de formaliser leur politique de formation. C'est-à-dire la construire, l'écrire, la diffuser. Cette politique de formation n'est rien d'autre que le résultat de l'anticipation menée par le manager, les lignes directrices données à la formation, les valeurs culturelles à développer et de la politique managériale. Elle fixe l'arbitrage entre différents horizons de temps (l'immédiat, l'anticipation, la prospective).

    Le plan de formation suit cette étape et permet de situer la formation selon une démarche ordonnée répondant aux priorités établies en matière d'ajustement des compétences. Cette première fonction stratégique de la formation relève de la collectivité, elle peut être conduite avec le CNFPT et s'inscrit dans le cadre de la fonction conseil.

    LA FONCTION TECHNIQUE DE LA FORMATION

    Avant d'identifier des troubles de compétences, le directeur de la bibliothèque comme ses homologues, se heurte à des problèmes de performance soit actuels (dysfonctionnement), soit prévisibles (recherche d'amélioration anticipation). Or le passage de la fissure de performance à la réponse formation est tentant et s'effectue fréquemment de manière directe. Ce raccourci évite la phase d'identification des sources du dysfonctionnement, de la même manière qu'un malade se rendrait directement chez le pharmacien en oubliant de consulter un médecin.

    La performance résulte du produit de la compétence (savoir-faire), de la motivation (vouloir faire), de la clarification des objectifs (savoir quoi faire) et des allocations de ressources (disposer des moyens financiers, humains potentiels).

    Dès lors, si l'un des facteurs est nul, le produit connaît le même sort. Parmi ces facteurs, seule la compétence est soluble par la formation.

    Il convient donc, préalablement au recours à un formateur, d'identifier les sources de la situation problème pour s'assurer que la formation constitue un remède, et pour identifier quelle formation est nécessaire précisément.

    Des problèmes d'accueil survenant après l'élargissement de l'amplitude d'ouverture de la bibliothèque peuvent parfois signifier davantage des ressources ou des motivations défaillantes qu'un problème de compétence. Des orientations non affichées, mal comprises ou provoquant le rejet de l'équipe nécessitent un plan de communication davantage qu'une formation pour l'équipe.

    Enfin, lorsqu'à l'examen tout indique que le levier compétence doit être actionné, la commande doit être précédée d'une analyse éclairant sur la nature et l'intensité des nouvelles compétences à installer.

    Cette fonction technique s'opère parfois entre le directeur de la bibliothèque et le responsable formation ; elle est souvent confiée au CNFPT, de manière explicite ou implicite (dans bien des cas, la demande de formation est formulée et le CNFPT procède avec les intéressés à cette phase d'ingénierie préalablement à la livraison d'une solution).

    LA FONCTION OPÉRATIONNELLE (aspects didactiques et pédagogiques)

    Il s'agit de la phase naturellement externalisée auprès de formateurs mais suppose que le commanditaire ait participé, soit directement, soit avec le CNFPT, au processus de fabrication préalable.

    À ce stade encore, l'engagement du commanditaire est nécessaire :

    • M si l'acquisition de certains savoirs s'opère hors le cadre du contexte de travail (registre des connaissances), d'autres en revanche nécessitent des allers-retours lieu de formation et situation de travail ;
    • * une formation, quelle que soit sa nature, apporte des acquis, des capacités mais la production de compétences nécessite la sanction du réel ;
    • M certaines formations s'opèrent en interne : celles visant des procédures ou la transmission de l'expérience, par imitation et imprégnation ;
    • certaines formations aux enjeux forts et inscrits dans la durée nécessitent des dispositifs de suivi ;
    • M le suivi de la formation d'après formation) suppose des étapes de capitalisation, d'application, voire de généralisation pouvant utilement donner lieu à une contractualisation entre le responsable de service et un agent ou une équipe.

    Le rôle du directeur de la structure est primordial, qu'il s'agisse de formation d'adaptation à l'emploi, d'anticipation ou d'accompagnement à un projet.

    Il se situe dans les étapes de conception, de conduite et d'évaluation.

    Dès lors, à l'externalisation apparente de la formation devrait se substituer une - logique de co-construction ».

    La formation est avant tout un acte de management et a vocation à s'insérer comme tel. C'est en tout cas une constante au CNFPT de contribuer, au côté des responsables formation des collectivités, à l'imbrication de la formation et des stratégies des ressources humaines. La qualité de notre service public repose sur l'articulation des compétences des personnels avec les missions de service public. À l'intersection des deux, se situe la fonction managériale.

    Le positionnement CNFPT vis-à-vis des branches professionnelles de la fonction publique territoriale

    Il a été fortement question dans la première partie des rapports entretenus entre la formation et le système GRH et des logiques de co-construction nécessaires au développement des compétences.

    L'articulation opérée par le CNFPT entre les missions emplois et formation est par ailleurs essentielle pour finaliser son action en direction des branches professionnelles. Cela suppose une phase d'observation et d'analyse des emplois précédant la diffusion d'une offre susceptible d'accompagner les métiers dans leur logique de développement.

    Dans cette relation emploi formation, l'emploi constitue la variable dure et la formation la variable asservie.

    Ce sont bien les tendances et projections observées en matière d'emploi qui servent de guide et de repère à l'action de l'établissement.

    L'APPROCHE STATISTIQUE DE L'EMPLOI

    L'enquête de septembre 2000 conduite par le CNFPT et le CNRACL sur les pyramides des âges à l'horizon 2020 n'a d'autres finalités que de préparer les acteurs locaux et le CNFPT lui-même à ce croisement de générations de professionnels.

    Cette enquête nous indique que 63 % des conservateurs et 42 % des bibliothécaires atteindront l'âge de la retraite dans 10 ans et que les sorties annuelles sont en progression constante jusqu'en 2006, année à partir de laquelle elles s'accélèreront fortement.

    Cette prise en compte des données numériques de l'emploi se traduit par une prise en charge dans l'action du CNFPT :

    • Il sur l'élévation des postes mis aux concours ;
    • H sur le rythme des opérations de concours et particulièrement celui de conservateur (âge médian le plus élevé) ;
    • 13 sur les suggestions à apporter concernant la configuration de certains concours (compétence ne relevant pas du CNFPT mais rôle de proposition au côté des associations professionnelles et d'élus) ;
    • 13 sur les systèmes de formations initiale et continue.

    Conséquences sur les opérations de concours

    Indépendamment de l'accélé-ration prochaine des recrutements, il convient de préciser que le sentiment largement répandu d'une insuffisance de production de lauréats ne résiste pas à certaines réalités. Le taux de recouvrement lauréats/production de lauréats, atteint 100 % pour la quasi-totalité des cadres d'emplois.

    À titre d'illustration :

    • M les trois bibliothèques à vocation régionale de Champagne-Ardenne sont parvenues à réaliser leurs objectifs de mise à niveau des effectifs (élévation très significative) ;
    • 13 les estimations des services emplois intègrent également des données conjoncturelles dans l'estimation des postes à promouvoir telles que l'effet de l'ARTT, le développement du temps libre, les évolutions en terme d'amplitude d'ouverture des bibliothèques, etc.

    Les données de l'enquête font apparaître essentiellement chez les conservateurs, la nécessité d'une fréquence plus rapprochée en terme d'organisation des concours.

    Une autre remarque récurrente chez les professionnels réside dans la configuration des concours d'assistant et de bibliothécaire (pour le dernier, le décret 2001 920 du 5 octobre vient d'apporter une réponse).

    Le caractère généraliste des concours d'assistant et de l'ex-concours de bibliothécaire s'est traduit par :

    • Il une proportion élevée de lauréats bibliothécaires non recrutés ;
    • * une population d'assistants (2 400) plus faible que celle des assistants qualifiés (3 700).

    La balance d'intérêt entre concours - tout terrain - et concours « tamis a a été opérée puisque le décret récent pour les bibliothécaires offre un concours teinté de culture professionnelle. Le concours ouvert (généraliste) traduisait fortement le principe d'égalité d'accès aux emplois publics. En revanche, le nombre de candidats sans projet professionnel précis risquait d'aboutir à des erreurs d'orientation et générait une méfiance chez les recruteurs.

    À l'inverse, un concours technicisé rassure ces mêmes employeurs comme on peut le constater au regard de la fluidité du concours d'assistant qualifié. L'excès de technicité réduit par contre les candidatures potentielles alors que demain, le risque de pénurie de candidats nous guette. De plus, les employeurs attendent des profils de bibliothécaires ouverts, curieux et complémentaires dans les équipes.

    Les dispositions du décret du 5 octobre 2001 semblent répondre au profil des lauréats souhaités dont chacune des individualités rassemblées représente une approximation par excès ou par défaut.

    Conséquences sur la formation initiale

    L'accélération des recrutements signifie l'élévation sensible du nombre des agents en formation initiale. Or ces formations initiales construites sur un modèle des années 80 ne correspondent plus aux réalités actuelles d'une part, et entament d'autre part la marge de manoeuvre de l'établissement pour la formation en cours de carrière.

    Cette formation obligatoire figée dans un cadre contraint des années 80 a permis d'accompagner les mouvements de décentralisation de l'époque pour des publics cibles dont le profil est fort différent aujourd'hui. Sa nécessité demeure mais ses modalités et notamment sa durée gagneraient à être allégées.

    La réforme législative de 94 et ses décrets d'application de 97 n'en ont pas modifié la durée, la maintiennent prisonnière d'un enseignement pré-sentiel (la seule unité de mesure réside dans la durée).

    Dans le même temps, le niveau d'étude des intéressés a connu une avancée sensible, les lauréats bénéficient pour la plupart d'une expérience professionnelle et les modes d'apprentissage se sont diversifiés à la faveur des technologies de l'information et de la communication.

    Les tentatives opérées par l'établissement pour son adaptation butent sur l'attente des employeurs comme des agents d'un allègement de sa durée. Alors que l'heure est à la reconnaissance des acquis et des parcours individualisés (formations au juste nécessaire), l'importance des flux impose le traitement quasi collectif et le cadre réglementaire prescrit des durées identiques. Il est permis de penser qu'une généralisation des pointes de professionnalisme dans les concours, à l'instar de celui de bibliothécaire, justifiera une réduction de la durée des formations initiales qui, vu leur contexte actuel, constituent le contre-exemple des conditions d'apprentissage des adultes.

    Le caractère contraint de ces formations et notamment de leur durée, est particulièrement désobligeant pour les agents et pour les employeurs qui seraient parfaitement à même de construire des projets d'intégration et de professionnalisation sur mesure avec le CNFPT et les partenaires institutionnels. Elles sont de surcroît coûteuses lorsque ces ressources pourraient être, de l'avis de tous, utilement mobilisées pour combler les écarts entre les pratiques et les besoins résultant de l'évolution des besoins réels.

    Tous les partenaires s'accordent à souligner la nécessité et l'intérêt d'une formation initiale pour favoriser l'entrée dans le monde du travail, dans le milieu territorial. Elles sont tout autant nécessaires pour valider l'accès à de nouvelles responsabilités.

    La nécessaire remise en question concerne leurs modalités, à commencer par leur durée, particulièrement la première année.

    L'APPROCHE QUALITATIVE DE L'EMPLOI, LA RELATION AUX BRANCHES PROFESSIONNELLES ET L'OFFRE DE FORMATION CONTINUE

    L'offre de formation continue dispensée par chaque délégation régionale répond à une logique de territoire (prise en compte des paramètres locaux) et à une logique professionnelle commune à l'ensemble du territoire.

    Pour ce deuxième point, des pôles de compétences ont été installés pour faire converger l'offre de service du CNFPT et les besoins réels des différentes branches professionnelles.

    Chaque pôle spécialisé sur un secteur professionnel (lecture publique pour la délégation Champagne-Ardenne) détermine quelles évolutions de l'offre de formation sont les mieux à même de répondre à la transformation des métiers issus des mutations internes et externes.

    Il s'agit donc de positionner l'appareil de formation sur les bons rails et de contribuer à ce que les professionnels relèvent les défis de demain. Au-delà de l'adaptation aux emplois, il s'agit bien de créer dans l'offre des espaces d'anticipation, voire de prospective.

    Le système repose sur une synergie entre le CNFPT et le milieu professionnel qui est le mieux placé pour décrire les emplois et leur contexte d'exercice, l'environnement et ses mouvances. Cette relation avec le monde professionnel mais aussi avec les élus concernés, permet aux pôles de disposer d'une vision panoramique du secteur et d'émettre des orientations qui seront validées par les instances et diffusées à l'ensemble du réseau. La démarche est identique pour tous les pôles et coordonnée au niveau national.

    Actuellement pour les bibliothèques, il s'agit :

    • S d'identifier clairement les dimensions sociales, éducatives, culturelles, techniques et managériales des bibliothécaires et directeurs de bibliothèque ;
    • H de cerner les éléments d'environnements sociaux, institutionnels et technologiques, de les qualifier aujourd'hui et d'évaluer leur valeur prédictive pour demain.

    Parallèlement, des entretiens sont conduits auprès d'un échantillon significatif qui permettra de repérer les activités constantes ou plus singulières sur le territoire et d'identifier les compétences mobilisées pour l'emploi source et les emplois plus spécialisés.

    Ces données issues du contexte des emplois, des activités et des compétences situées dans leur dynamique d'évolution constitueront les fondements de cycles de formation professionnelle tels que le cycle directeur de bibliothèque et de centre documentaire programmé pour fin 2002.

    Le pôle examinera également les points de convergence avec certains métiers comportant des zones de recouvrement comme ceux de la documentation

    Enfin et en réponse à l'atomisation parfois citée dans le paysage de la formation des bibliothèques et centres documentaires, des stratégies d'alliance avec des partenaires institutionnels tels que l'ENSSIB et les centres régionaux de formation aux métiers du livre sont clairement recherchées. L'ENSSIB est associé aux travaux du pôle et quelques exemples de coopération efficace avec les centres de formation aux métiers du livre (Pays de Loire et Bretagne notamment) témoignent des capacités des uns et des autres à élargir le service rendu en mutualisant les ressources. Avec les agences de coopération ou le milieu associatif, les conventions entre délégations régionales et ABF pour les formations de base sont d'ores et déjà très courantes.

    Il convient cependant de bien définir ce que nous entendons par alliance. Une alliance entre deux partenaires est nécessairement équilibrée, chacun conserve son identité propre mais les deux parties ont intérêt à agir en commun (en l'occurrence l'amélioration quantitative et qualitative des prestations servies aux agents et aux collectivités). Sur la base d'un périmètre défini pour l'alliance, chacun apporte à l'autre ses domaines d'excellence. Un déséquilibre au plan identitaire, financier ou sur tout autre registre, ne permet pas l'inscription dans la durée.

    Des pistes pour l'avenir

    Parmi les pistes pressenties aujourd'hui pour les bibliothécaires :

    • H favoriser l'ouverture et le dialogue avec les autorités et les usagers ;
    • B développer les connaissances de l'environnement des bibliothèques ;
    • III clarifier les orientations et construire des systèmes d'évaluation ;
    • H recentrer les ressources vives sur le tandem développement des collections et médiation avec le public ;
    • III rationaliser les opérations de description et de traitement des documents ;
    • III intégrer les ressources numériques : certains retards observés d'une part, les enjeux économiques et financiers des éditeurs d'autre part, nécessitent une particulière vigilance ;
    • à s'inscrire dans des logiques de réseaux documentaires sur un territoire ;
    • III développer les ouvertures entre les bibliothécaires et documentalistes et entre les bibliothèques d'État et territoriales.