Nos Congrès peuvent avoir deux buts, soit discuter d'un problème et prendre position sur un sujet professionnel particulièrement brûlant, soit nous perfectionner et nous informer des nouveautés pouvant intéresser et améliorer notre travail. Les Congrès 1975 et 1976 étaient de la première catégorie. Le Congrès 1977 est de la deuxième.
Pourquoi avoir choisi le thème « Organisation et méthodes » ?
Comme l'informatique, les techniques de gestion sont des sujets nouveaux, mal connus, mal interprétés, mal employés dont il paraît urgent d'être informé.
En effet, ces méthodes sont utilisées un peu partout dans l'industrie ou l'administration. Pourquoi pas dans les bibliothèques ? C'est vrai que les entreprises sont exposées tous les jours au risque d'une mauvaise gestion ! Un coup d'oeil à l'étranger montre que ces méthodes sont déjà largement employées dans les bibliothèques anglaises, américaines, allemandes. Deux instituts, à l'Université de Loughborough, à celle de Cambridge en Angleterre, sont consacrés à l'organisation des bibliothèques.
Au Congrès de la FIAB en 1974 deux conférences nous apprenaient que la Bibliothèque universitaire de Columbia (à New York) avait été soumise à une analyse détaillée par une Société de conseil en gestion et qu'une nouvelle participation du personnel était en cours à l'Université de Californie.
La Ligue Européenne des Bibliothèques de recherche (LIBER) a organisé en septembre 1975 et en mai 1977 deux Séminaires sur la gestion des bibliothèques. L'Association internationale des bibliothèques universitaires de technologie (IATUL) organise du 16 au 20 mai 1977 à Louvain une Conférence sur le même sujet. La Bibliothèque du Congrès a consacré deux ans à ré-analyser ses objectifs, ses moyens et son organigramme.
Un tel développement, même si l'on est sceptique ou hostile, mérite au moins qu'on s'y attarde un peu. Et pourquoi rien en France ? Ne travaillons-nous pas comme des aveugles sans comprendre et analyser ce que nous faisons ? Ne sommes-nous pas trop routiniers, vivant au jour le jour en expédiant les affaires courantes ?
Tout organisme, même une bibliothèque, ne doit-il pas être planifié ? Ne doit-il pas se fixer des objectifs, des missions en fonction du contexte dans lequel il vit, puis s'organiser, c'est-à-dire répartir ses ressources (locaux, personnel, crédits) pour obtenir le meilleur résultat ?
Il est vrai qu'apparaît ici la notion de rentabilité, d'efficacité, qui permet à tout organisme de servir au mieux les objectifs pour lesquels il a été créé.
la manière la plus efficace, c'est-à-dire la plus propre à atteindre les buts qui nous sont fixés ? Avons-nous une idée précise de ces buts et de la finalité de nos bibliothèques ? Nos objectifs ont-ils été établis sérieusement, scientifiquement, en fonction des conditions locales ? Sommes-nous organisés pour répondre au moindre coût à ces objectifs ? Toutes ces questions sont à la base de l'organisation. Son but est de nous ouvrir les yeux sur notre travail, d'en comprendre le mécanisme.
Savoir c'est pouvoir - or savoir c'est analyser, mesurer, c'est connaître les objectifs et les moyens les mieux adaptés pour les atteindre.
Un exemple : le Bureau de la coopération de la DICA a réalisé une étude sur le prêt interbibliothèque avec enquête et statistiques dont je souhaite qu'elle soit publiée. C'est de la gestion puisque cette étude « révèle », au sens photographique du terme, des éléments inconnus ou simplement supposés, comme par exemple le fait que la moitié du prêt inter porte sur la médecine. Ces chiffres, ces statistiques permettent de prendre des décisions justifiées et par là efficaces.
Autre exemple : l'automatisation.
La grande question au centre du débat pour un responsable est en effet de faire le bon choix. Bon choix veut dire le choix qui réussira, qui apportera un développement et un meilleur fonctionnement de l'entreprise, qui, après plusieurs années, est encore justifié. La plupart du temps ce choix est affaire d'intuition, l'appuyer sur des données chiffrées, sur des analyses statistiques est quand même plus sérieux. C'est le but du « management »
Nous sommes tous confrontés dans notre métier comme dans notre vie privée à des choix, nous sommes donc tous concernés par ces techniques qui permettent de justifier ces choix et de prendre les décisions en toute connaissance de cause.
« Les principes de l'organisation sont fondés sur l'idée que les problèmes d'organisation exprimés en termes de données numériques remplacent les décisions purement intuitives ». Voici une définition proposée par M. Schofield : techniques pour rassembler toutes les données disponibles sur un sujet afin d'aider le responsable à prendre la décision juste.
Je voudrais ici lever une première objection : toute décision est politique, ce que vous proposez est la technocratie donc l'irresponsabilité.
Il est certain que toute décision sur l'objectif est politique, que le responsable doit savoir ce qu'il veut faire de son établissement et quel but il lui assigne. Mais même une telle décision doit s'appuyer sur des données chiffrées (population, situation géographique...). Les chiffres n'apportent pas la réponse automatique, ils offrent plusieurs choix, le politique choisit. Mais une fois l'objectif fixé, les moyens pour l'atteindre sont fonction aussi de données chiffrées qui souvent rendent leur choix évident. (exemple du prêt inter : médecine). Donc vous voyez bien que la liberté de choix du responsable reste entière et que la politique l'emporte ; mais, si elle ne s'appuit pas sur des données chiffrées, elle est dangereuse, et par contre, la gestion sans choix politique n'est que technocratie. Les deux sont donc complémentaires.
Le mot « management » vient évidemment des pays anglophones, il est traduit en français par direction, organisation, gestion, mais la connotation de ces mots est différente. Les termes français évoquent la directive administrative, le terme anglais, l'initiative et l'efficacité. La finalité de l'organisation est à la fois une amélioration du service aux utilisateurs et celle de la satisfaction du personnel.
Les moyens sont très vastes mais presque tous basés sur des analyses chiffrées, des statistiques qui permettent de décrire objectivement certains phénomènes.
Ce problème est préoccupant, j'en veux pour preuve l'article de M. Razanajao dans la dernière Note d'Information. MM. Algoud et Bugat vont nous expliquer plus en détail ce matin ce qu'est l'organisation et quelles en sont les techniques. Et ce soir nous essaierons de voir par quelques exemples concrets, comment ces techniques peuvent s'appliquer aux bibliothèques.
Mais auparavant je voudrais défricher le terrain devant eux et clarifier certains points.
De plus, nous n'avons que deux attitudes possibles devant cette pénurie : ou la refuser et fermer nos établissements en criant bien fort qu'ils ne peuvent fonctionner avec les moyens alloués, ou l'accepter et essayer d'en tirer le meilleur parti, donc organiser.
C'est vrai, il faut le reconnaître, nous sommes forcés d'adapter nos fins à nos moyens (et non l'inverse) et plus ceux-ci se réduisent plus se réduisent nos ambitions, et trop honnêtes pour fermer boutique nous acceptons de les laisser survivre dans des conditions inacceptables.
Discuter de gestion n'est pas accepter d'office cette situation et encore moins la justifier. Les techniques d'organisation et méthodes nous permettent seulement de mieux nous en sortir. Par ailleurs, il faut maintenir notre prestation. Mais il y a d'autres lieux et d'autres instances pour cela.
Organisation du travail et satisfaction du travail sont complémentaires et non contradictoires. Encore une fausse querelle qu'il nous faut éviter.