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    Un magasinier au SCD Montesquieu Bordeaux IV

    Par Gérard Briand
    Par Pierre Chalve

    Interview réalisée par Gérard Briand et Pierre Chalve

    José Trullen, 47 ans, marié, 3 enfants.

    Comment vous est venue l'idée de rentrer dans cette profession ?

    Au départ, on peut dire que je suis un obsédé textuel, car dès ma plus tendre enfance, j'ai été attiré par la lecture d'ouvrages plutôt difficiles. C'est en quelque sorte un héritage paternel - famille d'émigrés, besoin de se trouver une culture.

    Quelles études avez-vous suivies ? J'ai raté l'entrée au lycée technique de Blanquefort, c'était en 1968 et j'ai fait un apprentissage chez un radio électricien, j'y suis resté deux ans et demi, et à la suite d'un accident, comme je me suis aperçu que je n'étais pas déclaré, je suis alors rentré dans un chais à vin. J'ai fait mon service, je me suis marié, je me suis inscrit à un apprentissage sur la soudure où j'ai travaillé trois ans. Suite au conseil d'une amie de ma femme, je me suis inscrit au concours de magasinier, je l'ai préparé par correspondance, c'était encore à l'époque des concours régionaux et je l'ai obtenu en novembre 1981.

    Quelle opinion avez-vous des concours ?

    J'étais et je suis toujours très favorable aux recrutements régionaux : c'est vrai qu'il est toujours embêtant de devoir partir à Paris.

    Comment percevez-vous l'évolution du métier ?

    Je vois surtout un changement au niveau de l'outil de travail : c'est vrai que l'informatisation est un outil formidable, mais en contrepartie, cet outil nous dépasse souvent. La mentalité des usagers aussi a évolué. Les étudiants en particulier sont moins proches d'une notion que j'appellerais respect mutuel. Ça n'a rien à voir avec leurs origines sociales, mais on a un peu l'impression qu'ils se sentent perdus et que la débrouillardise nuit aux bonnes relations.

    Il faudrait avoir les moyens et le temps de former les lecteurs à l'utilisation des bibliothèques et ça, c'est vraiment un choix politique. Comme les causes ne sont pas prises en compte, on ne soigne que les conséquences.

    Finalement, vous avez plutôt une conception hiérarchisée de la société ?

    Il faudrait donner les moyens à tous, mais comme disait Orwell : « il y en a de plus égaux que d'autres », en fait la sélection se fait par rapport au milieu.

    Et les relations de travail ?

    Là, justement, la hiérarchie est un obstacle au quotidien. Si tu veux, ça te gêne pas si on se tutoie ?

    Non, vas-y!

    Il y a trop de différences entre les catégories A et les catégories C, même si je sais qu'il faut une organisation. Je crois que les C ont pas mal d'idées pratiques, que ce sont eux qui connaissent le mieux le public et ils sont trop peu écoutés. Or c'est la base d'une bonne relation de travail qu'une écoute de qualité.

    Et les statuts ?

    Ils ne correspondent plus très bien à la réalité du travail et à l'évolution des tâches. Le magasinier devient trop souvent l'homme à tout faire. En fait, on fait beaucoup d'accueil, beaucoup de renseignements, ce que l'on oublie trop souvent pour nous cantonner à être ceux qui rangent les bouquins sur les rayons. Il ne faudrait pas qu'on se laisse démotiver. fei