Index des revues

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    Par Hugues Van Bésien
    Françoise Chapron

    Les CDL des lycées et collèges

    Paris, PUF, 1999.237 p. - bibliogr. [Éducation et formation). ISBN 2-13-049833-7. -158

    Ouvrage de synthèse sur les centres de documentation et d'information (CDI) des établissements d'enseignement secondaire présentant un historique des CDI, l'analyse de leurs missions et un état des iieux, suivi d'une réflexion sur leur avenir.

    Depuis les origines dans les années 1950, les bibliothèques des lycées et collèges s'inscrivent dans des mouvements de renouveau pédagogique qu'il s'agit de servir et même de provoquer grâce à la bibliothèque. Ils en subissent aussi les limites. Il faudra près de vingt ans - entre le plan Fontanet de 1973, la circulaire sur les missions de 1986 et la création d'un corps professionnel unique sur la base du CAPES de documentation avec une formation de deux ans dans les nouveaux IUFM en 1990 - pour que l'institution soit généralisée et relativement unifiée dans ses principes, en conciliant des missions autrefois exercées par des personnels et des unités documentaires différentes, non sans tensions.

    Il y a aujourd'hui 9 000 professeurs de documentation en poste, et l'utilisation des CDI pour recycler les enseignants inadaptés appartient au passé. On remarquera aussi que l'Education nationale ne dispose toujours pas d'un outil d'évaluation régulier de ses unités documentaires et procède par des enquêtes nationales ponctuelles (la dernière date de 1994) ou par des collectes de données non cohérentes d'une académie à l'autre, ce qui ne facilite pas la connaissance de l'état et du fonctionnement réel des CDI. Le taux d'équipement (CDI avec poste de documentaliste) dépasserait quand même les 90 %, mais la « norme s d'un documentaliste par tranche de 400 élèves serait loin d'être atteinte.

    Par ailleurs, la question des « personnels d'appoint technique » (secrétariat, traitement matériel des fonds, gestion des matériels, s, reprographie...] reste entière : ni les fonctions, ni les statuts, ni les besoins ne sont définis, et ces tâches reposent pour l'essentiel sur des personnels précaires [CES, emplois-jeunes etc.), alors que les documentalistes s'accordent pour penser que les CDI ne fonctionneraient pas sans leur présence.

    Les chiffres dont on dispose font apparaître que le CDI moyen dispose de 100 m2dans les petits établissements, du double dans les gros, soit de 30 à 60 places assises, toujours très au-dessous des normes, fixées à une capacité d'accueil de 10 à 15 o/o de l'effectif scolaire. Le taux d'informatisation et le niveau des moyens d'acquisition (qui proviennent des collectivités territoriales et parfois de la taxe d'apprentissage) ne sont pas connus. Selon les cas, le CDI gère la totalité des crédits documentaires de l'établissement ou voit une partie de ceux-ci lui échapper au profit des « cabinets » ou de certains enseignants de disciplines.

    L'histoire des CDI dans leurs avatars successifs a toujours été marquée par la coexistence difficile d'une mission d'appoint pédagogique aux enseignants et d'une mission de service direct aux élèves, comme lieu de travail individuel ; leur positionnement entre ces deux pôles reste très variable, un basculement dans le rôle de bibliothèque des élèves et, partant, un relâchement quasi total des relations avec les enseignants sont parfois observés.

    Dans le cas idéal, les professeurs vérifient l'existence de moyens documentaires adaptés avant d'y envoyer leurs élèves sur des objectifs communiqués au documentaliste, accompagnent parfois les élèves (plutôt en collège ou en lycée professionnel) ou élaborent avec le CDI un projet pédagogique. L'intérêt des enseignants semble très variable selon les disciplines ; il est moindre dans les disciplines scientifiques et technologiques.

    La connaissance des missions des documentalistes par les enseignants est faible, et les modes d'enseignement traditionnels comme la formation des enseignants (en particulier à l'informatique et aux nouvelles technologies) sont autant d'obstacles, sauf pour les recrues récentes formées ensemble dans les IUFM.

    Du côté des élèves, on observerait des taux de fréquentation allant localement jusqu'à 70 o/o. Les obstacles à la fréquentation résideraient - au-delà de l'attitude des enseignants, très déterminante - dans l'organisation du temps scolaire (accès limité à la pause de midi dans les zones de ramassage scolaire) et dans son volume excessif, dans la limitation du nombre de places et des horaires d'ouverture. Les ouvertures au delà des horaires de cours restent exceptionnelles [12 o/o des CDI en Rhône-Alpes).

    Dans la plupart des petits collèges, les CDI ne sont accessibles que sur quatre jours, le temps de présence des documentalistes étant de 30 heures hebdomadaires. Face aux élèves, la fonction remplie est double : lieu de travail et aussi de lecture, analogue alors une bibliothèque de lecture publique, pour la presse, et aussi à partir de fonds jeunesse, auquel il faut ajouter un rôle non souhaité au départ par l'institution, celui d'un lieu de pause détente. La fréquentation diminue avec l'âge parce que les actions d'initiation ont lieu essentiellement en sixième et cinquième, parce que les emplois du temps s'alourdissent avec les années, et parce que d'une manière générale les pratiques de lecture des élèves diminuent avec l'âge.

    De tous les professeurs, le documentaliste est celui qui dépend le plus directement du chef d'établissement, dont il obtient ses moyens, et de fait une grande partie de la définition de ses missions, ce qui donne lieu à des dérives bien connues (utiliser le CDI pour réguler les flux d'élèves en cas d'absence de professeurs, de saturation des permanences ou même à des fins disciplinaires pour les élèves exclus des cours), au détriment du contenu de l'action des CDI et de leur temps de service interne.

    La connaissance du rôle du CDI par les responsables d'établissement n'est pas meilleure que celle des professeurs. Collèges et établissements en ZEP seraient plutôt en pointe sur le respect des missions du CDI (et sur leur développement), contrairement aux lycées. La définition de ces missions par des circulaires successives atteint d'ailleurs les limites de l'incohérence. L'ensemble de cette situation aboutit à de nombreux clivages entre documentalistes dans la définition et dans l'habitus professionnel.

    En théorie et selon les textes officiels, le CDI est chargé de collecter et d'organiser un fonds multisup-port au service de trois fonctions : culturelle (comparable à celle des bibliothèques), informative (déclinable en trois aspects : administrative, pédagogique, pratique dans le cadre de la « vie scolaire »), pédagogique (support d'enseignement pour un usage collectif ou individuel). Il est aussi un centre de ressources pour une politique documentaire collective de l'établissement, dont le documentaliste n'est pas le seul acteur : la concertation avec les enseignants est de règle, sur les objectifs et aussi pour disposer de leur expertise disciplinaire, particulièrement en sciences et technologie.

    Les acquisitions font donc appel à la fois à l'édition générale, à l'édition spécialisée, aux productions propres à l'Éducation nationale et aux matériels d'information de toutes sortes d'institutions culturelles, économiques et sociales de l'environnement. Le CDI est également chargé de diffuser cette information. Il est enfin un lieu d'apprentissage pour les élèves - c'est la fonction d'appoint pédagogique évoquée plus haut - et il a aussi une fonction d'apprentissage méthodologique spécifique, notamment pour les techniques de recherche documentaire qui donnent lieu à des cycles d'initiation.

    D'une manière moins définie, il fonctionne également comme une bibliothèque de lecture publique, y compris dans des actions de développement de la lecture. Les documentalistes conscients et organisés ont récemment ajouté à ces missions canoniques un rôle d'« initiation à la société de l'information », de vulgarisation des nouvelles technologies. Qui trop embrasse...

    Certes, la notion de projet d'établissement permet de sélectionner et de hiérarchiser dans ces missions en fonction de données locales, mais l'auteur appelle de ses voeux une clarification des missions du service et du documentaliste car la dispersion et les paradoxes lui semblent atteindre un degré insoutenable.

    Il existe chez les documentalistes une aspiration frustrée à rejoindre e modèle enseignant dominant, qui semble encore le seul crédible et considéré (avoir une agrégation, une inspection spécifique, des heures supplémentaires, un programme, un pouvoir de notation). Mais, en même temps, leur situation paradoxale, dans la mesure où ils sont les seuls professeurs à ne pas transmettre à des classes, selon un découpage hebdomadaire fixé en heures, un programme officiel défini dans une discipline savante, fait potentiellement d'eux les acteurs du fameux renouveau pédagogique qui privilégierait le travail collectif et transversal, le développement des compétences des élèves plutôt que l'ingurgitation de contenus dans le cadre du cours magistral. En attendant, leur situation les met en marge du système.

    L'auteur insiste sur la nécessité d'une évolution dans ce sens de l'ensemble des enseignants. Il propose de recentrer la mission des documentalistes sur la formation des élèves et d'inclure le CDI dans les pratiques pédagogiques de tous les professeurs.