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    Ranger, présenter, préserver les audiovisuels

    Par Jacqueline Gascuel

    Le mot même de Médiathèque renvoie à une très grande diversité des supports - et pose ainsi des problèmes assez complexes d'organisation de l'espace et des éléments de mobilier. Dans ce numéro du Bulletin dont le thème central est "image et son", nous avons jugé intéressant de voir quelles réponses techniques apportaient les fournisseurs aux différents problèmes posés par le rangement et la mise en valeur des collections et, plus particulièrement, des collections audiovisuelles.

    Alors qu'il est d'usage d'aligner la plupart des livres sur des rayonnages en ne laissant voir que des dos portant un titre plus ou moins lisible, les disques noirs ont imposé, il y a une vingtaine d'années déjà, l'idée qu'une discothèque se devait d'être équipée de bacs pour ranger les disques de face et mettre en évidence leurs pochettes illustrées. C'est cette présentation de face qui demeure, presque partout, une des caractéristiques de l'organisation des collections audiovisuelles.

    La deuxième caractéristique de ces documents est leur rapide évolution sur le plan technique : le passage du disque noir au disque compact en est une illustration frappante, mais il en va de même de l'évolution des documents visuels, collections d'images ou de diapositives, par exemple, remplacées par les disques vidéo. Bon nombre de bibliothécaires, faute de pouvoir repenser toute leur installation, se trouvent donc confrontés à la nécessité de transformer d'anciens meubles, bacs ou présentoirs, pour y loger les nouveaux supports.

    Enfin une troisième caractéristique des documents audiovisuels est qu'ils sont un objet de tentation plus forte que les livres et qu'ils contraignent par là-même à une plus grande vigilance pour se prémunir contre les vols. Les petits établissements, qui ne peuvent envisager de se doter d'un système de détection approprié, ont recours pour les documents audiovisuels à des mesures spécifiques : présentoirs verrouillés ou double rangement - d'un côté le boîtier ou la pochette vide, de l'autre le document lui-même.

    De la lecture des catalogues

    Une rapide enquête menée auprès des principaux fournisseurs, nous a permis de recenser 14 fabricants susceptibles de fournir un mobilier spécifique pour les documents audiovisuels. Nous pouvons distinguer trois groupes : les fournisseurs traditionnels des bibliothèques, qui assurent tout à la fois le suivi de leurs productions antérieures et un renouvellement des modèles ; les nouveaux venus sur le marché français, qui nous apportent souvent un savoir-faire expérimenté à l'étranger ; les fabricants polyvalents qui équipent aussi bien le secteur commercial que celui des bureaux et des services d'archives et sont, de ce fait, très performants sur le plan des petits détails pratiques, mais moins sensibles aux considérations d'ordre esthétique. Il reste bien entendu que les frontières entre les uns et les autres sont floues et évolutives.

    Notre première approche est donc celle de la lecture des catalogues. Or, force est de constater que la pertinence d'un catalogue ne se mesure ni à son épaisseur, ni à son élégance. Ainsi, BRM, division d'Ergam Ronéo, nous offre un florilège de citations sur le livre et les bibliothèques, et de très belles photos (l'arbre, le bois, la pierre, l'eau)... mais ne nous apprend pas grand-chose sur les rayonnages 780, Odyssée ou Polyèdre - il est vrai qu'un petit cahier distinct, illustré de schémas, indique la "liste des produits". Gardiens du "cabinet magique" ou "médecins de l'âme" les bibliothécaires ne se laisseraient-ils séduire que par la poésie des images et le prestige des mots ? Chez Dubich, au contraire, aucun effort de séduction : un catalogue extrêmement touffu conduit par un cheminement plutôt ardu vers l'information souhaitée.

    Les spécialistes du stockage, de l'archivage et des bureaux ou du commerce, comme Feralp, Samodef et Ediméta, centrent les informations sur les aspects techniques : vous saurez tout des entretoises de jumelage, des goupilles de sécurité et des semelles ou des vérins. Vous saurez aussi tout des capacités et des prix - ce que vous apprécierez à son juste prix !

    Deux catalogues méritent une mention spéciale : celui de Strafor qui, aux données techniques de tous ses confrères, ajoute celle des charges acceptées par chaque tablette avec report des charges au sol selon les dimensions des rayonnages (données bien utiles à qui conçoit une nouvelle installation) - et qui vous fait "visiter" quelques bibliothèques significatives, de celle de Nevers au silo à livres de Garching en Bavière, en passant par la mosquée de Casablanca : les bibliothécaires sont mis en confiance. Et le catalogue de Borgeaud : grâce à son index alphabétique vous irez droit au but... et vous admirerez au passage quelques jolies installations et quelques charmants enfants-lecteurs. Ces deux catalogues qui vivent à l'heure de l'Europe vous donnent les adresses de leurs succursales à l'étranger.

    Mais c'est au volumineux classeur de BC Intérieur que nous réserverions le premier prix : cette reliure permet de regrouper de nombreux documents, disponibles également en fascicules indépendants : liste de références, mobilier par modèles de fabrication (bois, métal,...), ou par fonctions (audiovisuel, banques de prêt, bureaux,...), échantillons de couleur et de matières, etc.

    Transformables ou polyvalents

    Plus que le catalogue, c'est le produit qui retiendra l'attention des éventuels acheteurs. Pour les discothèques qui possèdent des bacs à disques noirs et passent aux disques compacts, il est parfois possible d'acquérir différents "kits de transformation". Dans la largeur prévue pour un disque vinyl on range deux disques compacts qu'un "fond de compensation" amène à la bonne hauteur. Comme ces dispositifs se posent et s'enlèvent très facilement, ils permettent une évolution progressive des collections : on en trouve chez les fournisseurs qui ont réalisé des installations de discothèques depuis de longues années, comme Borgeaud, Nelco, Forum ou Reska.

    Les discothèques qui se créent de toutes pièces, peuvent avoir recours à des bacs "multifonctions" dont la profondeur se règle par déplacement du fond, et qui accueillent indifféremment grands ou petits disques. C'est la solution proposée par BCI et BRM.

    Avec le développement des collections, le temps semble révolu d'une présentation uniforme des phonogrammes dans des bacs classiques, à un seul étage : on voit au contraire les fabricants rechercher des présentations sur plusieurs niveaux, analogues à celles adoptées pour les livres. Les éléments de rangement sont placés sur des piètements hauts et l'on peut, comme le propose BCI, superposer des tiroirs télescopiques en partie basse, des bacs au milieu (hauteur 0,95 m environ), des tablettes droites et/ou des présentoirs en partie haute. Les bibliothécaires pourront aussi réunir dans un même meuble les différents supports. Ils pourront même demander qu'une partie de ce meuble soit fermée par des portes munies de serrures. C'est donc une solution qui convient bien aux petits espaces. On la retrouve chez Ediméta, habitué aux exigences du secteur commercial, mais il s'agit là d'une présentation d'un seul support sur plusieurs étages : 11 étagères surmontées par un fronton lumineux pour les disques compacts, 8 pour les vidéo-cassettes.

    Plus aérée et désormais classique est la solution qui consiste à superposer deux ou trois éléments : un bac que surmontent un deuxième bac plus étroit et/ou une tablette présentoir. C'est la solution retenue par exemple par la bibliothèque de Villeurbanne (Borgeaud) ou celle de Cachan (Schlapp Môbel). Le modèle de la série DLM (Matéric Lundia) renouvelle la conception de la structure porteuse métallique, placée non aux extrémités mais dans une position plus centrale - ce qui permet d'allonger le bac ou la tablette - et toujours de prévoir 2 ou 3 étages de bacs, eux-mêmes en gradins.

    Stockage dense

    Les gammes de certains fabricants comportent du mobilier, métallique le plus souvent, pour un rangement compact des documents en accès semi-direct. C'est ainsi que Dubich propose une armoire "universelle" composée de deux caissons télescopiques qui se tirent pour faire apparaître les tablettes où sont rangées les audio ou vidéo-cassettes. Capacité : 616 vidéo-cassettes dans une armoire qui mesure au sol 0,62 m sur 0,68 m et 1,85 m. de haut. C'est donc un rangement dense qui peut se placer à proximité d'un bureau de prêt. Il convient également à des stockages d'archives et à la conservation en magasin.

    Une autre présentation dense est réalisée grâce à différents systèmes de rayonnages coulissant sur des rails. Dans les services publics, un rayonnage mobile se placera devant des rayonnages muraux. On classera ainsi les cassettes sur une double épaisseur - c'est cette disposition que Feralp nomme la "bandothèque murale coulissante". La même disposition est adoptée par Nelco dans sa nouvelle série "Exèdre" : une armoire en bois peut recevoir 300 cassettes audio.

    Dans les magasins, il s'agira de rayonnages mobiles ou compacts - mais on sort là des besoins propres aux documents audiovisuels. Feralp, Samodef et surtout Strafor sont des spécialistes des magasins à haute capacité d'archivage. Ils proposent des meubles métalliques qui permettent une grande précision d'exécution et une plus haute fiabilité des éléments techniques : roulements, commandes, systèmes de sécurité, etc...

    Accès indirect

    Nous avons déjà dit que certains modèles de rayonnages denses convenaient bien à un accès indirect aux documents audiovisuels. Une autre solution est le rangement dans des tiroirs auxquels seuls les bibliothécaires ont accès. Ces tiroirs peuvent être incorporés à la banque de prêt (Borgeaud, Nelco), placés dans des classeurs indépendants ou incorporés à un rayonnage (Dubich, BRM).

    Ces rangements sont généralement prévus avec deux variantes : stockage du boîtier complet ou du document seul, disque compact ou cassette, préalablement retiré de son emballage d'origine. C'est la formule du double rangement : d'un côté, accessible aux lecteurs, le boîtier vide ou seulement sa jaquette, de l'autre, en accès indirect, le document luimême. Il est alors possible de présenter ces emballages dans des pochettes en plastique, soit placées dans des bacs, soit suspendues par des cintres à une tringle. C'est une formule proposée par Dubich ou BCI : cette disposition ressemble à une penderie... sur plusieurs niveaux et permet une forte capacité de stockage, sinon une consultation aisée. Des penderies analogues existent pour la présentation des vidéos placées dans un boîtier que l'on retire au moment du prêt.

    D'une consultation très aisée sont au contraire les présentoirs verrouillés (Ediméta)... mais ils conduisent les bibliothécaires à une démarche longue et fastidieuse : on les rencontre surtout chez les disquaires

    Du goût et des couleurs

    Bois ou métal : la plupart des fabricants spécialisés ont pris le parti de proposer les deux solutions - et y ajoutent le plus souvent une solution mixte bois/métal. Un temps austère et monotone, le métal a gagné ces dernières années ses lettres de noblesse : les recherches nouvelles ont porté sur les lignes des piètements, les tôles ajourées des extrémités, les contrastes de couleurs - et plus particulièrement pour l'audiovisuel sur le jeu des volumes combinés et les astuces de présentation : paniers, séparations verticales ou horizontales, tringles ou intercalaires escamotables, etc. Les structures métalliques permettent de proposer un éclairage incorporé (BCI, BRM, Edimeta).

    Le bois, le plus souvent aujourd'hui du hêtre massif ou plaqué, se fait séduisant par la qualité de son montage par tenons et mortaises (Schlapp-Môbel), sa finition teintée (BCI), son association avec les revêtements plastiques.

    Réponse des fabricants

    Nous avions posé des questions précises sur les prix : les réponses ont été trop rares pour que nous puissions en faire état ici. Il semble en effet qu'ils soient assez évolutifs : pour une commande importante, notamment dans le cas d'un marché pour un bâtiment neuf, les conditions sont bien plus intéressantes que pour un achat de quelques éléments isolés. Et les bibliothécaires le savent bien : il vaut mieux prévoir très largement tout le mobilier dès le départ que d'envisager des achats au fur et à mesure que les collections s'enrichissent. Mais on peut penser que dans ces non-réponses, il y a aussi le désir d'échapper à des comparaisons plus ou moins justifiées, tant il est évident qu'on ne saurait retenir le seul critère de prix pour choisir un mobilier. D'autres critères interviennent et notamment la qualité des fabrications : solidité, souplesse d'utilisation, etc. Il est difficile de s'en faire une idée en dehors des contacts que l'on peut avoir avec des collègues disposant de mêmes installations depuis quelques temps déjà. Les listes de références sont toujours utiles !

    Quant au facteur esthétique, il dépend étroitement du parti adopté pour le bâtiment lui-même. Et on aimerait voir les fournisseurs se rappeler qu'ils ne sont pas les seuls à mettre en valeur l'ambiance de la Médiathèque et faire un peu plus de place dans leur publicité aux réalisations prises dans leur ensemble. On notera que "Systhek" (Strafor) s'adapte particulièrement bien à la haute verrière de Denis

    Froidevaux à Nevers, "Polyèdre" (BRM) au bâti métallique de Massimiliano Fuksas à Rezé-lès-Nantes, "Langres" noir (Borgeaud) au rythme des cercles noirs et blancs de Mario Botta à Villeurbanne, etc. Seul Nelco semble conscient que architecture, décoration, mobilier forme un tout quand il pense à donner le nom des bibliothèques où sont prises les photos qu'il nous propose comme modèles. Et c'est pourquoi nous pouvons conclure en empruntant les propos de son catalogue :

    "Pour être réussi l'équipement d'une bibliothèque doit concilier trois contraintes : le respect du parti pris architectural, l'adaptation aux règles de fonctionnement et la contribution à une esthétique globale."