« Syndicalisme révolutionnaire » : qu'entend-on sous ce double vocable? Dans son introduction, M. Dubief pose le problème : une idéologie qui ne fut pour bien des militants que l'accessoire - mais surtout une pratique : « Le syndicalisme révolutionnaire est un ensemble de méthodes, de manières d'être et d'agir qui caractérisent le mouvement ouvrier français dans la période 1895-1914, et dans la mesure où il existe une doctrine à laquelle on donne ce nom, elle apparaît à posteriori et comme plaquée sur l'action ».
Les termes d'anarchisme révolutionnaire, l'auteur les préfère à l'expression « anarcho-syndicalisme », équivoque et employée d'une façon polémique, subjective - aussi bien par les anarchistes que par leurs adversaires socialistes ou bourgeois. En fait pourquoi ces termes? Nous touchons là à l'originalité propre du mouvement ouvrier français et c'est toute son histoire que l'on est amené à retracer en essayant de voir pour quelles raisons «une poignée d'anarchistes s'est (au moins en apparence) emparée de sa direction ».
Cette histoire, M. Dubief la retrace dans toute sa complexité avec la compétence du spécialiste qui connaît à fond son sujet et domine son érudition par une pensée synthétique qu'il sait exprimer en une prose remarquablement claire et précise ; et ce n'est pas le moindre mérite de ce travail que de pouvoir être lu par tout le monde. Chacun y trouve son bien, l'étudiant, le curieux en quête de détails précis tout comme celui qui recherche une vue globale d'un problème qu'il ne connaît pas.
Une longue introduction de 59 pages précède, comme le veut la collection, un choix de textes significatifs (250 pages) accompagnés d'explications qui nous permettent de mieux les situer. Une chronologie qui va du premier congrès ouvrier à Paris (2-10 octobre 1876) à la publication en 1919 par Georges Sorel, des « Matériaux d'une théorie du prolétariat » précède deux ultimes chapitres consacrés, l'un aux notices biographiques des principaux syndicalistes, l'autre à la bibliographie de base du sujet.
Ce volume fait honneur à la collection « U », tant par le choix des textes qui illustrent un sujet souvent mal connu, que par le commentaire historique et critique qui l'accompagne.