Index des revues

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    Vidéothèque et bibliothèque publique

    Par Jean-Claude Crotet, Bibliothèque du S.A.N. d'EVRY,
    Par Varda Lérin, a.d.a.v.,
    Par Françoise Moreau, Maison du Livre, de l'Image et du Son de Villeurbanne

    De quelques points d'histoire

    La chose d'un autre monde

    En 1978 sous l'égide de la Direction du Livre et de la Lecture, grâce à l'impulsion donnée par la Bibliothèque Publique d'Information du Centre Georges Pompidou, l'audiovisuel a pris place pour la première fois dans les bibliothèques.

    Quatre options ont été définies :

    • la consultation sur place,
    • l'acquisition des droits par la DLL, (la bibliothèque ayant à sa charge le support et les frais de duplication),
    • le choix du film documentaire,
    • le support technique 3/4 pouce U-MATIC..

    En 1985 une centaine de bibliothèques ont mis en place un service de CONSULTATION SUR PLACE à partir d'une sélection d'environ 700 titres (1) . Parallèlement, le début des années 80 a été marqué par l'arrivée du magnétoscope grand public (1/2 pouce, VHS) qui a généré de nouvelles pratiques audiovisuelles et a accentué l'individualisation de ces pratiques. Un nouveau marché est apparu : l'édition vidéographique, axé essentiellement sur des films de fiction à fort potentiel commercial.

    En 1984 une équipe de professionnels de l'audiovisuel, réunis dans une association dénommée "ATELIERS DIFFUSION AUDIOVISUELLE" (a.d.a.v.) proposent au Fonds d'Intervention Culturelle (organisme interministériel disparu en 1985) associé à plusieurs Ministères, dont celui de la Culture, un projet tendant à développer de nouvelles modalités de diffusion audiovisuelle dans les secteurs culturels.

    Les principes de l'association reposent sur trois idées maîtresses :

    • prendre en compte les nouvelles pratiques audiovisuelles, nées des nouvelles technologies grand public, et les faire entrer dans le champ des pratiques culturelles ;
    • générer de nouveaux modèles de diffusion audiovisuelle et un cadre économique indépendant pour des formes de distribution adaptées aux secteurs culturels,
    • - rechercher des équilibres et des interactions entre les productions audiovisuelles émanant du secteur commercial et celles de la production qualifiée d'indépendante, peu ou pas du tout représentée dans les grands circuits commerciaux.

    Avec le Ministère de la Culture, la Direction du Livre et de la Lecture est partie prenante de ce projet - dans la mesure où, de plus en plus nombreux, des bibliothécaires ont perçu l'importance de ce nouveau support audiovisuel "grand public" et désirent mettre en place un service de prêt de documents audiovisuels.

    La DLL demande à l'a.d.a.v. d'étudier les modalités de mise en oeuvre de vidéothèques de prêt et de faire des propositions de programmes adaptés aux bibliothèques publiques respectant trois paramètres : qualité des films, situation juridique des documents, pertinence du prêt par rapport à la consultation sur place.

    Après plusieurs mois d'études menées parallèlement sur le terrain culturel auprès de bibliothèques et de comités d'entreprise, sur le terrain commercial auprès d'éditeurs vidéos et de vidéoclubs et enfin auprès des producteurs indépendants, l'a.d.a.v. est en mesure de proposer, fin 85, à la DLL une première liste indicative d'une cinquantaine de titres.

    L'information est faite par la DLL auprès des 90 vidéothèques de consultation en décembre 1985. Fin janvier 1986, plus de 50 d'entres elles feront connaître leur vif intérêt pour ces propositions. Très vite la demande dépasse les limites des seules vidéothèques de consultation.

    En Février 1986 paraît un premier catalogue proposant 250 titres environ émanant de l'édition commerciale et de la production indépendante. Durant cette première année plus de 30 bibliothèques commencent à constituer des fonds spécifiques pour le prêt aux particuliers. Les deux premières vidéothèques de prêt ouvrent dans le dernier trimestre 1986, Clermont-Ferrand et Grenoble. Plus de 450 organismes culturels, bibliothèques publiques, municipales et départementales, comités d'entreprise, centres culturels, associations, organismes scolaires et éducatifs... travaillent, aujourd'hui, avec l'association. Les bibliothèques publiques (près de 300) sont largement représentées dans ce réseau. Les chiffres donnés par la Direction du Livre pour 1989 montrent que l'activité de prêt est passée de 60 727 en 1988 à 200 027 en 1989 (2) .

    Naissance d'un circuit de distribution

    La règle du jeu

    Les objectifs développés par l'a.d.a.v., entre 1984 et 1985, paraissaient devoir s'appuyer principalement sur la mise en valeur et la diffusion du patrimoine audiovisuel non-commercial, ou plutôt non-cinématographique. Avec l'I.N.A. (3) , partenaire du projet, l'ambition première était de mettre en valeur les archives de la télévision et de faire découvrir les productions indépendantes qui ne trouvaient pas de débouchés dans les secteurs commerciaux traditionnels, cinéma, télévision et éditions vidéographiques.

    Pourtant, très vite, ce principal partenaire, l'I.N.A., a déclaré forfait. Après avoir, en 1984, signé une convention associant plusieurs ministères et l'a.d.a.v. sur le développement d'activités de prêt dans les réseaux culturels, l'I.N.A. a "découvert" en 1985 que l'activité de prêt n'était pas prévue dans les accords qu'il avait signés avec les diverses sociétés d'auteurs, pour la diffusion culturelle des archives de la télévision. La direction de l'I.N.A. a alors estimé que la renégociation de ces accords n'était pas prioritaire. Six ans plus tard, et avec le développement rapide des vidéothèques de prêt, comment ne pas regretter, à côté des films de cinéma qui constituent la plus grande part des propositions que peut faire l'association à ses partenaires, l'absence de la majeure partie de notre patrimoine télévisuel (4) Cette situation paraît d'autant plus aberrante que l'association est à même de proposer dans ses catalogues des documents émanant de patrimoines télévisuels étrangers (Grande-Bretagne, Japon, Belgique, U.S.A., etc).

    Professionnels de l'action culturelle, venant de maisons de la culture, de fédérations de ciné-clubs, et de la production, les initiateurs de l'association avaient vécu d'assez loin l'arrivée des vidéo-clubs et de l'édition vidéographique et pensaient, assez naïvement, que le cinéma, dans tous ses différents courants, était bien représenté dans ces secteurs. En fait, la découverte du monde de la vidéo, et principalement du réseau commercial des vidéo-clubs, a fait évoluer la problématique de diffusion choisie au départ. Les grands courants cinématographiques, les grands classiques, le film d'auteur, le film d'art et essai... étaient loin d'être représentés dans les vidéo-clubs qui fleurissaient à tous les coins de rues. Ils brillaient même, en quelque sorte, par leur absence. En comparaison, l'exploitation cinématographique, pourtant déjà en crise, était un lieu privilégié de diffusion des films de qualité, un "Eldorado" du film d'art et essai et du cinéma d'auteur. En plein "âge d'or" de la vidéo (ou même en pleine "ruée vers l'or"), la diffusion dans les vidéo-clubs était largement dominée par le produit pornographique, les films de karaté, d'horreur et autres japoniaiseries pour enfants. Emergeaient quelques grands succès commerciaux du cinéma américain, et loin derrière, la production française.

    Cependant, force était de constater que, contrairement à la vitrine exhibée par les vidéo-clubs, l'édition vidéographique proposait une grande diversité de films, y compris classiques, et même des documentaires. On était bien sûr loin d'une représentation exhaustive de la production cinématographique, mais on trouvait "Casque d'or", "La bête humaine", "Le Roi et l'oiseau "La Comtesse aux pieds nus", des films d'auteurs "Alice dans les villes", "Au fil du temps", Masculin féminin"..., des documentaires "Le mystère Picasso", "La griffe et la dent", "L'Amérique insolite"... Par contre, comme le constataient avec regret à l'époque les éditeurs, ces programmes ne trouvaient pratiquement aucune diffusion dans les vidéo-clubs.

    Très rapidement il est apparu indispensable d'intégrer l'ensemble des composantes de l'audiovisuel dans la politique de diffusion de l'association, sans distinction d'origine des programmes, fictions, documentaires, cinéma, télévision ou productions autres ; les programmes de qualité, le patrimoine audiovisuel dans son ensemble devaient être mis en valeur et diffusés dans les réseaux culturels.

    Tout au long de ce travail préliminaire se posait également la question de "la situation juridique des documents audiovisuels", telle qu'elle avait été posée dans le cahier des charges avec la DLL. La loi de 1985 (5) arrivant, il était clair que le responsable principal de la décision des stratégies de commercialisation était l'éditeur, tenu par les accords contractuels avec le producteur représentant des ayants droit. Il était donc impératif de définir avec les éditeurs les règles qui allaient s'appliquer à l'activité de prêt (gratuit) de vidéogrammes dans les réseaux culturels - cette nouvelle activité étant appelée conséquemment à s'intégrer dans les stratégies de commercialisation des éditeurs.

    Une des caractéristiques de l'édition vidéographique est sa grande instabilité. Les éditeurs disparaissent, se regroupent, fusionnent, se rachètent en tout ou partie... Les catalogues suivent le même chemin et sont même encore plus mouvants : arrêts de commercialisation intempestifs, transferts de parties de catalogues, arrêts de droits... De même les stratégies commerciales varient chez un même éditeur d'un moment à l'autre et même d'un produit à l'autre. Bien entendu, la distribution commerciale subit les conséquences de cette instabilité et reste très en deçà des besoins et de l'évolution de ce marché.

    Dès 1985, plusieurs évidences se sont imposées. Il fallait une structure, à la vocation clairement définie, développement de la diffusion dans les secteurs culturels, en relation constante et étroite avec l'édition vidéographique. Cette structure devait être à même de négocier avec l'édition les autorisations de prêt pour les réseaux culturels et en complément les droits particuliers et spécifiques à ces secteurs, comme certains droits de consultation sur place. Il fallait aussi pouvoir anticiper, en relation avec l'éditeur, sur les arrêts de commercialisation et les aléas des stratégies des uns et des autres. Il fallait enfin, et à l'époque cela paraissait utopique, essayer de mettre en évidence la représentativité du secteur culturel et faire la démonstration que ce secteur pouvait avoir un poids économique significatif pour l'édition vidéographique.

    C'est pourquoi il est apparu indispensable de créer un outil de distribution offrant une double spécificité : garantir aux éditeurs le respect des conditions d'utilisation définies avec eux, représenter et préserver la vocation particulière des réseaux culturels. Mais l'objectif de l'a.d.a.v. était aussi de faire connaître des productions audiovisuelles peu ou mal commercialisées par le cinéma, la télévision et l'édition vidéographique. En 1986, l'association a mis en place avec les producteurs indépendants, tant français qu'étrangers, un nouveau modèle de distribution, partant de la notion de "droits attachés au support", qui a permis de faire mieux connaître aux publics toute une partie de la production exclue des grands réseaux commerciaux. Sans en surestimer les résultats, le soutien apporté à ces productions commence à s'avérer payant ; de plus en plus de programmes ainsi distribués prennent aujourd'hui place dans l'édition commerciale.

    La centrale d'achat de l'a.d.a.v. est donc née, poussée par ces différents impératifs, environnement particulier de l'édition vidéographique, encadrement juridique, spécificité du secteur culturel, volonté de promouvoir et de soutenir patrimoine audiovisuel et diversité de la création... Cette centrale a pris sa pleine mesure fin 1986 quand l'association, qui était alors une association "fermée", composée de professionnels de l'audiovisuel, a décidé de s'ouvrir à ses utilisateurs, c'est à dire aux bibliothécaires, aux responsables de comités d'entreprises ou d'associations culturelles... L'association (6) est aujourd'hui administrée par les utilisateurs eux-mêmes qui peuvent ainsi en vérifier la gestion, veiller à la mise en oeuvre de ses objectifs et contribuer à la définition de ses missions et de leur évolution.

    La constitution des fonds

    La pêche au trésor

    Constituer le fonds d'une vidéothèque ne semble pas - a priori - soulever de problème majeur. Sélectionner, acheter, mettre à la disposition du public sont pour tout bibliothécaire des tâches habituelles... Pourtant, dans le domaine de la vidéo, la situation est peut-être plus complexe.

    A cela, plusieurs raisons : la présence des vidéocassettes dans les collections des bibliothèques est plutôt récente (fin des années 70 / début des années 80) - et non encore généralisée ; au niveau juridique, un certain nombre de réglementations en limite l'utilisation (prêt ? consultation ?) ; le marché éditorial reste fluctuant et n'offre qu'une information succincte, essentiellement publicitaire (contrairement au livre et au disque, peu de catalogues d'éditeurs vidéo), un état de fait dû en partie à la durée parfois très courte des droits concédés ; le public potentiel concerné par l'ouverture d'une vidéothèque, et ses demandes, ne sont pas toujours clairement définis (quelle place doit occuper le fonds jeunesse dans les acquisitions ? Une question primordiale en effet, les jeunes représentant en vidéothèque, comme en bibliothèque, une large part du public actif. Face à une demande croissante à laquelle il n'est pas toujours facile de répondre vu le nombre de films pour la jeunesse proposés sur le marché et leur qualité, doit-on privilégier la quantité au dépens de la qualité ?) ; enfin, aucun catalogue ne recense de façon exhaustive et fiable l'édition commerciale.

    Autant d'éléments qu'il faut prendre en compte et qui interviennent dans l'élaboration d'une politique d'acquisition cohérente. La question essentielle est de savoir si l'on peut - et si l'on doit - tout acheter, sans discernement ? Dans les acquisitions, la notion de qualité - même relative ou subjective - doit prévaloir.

    Avant toute chose, la vidéothèque a besoin de se créer une identité propre et, par des choix clairement affirmés, de se démarquer du simple vidéo-club à la politique purement commerciale. En ce qui concerne le documentaire, en plus des programmes de qualité sélectionnés par la DLL mais réservés à la consultation, le vidéothécaire peut désormais trouver dans la production éditoriale courante un éventail de titres, sur les sujets les plus divers. Une tendance (7) qui répond à une attente réelle du public. Tendance dont l'a.d.a.v. s'est fait l'écho en leur consacrant une place de plus en plus grande dans son catalogue et en diffusant même des programmes ignorés du circuit commercial, qui trouvent ainsi, par le biais du réseau des bibliothèques, un véritable public.

    En ce qui concerne la fiction, à une époque où le circuit "art et essai" tente de survivre et où les films estampillés "cinéclub" sont programmés très tardivement à la télévision, une des missions essentielles de la vidéothèque reste la diffusion du patrimoine cinématographique : donner la possibilité de voir et revoir les grands classiques du cinéma ; une priorité qui ne doit pas, néanmoins, être restrictive.

    Il est important en effet, vu la diversité des publics concernés, de préserver dans le fonds de la vidéothèque un équilibre entre ces grands classiques, des films plus grand public mais de qualité et des oeuvres plus récentes oubliées des circuits cinématographiques (la sélection "Perspectives du Cinéma Français", par exemple, des films présentés à Cannes mais à la diffusion souvent confidentielle).

    Reste la question de la spécialisation du fonds. Pour un fonds de départ, il ne semble pas opportun de privilégier un type de films aux dépens des autres. Mieux vaut préserver un certain équilibre entre les différents genres. Par contre, pour des fonds plus importants et après quelques mois de fonctionnement, il peut être intéressant de développer des collections thématiques - film policier, cinéma français, etc - qui ne peuvent que renforcer l'identité du service.

    Constituer un fonds, l'accroître, nécessite donc de la part du vidéothécaire une attention et une information régulières, notamment dans le domaine de la production régionale ou indépendante. Mais son rôle ne s'arrête pas à la simple sélection. Il doit être l'intermédiaire entre le public et les films proposés par la vidéothèque, expliquer les choix, faire découvrir d'autres styles, prendre en considération les demandes, conseiller et orienter les adhérents vers d'autres oeuvres (parfois afin de pallier une carence de l'édition vidéographique où certains films font cruellement défaut, notamment pour les programmes destinés aux enfants et surtout aux adolescents).

    Rester à l'écoute du public - une règle d'or pour le vidéothécaire - par un contact régulier mais aussi au cours de rencontres, de débats, lors des animations, voire par l'organisation de comités de visionnement et des enquêtes régulières. Un dialogue permanent bénéfique qui peut amener à corriger certains a priori trop rigides pour une meilleure cohérence du fonds.

    Prospecter, choisir, proposer, dialoguer et surtout faire partager, à travers la vidéo, une passion : le cinéma !

    L'animation

    Hercule à la conquête de l'Atlantide

    Animer veut dire littéralement rendre vivant. En bibliothèque, à côté des services de prêt et de consultation de différents documents, l'animation a pour but de proposer aux publics divers des activités variées.

    En ce qui concerne l'audiovisuel, l'animation est plus particulièrement utilisée pour sensibiliser le public à ce média qui, paradoxalement, fait partie de la vie de tous les jours (par la télévision principalement) mais reste en même temps méconnu.

    L'audiovisuel en bibliothèque apparaît sous des formes diverses : le cinéma (films de fiction), les reportages, les archives, le documentaire, le court métrage, les films pour enfants.

    Si le public est familier d'un certain type de cinéma par les programmes de télévision ou par la fréquentation des salles de cinéma, toutes sortes d'oeuvres lui sont inconnues ou mal connues. C'est l'éternel problème des programmations tardives à la télévision des formes audiovisuelles différentes : reportages de qualité, court-métrages, fictions ou documentaires d'auteur.

    En ayant une politique d'animation, les bibliothèques publiques prendraient-elles le relais des ciné-clubs ? Avec la disparition progressive des lieux culturels, elles deviennent en effet les rares lieux de culture audiovisuelle ouverts au plus grand nombre.

    S'il veut être un bon animateur, le vidéothécaire doit connaître ces formes diverses de créations audiovisuelles. Pour cela il doit avoir cet esprit ouvert et curieux qui le mènera d'une salle de cinéma à un festival - tout en conservant un regard attentif sur les programmes de télévision - pour découvrir un film rare ou un documentaire digne d'intérêt. Dans cette chasse perpétuelle, sont à bannir les idées reçues, du genre : "la Sept, c'est bien" ou "M6, c'est nul". Les programmations des chaînes réservent souvent des surprises...

    Mettre à disposition du public, en prêt ou en consultation, le maximum de films (tous genres confondus) ne suffit pas à satisfaire le vidéothécaire. Il a besoin d'actions autres qui le mettent en contact plus étroit avec les oeuvres et son public. Diverses possibilités s'offrent à lui pour favoriser cette confrontation :

    • L'actualité cinématographique ou vidéographique (par exemple l'édition de l'oeuvre d'un grand réalisateur) donne l'occasion d'attirer l'attention du public. Le simple fait de présenter les vidéocassettes, accompagnées de dossiers filmographiques et d'une sélection d'ouvrages, réalisés pour l'événement, a un impact très fort sur le public ;
    • La programmation d'une salle de cinéma de la ville peut trouver un écho à la vidéothèque où le public pourra emprunter les films non programmés au cinéma : la complémentarité joue ici en faveur à la fois du circuit commercial (le cinéma) et du circuit culturel (la bibliothèque) ;
    • Il est bien connu que le public demande toujours ce qu'on lui a fortement suggéré à travers les différents médias (télévision, publicité) qui savent ainsi créer de nouveaux besoins. La bibliothèque peut utiliser les mêmes armes, toutes proportions gardées, pour susciter une demande différente. Etre en noir et blanc n'est pas forcément, pour un film, une "tare", quoi-qu'en pensent certains amateurs de colorisation, et le public à qui l'on fait découvrir les grands chefs d'oeuvre des années 30 et 40 en est tout à fait surpris ;
    • Mettre en relation les films de fiction et les documentaires peut aussi être très pertinent, suivant la formule bien connue que tout film de fiction est documentaire (si l'on considère par exemple le sujet mis en scène, ou encore que le film est révélateur de son époque) et que tout documentaire peut être considéré comme une fiction (l'objectivité étant un leurre). La mise en relation documentaire/fiction peut contribuer à faire disparaître une fausse hiérarchie et un classement arbitraire entre les "vrais films" et les "nonfilms" (ces appellations ont un côté surréaliste...).

    L'essentiel est de varier les propositions : on peut regarder chez soi, on peut se déplacer à la bibliothèque pour une séance exceptionnelle. Les projections publiques font partie des actions d'animation les plus importantes en vidéothèque. N'oublions pas que 60% des ménages ne sont pas (encore) équipés de magnétoscopes. Les projections publiques doivent miser sur le confort et se démarquer du quotidien. L'animation réussie doit être une rupture dans ce quotidien pour apporter ce petit plus qui donne envie de revenir. Elle doit rompre avec le banal, avec ce qui peut devenir à la longue sans goût et sans saveur.

    On peut organiser des séances de projection vidéo ou cinéma avec n'importe quel film. Précisons : les questions juridiques étant au préalable posées puis résolues, tout film (documentaire, fiction, animation, court métrage, vidéo-art...) est digne d'intérêt, du moment qu'il entre dans un programme cohérent. On pourra par exemple organiser des séances de films de fiction (catalogue vidéo a.d.a.v., catalogue films des Fédérations de ciné-clubs) sur des aspects de la production cinématographique mal connus et mal distribués, ce qui est le cas pour beaucoup de cinémas étrangers. Ce peut être, par exemple, l'occasion de découvrir le cinéma chinois, ceux des pays nordiques ou africains...

    Les fonds documentaires des vidéothèques sont riches de films traitant de sujets qui peuvent intéresser des publics divers ; le sujet n'étant pas la condition unique de réussite d'un documentaire, il est aussi important de montrer des oeuvres qui sont l'expression de l'écriture personnelle et singulière de son réalisateur : le public connait Godard et Cosner, il va découvrir Péléchian, Kramer, Van der Keuken, Zauberman...

    L'animation ne s'improvise pas, la condition primordiale est la connaissance de la production audiovisuelle, et principalement celle qui se situe dans les marges, hors des sentiers battus ; connaissance et enthousiasme d'abord, désir de partager cet enthousiasme ensuite.

    L'animation ne doit pas être cette pièce rapportée qui jure avec l'ensemble, parce qu'imposée d'une manière ou d'une autre. Sévit depuis quelques années cette maladie des célébrations et des fêtes : à telle date de l'année, ou l'année entière dans le pire des cas, tout le monde doit vibrer en choeur et sans fausse note parce que c'est "l'année Rossini", la "fête de la musique", la "ruée vers l'art" ou la "fureur de lire" (8) C'est la culture découpée en tranches sur commande, schizoïde.

    L'animation audiovisuelle en bibliothèque joue sur deux tableaux : elle se démarque des activités quotidiennes, tout en s'y référant, elle s'ancre dans l'espace bibliothèque tout en ménageant des passerelles avec des partenaires extérieurs. L'animation, c'est la mise en appétit de qui ne sait pas encore qu'il a faim. Pour le bibliothécaire, au-delà des connaissances acquises, c'est l'art, le tour de main, qui fait chanter les saveurs et les goûts pour les mieux partager.

    Audiovisuel et bibliothèques

    Le Beau mariage ou Les Liaisons dangereuses ?

    Quelle place est réservée à l'audiovisuel dans les bibliothèques ? Même si les chiffres cités plus haut montrent un succès important de l'activité de prêt de programmes audiovisuels dans les bibliothèques publiques, il n'en reste pas moins que beaucoup de professionnels considèrent encore que le support culturel noble ou véritable reste l'écrit. Pour beaucoup, l'audiovisuel est considéré comme un domaine secondaire de la culture, souvent associé à des activités de distraction ou de détente.

    Le cinéma était, à ses origines, classé dans les activités foraines ; devenu une industrie, qui plus est, florissante, il a difficilement allié argent et culture. Quelques temps plus tard, la télévision a banalisé l'image. Perçue principalement comme un instrument de loisirs - pour certains même d'abrutissement - il a fallu de nombreuses années avant que quelques voix s'élèvent pour dire que ce pouvait être également un outil culturel. Aujourd'hui encore ce débat est loin d'être clos.

    Se poser la question de la place de l'audiovisuel en bibliothèque c'est aussi se poser la question plus générale de la place de l'audiovisuel dans le champ de l'éducation, de la formation et plus généralement des activités culturelles. L'audiovisuel n'est toujours pas reconnu à l'école comme un champ d'études à part entière. Il est le plus souvent support ou illustration de cours. Il commence à peine à être présent dans les études secondaires pour quelques privilégiés des classes A3 Cinéma, qui étudient le cinéma en tant que moyen d'expression artistique. A l'Université, il est encore plus pauvre que le plus pauvre des secteurs d'études. Les formations des maîtres sont distillées au compte-gouttes. Les moyens donnés aux établissements scolaires, secondaires ou universitaires sont tellement dérisoires qu'ils engendrent des pratiques permanentes de piratage et de contrefaçon. Les ministères concernés, Education nationale et Culture, ferment les yeux ou se renvoient la balle. Certains frémissements, bien timides, permettent de penser que cette situation évoluera dans les prochaines années. Espérons que nous serons encore là pour le voir !

    Selon la définition de l'UNESCO en 1978, "La bibliothèque est une institution d'enseignement, de culture et d'information. La Bibliothèque publique est le principal moyen de donner à tous libre accès au trésor des pensées et des idées humaines, aux créations de l'imagination de l'homme...". Les bibliothèques ont depuis longtemps intégré d'autres supports que l'écrit. Rappelons que la Bibliothèque nationale conserve, par exemple, estampes et gravures... De nombreuses bibliothèques publiques proposent depuis plus de 20 ans disques, diapositives, affiches...

    L'audiovisuel, présent depuis 1978, est d'abord entré dans les bibliothèques par le documentaire, légitimé par le fait qu'il était considéré comme un moyen d'information complémentaire du livre. Légitimé également par un motif souvent invoqué, les carences de la distribution des circuits de l'exploitation cinématographique et de la programmation à la télévision. Ces deux aspects de la légitimation culturelle de l'audiovisuel s'adressent pour le premier, plutôt aux bibliothécaires, pour le second, plutôt aux professionnels de l'audiovisuel. On peut se demander si les intérêts de ces deux corporations sont convergents. C'est pourtant sous ce double aspect "utilitaire" que l'audiovisuel a d'abord pris place en bibliothèques.

    Le succès rencontré par l'audiovisuel à la B.P.I. a généré une "mode" et un attrait pour ce nouveau média. Tout nouvel équipement se devait d'avoir un fonds de programmes audiovisuels et de "se bran-cher" nouvelles technologies. Ce mouvement a été renforcé par le fait que les bibliothèques ont vu leurs rôles et leurs missions évoluer avec la disparition de certains pôles d'activités culturelles, comme les salles de cinéma, maisons de la culture, centres culturels... Les bibliothèques ont pris une place centrale et parfois unique dans les activités culturelles de la cité, apportant une nouvelle dynamique, modifiant et faisant évoluer leur propre image. Elles sont aujourd'hui perçues et gérées comme des entreprises culturelles où, sans doute pour la première fois dans leur histoire, se pose la question de leur rentabilité. S'il est éminemment important de bien appréhender la rentabilité sociale et culturelle d'un tel équipement, il serait sans aucun doute plus dangereux d'en évaluer la rentabilité économique indépendamment des données précédentes.

    Malgré les succès et l'impact d'abord de la consultation, puis du prêt dans les bibliothèques, l'audiovisuel est encore loin d'y avoir sa place, et toute sa place. Révélateur de ces réticences : la formation de bibliothécaires professionnels spécialisés en audiovisuel n'a vu le jour officiellement qu'en 89 (soit 10 ans après l'introduction de l'audiovisuel en Lecture publique), sous l'impulsion du Centre de Formation de Marseille qui avait mis en place une formation spécifique dès 1987. Les réticences des professionnels vis à vis de ce moyen d'expression restent encore très présentes. Les motifs invoqués sont d'ordre économique "il n'y a déjà pas assez d'argent pour acheter des livres, alors l'audiovisuel.." ou bien "le secteur commercial, les vidéo-clubs, ont une activité similaire, il y aurait concurrence, ce n'est pas notre rôle" , mais ils peuvent être aussi idéologiques "il y a la culture avec un grand "C" dont le fleuron est l'écrit, le reste, surtout l'audiovisuel, c'est de l'ordre des loisirs, de la distraction, du plaisir.., cela n'a pas sa place en bibliothèque" , enfin un des derniers motifs qui a pu être entendu et qui semble, peut-être, finalement le plus authentique, "cette activité a trop de succès, elle risque de prendre le pas sur le livre.. " . D'autres formes de réticences interviennent et vont s'énoncer d'une manière plus détournée : "c'est un moyen pour faire venir les gens aux livres" . Ce qui laisserait supposer qu'il faut finalement "piéger" les usagers, comme dans les grandes surfaces, par des "produits d'appel". Cette liste est, bien sûr, incomplète.

    Faut-il y répondre point par point ? Cet article n'a pas un tel objectif. Ici, pas de désir de "convertir" à l'audiovisuel, encore moins d'opposer l'audiovisuel au livre, le livre et l'écrit restant pour les auteurs de cet article d'une importance fondamentale. Cependant, force est de constater une diversification des supports culturels, des outils de la diffusion de la pensée et des moyens d'expression, par conséquence une évolution de la configuration des lieux culturels et notamment des bibliothèques. D'où la nécessité de prendre en compte, en tant que citoyen comme en tant que professionnel, une transformation de notre mode de vie, de notre environnement culturel qui a généré de nouveaux besoins.

    Accepter cette évolution, se l'approprier, l'enrichir de nos expériences multiples et de notre savoir-faire, c'est participer à notre avenir culturel et éviter qu'il ne se transforme en champ-clos des pouvoirs de l'argent et des marchands du temple.

    1. - Cf "ARRET SUR IMAGES" dans les Bibliothèques Publiques (DLL, 1988) retour au texte

    2. Cf. STATISTIQUES 1989 publiées par la DIRECTION DU LIVRE retour au texte

    3. INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL, chargé depuis l'éclatement de l'ORTF de la gestion des archives de la télévision. retour au texte

    4. - Alors que, par exemple, la Médiathèque de la Communauté Française de Belgique dispose depuis de nombreuses années, par Convention avec la R.T.B.F.,des archives de la télévision belge qui peuvent ainsi être proposées aussi bien aux particuliers, qu'aux organismes culturels et éducatifs. retour au texte

    5. LOI du 3 JUILLET 1985, relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes des entreprises de communication audiovisuelles (modifiant la loi du 11 mars 1957) retour au texte

    6. Pour mémoire, l'ad.a.v. est une association loi 1901 indépendante et n'a plus reçu de subventions depuis 1985 de la part d'aucun Ministère. retour au texte

    7. Aux USA, pour l'année 1991, les ventes de vidéocassettes utilitaires et documentaires ont considérablement augmenté au dépens de la fiction qui a subi une baisse de 20%. - REVUE DU CINEMA - avril 1991 retour au texte

    8. Qu'est qui nous attend en 1995 pour le centenaire du cinéma ? retour au texte