Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Un service I.S.T. payant

    La documentation au C.E.A.

    Par Jean IUNG

    EN 1970, une nouvelle structure et un nouveau système de gestion budgétaire ont été mis en place au Commissariat à l'Energie Atomique, établissement de caractère scientifique, technique et commercial. Le C.E.A. est devenu le Groupe C.E.A., constitué par l'établissement public proprement dit et des sociétés de droit privé dont il détient tout ou partie du capital. Le nouveau système de gestion a été conçu pour l'ensemble des unités dépendant de l'établissement public, et le Service de documentation a dû appliquer également les nouvelles règles et adapter ses méthodes de travail en conséquence.

    Il n'est pas possible de décrire ici le système de gestion dans toute sa complexité. Dans ce qui suit, on donne simplement les grandes lignes directrices du système et on expose de manière un peu plus détaillée l'usage qui a été fait du nouvel outil dans le cadre des activités documentaires.

    Schématiquement, le système est fondé sur les principes suivants :

    • 1) La priorité absolue est donnée aux missions: le budget du C.E.A. est donc affecté uniquement aux unités opérationnelles auxquelles sont confiées ces missions (recherche, développement et mise au point, production...) ; par conséquent, les unités de support (administration, ateliers centraux, intendance, informatique, documentation...) ne reçoivent aucun argent de la Direction du C.E.A.
    • 2) Les unités sont responsables de la gestion de leur budget (autonomie de gestion).
    • 3) Les relations des unités entre elles et des unités avec l'extérieur sont commerciales, c'est-à-dire que toute action d'une unité au profit d'une autre ou au profit de l'extérieur se traduit par une facturation, interne ou externe.
    • 4) Des mesures de sauvegarde maintiennent la cohésion de l'ensemble du système.

    En ce qui concerne la documentation, unité de support, le nouveau système implique que les ressources du service sont constituées par les recettes correspondant aux travaux effectués pour les unités ou pour l'extérieur.

    Le premier travail qui a été effectué par les gestionnaires du Service de documentation a donc consisté à faire l'inventaire dé tous les travaux facturables effectués au profit des unités et éventuellement de l'extérieur : services de bibliothèque (consultations, prêts, copies, acquisitions au profit des unités) ; adhésions aux sociétés savantes ; commandes de tirés à part ; annonces des congrès scientifiques ; location de la salle de conférence; traduction et interprétariat; services bibliographiques (diffusion sélective de l'information, recherche rétrospective automatique, bulletin signalétique); services d'édition (dactylographie, saisie de données, dessin, photographie, reprographie, imprimerie); audio-visuel; propriété industrielle; renseignements techniques et veille technologique.

    La seconde tâche a consisté à définir l'unité d'oeuvre facturable pour chaque prestation (mot traduit pour les traductions, minute d'interrogation pour les recherches rétrospectives, etc.), de faire une estimation du nombre d'unités d'oeuvre probables annuellement pour chaque type de prestation et enfin de calculer le prix de revient réel de chaque unité d'oeuvre, en utilisant les méthodes de la comptabilité analytique et l'outil de télégestion mis au point pour le nouveau système budgétaire.

    Pour les prestations internes, une application brutale de règles purement commerciales à l'intérieur de l'entreprise aurait conduit à remettre en cause l'existence d'un grand nombre d'unités de support et à l'éclatement pur et simple du C.E.A., chaque unité opérationnelle devenant un organisme indépendant et développant ses propres services de support (documentation, informatique, intendance, etc.). Ce n'était évidemment pas le but visé par la réforme et un certain nombre de mesures de sauvegarde ont été prises en vue de maintenir l'intégrité de l'établissement. Ces mesures ont pris la forme de circulaires d'application introduisant un certain nombre de contraintes dans le système de gestion.

    En ce qui concerne la documentation, les mesures d'application suivantes ont été prises : les dépenses ont été réparties, suivant les activités, en deux catégories, à savoir un budget de fonctionnement, correspondant à des activités d'intérêt général, et un budget de prestations, correspondant à des activités ponctuelles ; les dépenses de fonctionnement, main-d'oeuvre et hors main-d'oeuvre, et les dépenses de prestation main-d'oeuvre sont «imposées» chaque année aux unités, suivant une formule dite d'« abonnement»; par contre, les dépenses de prestations hors main-d'oeuvre sont couvertes par les facturations correspondant aux travaux unitaires effectués. L'abonnement de fonctionnement est calculé suivant une clé qui est en principe le nombre de cadres scientifiques présents dans l'unité. L'abonnement de prestations (main-d'oeuvre) est directement proportionnel aux budgets de prestations hors main-d'oeuvre de l'année précédente. Cette méthode permet en fait d'assurer à la documentation, au début de chaque année, un fonds de roulement, les sommes versées étant proportionnelles, pour les unités, aux activités du Service de documentation à leur profit l'année précédente. En effet, la plupart des activités ont été classées dans la rubrique des prestations (une exception importante, les activités de consultations et de prêts de la bibliothèque, et donc les budgets d'acquisition des périodiques et des ouvrages).

    Cette mécanique ayant été mise en place, un barème de prix, ignorant donc les dépenses de main-d'oeuvre, a donc été établi pour les prestations internes.

    En ce qui concerne les prestations pour l'extérieur, une politique très prudente a été suivie. En effet, elles doivent s'exercer dans le cadre de la législation existante, qui n'est pas toujours claire, d'une économie de marché quasi inexistante dans le domaine de la documentation et d'une structure de facturation interne qui nous contraint à ne jamais léser notre clientèle interne, qui reste notre principale source de revenus. Lorsque les prestations sont possibles, les barèmes de prix sont établis et les prestations donnent lieu aux méthodes de facturation habituelles.

    Le nouveau système de gestion est appliqué par le Service de documentation depuis 1971 et il est maintenant bien rodé. On a pu constater, en particulier pendant les années 70 qui ont été assez difficiles pour le C.E.A. sur le plan budgétaire, que le système présentait les avantages suivants :

    • 1) L'autonomie de gestion et la diversité des sources de financement, compte tenu des nombreuses activités du Service, ont constamment permis de faire évoluer les activités afin de maintenir l'équilibre du budget et la bonne répartition des crédits sur les différents postes : main-d'oeuvre, locaux, acquisitions, fournitures, matériel.
    • 2) Les nouvelles relations clients-fournisseurs établies entre le Service de documentation et ses utilisateurs ont permis à ces derniers d'exercer des pressions qui ont conduit le Service à développer les activités répondant le mieux à leurs besoins.
    • 3) La gestion du Service à la manière d'un établissement privé a conduit les responsables àattacher beaucoup plus d'importance aux études de coût-efficacité et donc de « rentabilité ».

    Quant aux inconvénients, ils sont directement liés, d'une part à la lourdeur de l'énorme système de gestion comptable, d'autre part à la situation chaotique de la documentation à l'échelon national, du moins jusqu'à présent.

    DISCUSSION

    M. Thirion constate que le coût de la documentation est à peu près connu. Mais quelle répartition faire entre le service public et l'utilisateur ?

    M. Chauveinc est d'avis que cette fragmentation du budget du C.E.A. alourdit considérablement la gestion. La facturation diversifiée est un poids considérable.

    M. lung reconnaît que la masse budgétaire globale n'est pas augmentée, mais les unités peuvent modifier la répartition des crédits selon la rentabilité. En tout cas, la liberté des acquisitions du Centre de documentation est préservée : il y a des bénéfices sur les photocopies et sur les travaux d'imprimerie, ce qui permet d'acheter des périodiques.

    M. Chauveinc retient l'idée de la séparation entre le fonctionnement et la prestation, et la distinction entre les clients organismes privés et grand public. La Bibliothèque nationale pourrait s'en inspirer. Les investissements abandonnés ne pèsent-ils pas sur les coûts? M. lung répond que les investissements n'entrent pas en compte dans le budget : le C.E.A. n'est pas un organisme privé, mais n'est pas non plus une administration, ce qui lui permet une gestion assouplie.

    En recherche documentaire classique, le devis est forfaitaire, mais le demandeur est prévenu que des questions non classiques peuvent entraîner d'autres frais. Lorsqu'il s'agit d'une question très particulière, un devis peut être établi. M. Depallens précise qu'à Lausanne, on définit pour une question donnée un groupe de bases dont les coûts sont connus ; tant de citations coûteront telle somme. On souhaiterait arriver à plusieurs forfaits, par tranche de 5 minutes d'interrogation, mais le public chercheur y est peu enclin. Un barème est à l'étude.

    Peut-on évaluer la consultation des banques de données d'intérêt général dans les bibliothèques françaises ? M. Faure n'en est pas à ce stade à Miramas; quant à l'utilisation du catalogue informatisé de la bibliothèque, elle restera bien entendu gratuite pour les lecteurs. La B.U. de Nancy envisage l'accès deses lecteurs au vidéotexte, mais le secteur de la lecture publique en France n'est encore pas touché par le phénomène.

    M. Garreta note que le public britannique a de longue date pris l'habitude de consulter à la Public Library non seulement les horaires des chemins de fer, mais aussi les annuaires téléphoniques européens. L'introduction du vidéotexte implique donc un élargissement de la mission des bibliothèques dans l'esprit du public. On observe toutefois que les dispositions sont prises dans les B.U. pour obtenir le remboursement des frais de télé-informatique, les modalités variant selon l'appartenance des lecteurs consultants. Les bibliothèques de lecture publique, accessibles à tout venant par définition, ne peuvent pas utiliser les mêmes critères. Qu'adviendra-t-il si l'accès aux mêmes banques et bases est gratuit dans les B.M., faute de discrimination possible, alors qu'il sera plus ou moins payant en B.U., se demande M. Pierdet ?

    L'instauration de la décentralisation amènera des réponses variables selon le choix des collectivités locales, il n'y a pas de réponse générale à donner car le régime sera, probablement, unique en B.U. et variable dans les B.M. : on sera même amené à distinguer à l'intérieur d'une B.M. entre les lecteurs contribuables de la commune et les autres... Le barème, estime M. Dupuy, sera choisi en fonction de l'environnement documentaire local.