SINGULIER service que le service public de lecture publique en France, assuré notamment par les bibliothèques municipales et centrales de prêt ! Il s'agit en effet, dans la France de 1983, de l'un des rares services publics GRATUITS.
Cette singularité se remarque d'autant plus que l'apparition de nouveaux supports et l'usage de l'informatique conduisent à se poser deux questions : l'une de nature politique : la mise en oeuvre de ces nouveautés va-t-elle démocratiser ou au moins améliorer l'utilisation de la bibliothèque publique ? l'autre budgétaire : quels seront les coûts, tant pour l'institution que pour ses usagers ?
S'agissant de la téléconsultation des banques de données, on voit clairement qu'en 1982, cette activité, vieille de dix ans désormais en France, intéresse jusque-là exclusivement les bibliothèques d'étude et les centres de documentation spécialisés. Force est en effet de constater qu'aucune bibliothèque municipale ne s'est jetée à l'eau (1) . Les raisons de ces hésitations sont multiples, même si les questions financières ont une part prépondérante. Cet état de fait conduit à s'interroger sur un sujet délicat: faut-il faire payer l'usager ? Et, si oui, que faut-il lui faire payer ?
Il y a trois postes à prendre en compte:
Cette rémunération tient compte de deux éléments : le temps de traitement de la question - par exemple: collecte; préparation (2) ; traitement; édition; évaluation - et la qualification du bibliothécaire (80 F par heure pour un conservateur d'ancienneté moyenne).
Pour le dernier trimestre 1982, à la B.P.I., les coûts techniques objectivement évaluables (réseau, consultation des banques, édition des références) se montaient à 94 F T.T.C. par question.
a) Certaines données emmagasinées par les banques de données sont pratiquement inaccessibles par d'autres voies. Ainsi, des trois banques ISIS (bibliographie produite par le Centre de documentation économique de la C.C.I.P.), AGORA (dépêches générales de l'Agence France-Presse), DEFOTEL (Cote Défossés: informations financières et boursières sur lès entreprises). On peut également citer les arrêts de jurisprudence inédits mémorisés par les banques juridiques.
b) Les téléconsultations offrent de multiples clés d'accès à l'information. En outre, la télématique permet de croiser les clés d'accès issues de différents lexiques (ou index) avec, en principe, une grande flexibilité.
c) Enfin, le recours aux banques de données permet des gains de temps appréciables.
Lieu ouvert par définition à tous les publics, moyennant un minimum de formalités, la bibliothèque publique se prête difficilement à la nécessaire sélection des demandes. On affronte en effet de nombreux écueils: pour un service assez onéreux, le libéralisme total est inconcevable; donc, sur quels critères opérer la sélection ? En fonction de la motivation (raisons professionnelles, recherche d'un emploi, connaissance de ses droits...) ? En fonction de la qualité du demandeur (lycéen, étudiant, P. e. 1. P. M. E., chômeur...) ?
Pour les bibliothèques publiques, il y a relativement peu d'études qui portent sur une assez longue durée (par exemple, les trois années qui ont suivi la gratuité). A l'évidence, il y a baisse sensible la première année de mise en oeuvre du paiement - souvent plus de 50 % - mais il ne s'agit pas d'une règle absolue. Dans le projet DIALIB (Californie, 1974-1976), on observe une baisse de 56 % par rapport à l'année de gratuité lors de la deuxième année de paiement.
Pour les bibliothèques universitaires anglaises, les résultats d'une enquête détaillée conduite en 1981 ont été publiés. Il ressort de ces données chiffrées que, dans un contexte de public homogène (enseignants et étudiants postgraduates), le fait de refacturer les interrogations n'a pas d'incidence en soi sur la demande. Toutefois, le montant de la participation financière demandée influence directement le volume des demandes (4) .
Avant de créer un service de téléconsultation dans une bibliothèque publique, il importe de bien vérifier que cela apportera un meilleur service aux usagers. Donc, il est nécessaire de conduire une étude préalable des pratiques et des demandes des lecteurs; sinon, on risque, soit de créer une structure inadaptée, soit de mettre sur pied un service qui singera celui des bibliothèques universitaires. Il paraît en définitive souhaitable de demander une participation financière aux usagers au moins pour deux raisons : afin d'écarter les demandes farfelues ou insuffisamment motivées, et, par ailleurs, afin de remédier à la difficulté de sélectionner les demandes à bon escient, surtout si celles-ci s'expriment massivement. Il reste que la facturation à l'usager devra suivre certains principes :
En dernière analyse, le problème de la refacturation partielle à l'usager du coût des téléconsultations renvoie à la conception que l'on se fait du service télématique dans une bibliothèque publique. Service réellement complémentaire qui apporte aux usagers quelque chose en plus ou en mieux, ou service plus justifié, plus gratifiant finalement pour le bibliothécaire que pour l'usager. Reste que le développement de tels services dans les bibliothèques publiques demeure conditionné par l'offre d'informations adaptées aux attentes d'un large public (que ce soit en matière de presse ou de sciences humaines et sociales en général).
KEENAN (Stella), MOORE (Nick) et OULTON (Anthony): On-line information services in public libraries, dans Journal of Librarianship, 13 (janvier 1981), pp. 9-24.
a TEED (Lucy A.): Experimental of on-line search services by five english public libraries, publié dans les comptes rendus du 6eOn-line Meeting (Londres, 7-9 décembre 1982), pp. 463-473.
e WALDHART (Thomas J.) et BELLARDO (Trudi): The fees in publicly funded libraries, dans Advances in Librarianship, vol. 9 (1979), pp. 31-61.