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L'informatisation des bibliothèques, historique, stratégie et perspectives

1992
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    Par Mireille Chauveinc, BdF
    Alain Jacquesson

    L'informatisation des bibliothèques, historique, stratégie et perspectives

    Paris, Editions du Cercle de la librairie, 1992.283 p. ISBN : 2-7654-0511-5. Prix : 240 F. (Collection Bibliothèques).

    Quoiqu'on ait pu écrire sur la question, l'informatique reste encore un domaine mystérieux et un peu terrifiant pour beaucoup de bibliothécaires. Informatiser fait envie à tout le monde, c'est presqu'une incantation, mais, finalement personne ne sait vraiment comment aborder le monstre et l'apprivoiser, comment choisir le "bon système" et comment ne pas faire des erreurs dont on se mordra les doigts plus tard. Chacun est conscient qu'il prend un risque, mal évalué, d'autant plus que le produit est cher, sensé durer longtemps et comporte encore bien des incertitudes.

    Alain Jacquesson a dirigé l'Ecole de bibliothécaires de Genève, où il a enseigné l'informatique à plusieurs générations de bibliothécaires. Il est maintenant directeur des bibliothèques municipales de Genève, mais c'est le contenu de son cours qui, amplifié, structuré et mis en forme, aboutit à ce livre.

    Peu de documents sont là pour aider les bibliothécaires à informatiser leur bibliothèque , et celui-ci va devenir un outil indispensable, parce qu'il offre un panorama complet des procédures à entreprendre et des choix fondamentaux à effectuer. Après lecture de ce livre, nul ne pourra plus ignorer les précautions et les traquenards de ce processus difficile.

    Le livre commence par un rappel historique de l'informatisation de la documentation. Ce rappel s'arrête en 1965, c'est-à-dire à peu près à l'époque où les bibliothèques commençaient à songer à l'informatique et où démarre le premier format MARC. On s'explique mal ce choix qui élimine donc tout ce qui concerne les bibliothèques pour se concentrer sur la documentation, les grandes bases de données documentaires et toutes les premières techniques de mécanisation (cartes perforées). Pour qui voudra un bon historique de l'informatisation récente des bibliothèques françaises, nous renvoyons à l'article de Le Crosnier dans le dernier volume de l'Histoire des bibliothèques qui vient de paraître au Cercle de la librairie.

    L'auteur poursuit par une approche méthodologique préalable à toute informatisation. Tout y est, depuis l'étude de faisabilité, la réorganisation nécessaire à tout emploi de l'informatique, les structures à mettre en place pour mener à bien le projet. On peut regretter cependant que le paragraphe sur l'appel à un consultant indépendant ne soit pas plus développé, car les déboires ont été nombreux et les précautions doivent être importantes. Si sont bien décrits le schéma directeur préalable à toute informatisation raisonnable et sérieuse, les mécanismes de l'appel d'offres, la comparaison des réponses et le choix du système, manque un long développement sur l'analyse préalable de l'existant, des besoins et des objectifs. Elle est citée, mais trop brièvement.

    Nous passons ensuite aux différentes fonctions à automatiser qu'Alain Jacquesson décrit en détail, les acquisitions, le bulleti-nage et le prêt. Le catalogage est sommairement traité dans ce chapitre, mais sera repris plus longuement dans les chapitres sur les formats et sur les réseaux. Ceci se justifie tout à fait, car l'auteur défend avec raison et avec de nombreuses explications que le catalogage en bibliothèque est terminé, et que cet élément central à toutes les autres opérations est (et doit être) désormais fourni par les réseaux et autres serveurs. La gestion est sommairement décrite et on aurait aimé une analyse plus complète des statistiques qu'un bibliothécaire peut exiger d'un système, afin de mieux gérer sa bibliothèque.

    Puis viennent les normes et un important et très complet développement sur les formats et surtout le format MARC. Pour Alain Jacquesson, la raison majeure pour utiliser un format est l'échange de données. Car, écrit-il : "Les données catalographiques, associées aux collections de livres et de périodiques, constituent le capital que nous allons transmettre à nos successeurs." (p. 03). Evitons qu'ils aient à le refaire dans cinquante ans, comme ce fut notre cas. L'échange, surtout avec les bibliographies nationales, est une nécessité, mais il faut aussi ajouter des raisons plus internes comme le tri des données par rubriques (sujets, langues ou pays), la publication de catalogues spécialisés, les statistiques sur la collection. Tous les codes introduits par le format ne sont pas gratuits, mais nécessaires à un traitement ultérieur. L'auteur insiste avec raison sur les fichiers d'autorités, garants de catalogues propres et bien structurés. Il faut savoir qu'un fichier doit être propre dès le début, car rien n'est plus long que de reprendre et restructurer une base de donnée existante.

    Le coeur de l'ouvrage est constitué par une excellente analyse des réseaux, depuis leur émergence vers 1965 ( avec l'OCLC), leur description détaillée, non seulement aux Etats-Unis, comme c'est souvent le cas, mais aussi en Europe, avec PICA et REBUS. Il est dommage, pour un public français, que le Panca-talogue ne fasse l'objet que d'un petit paragraphe en bas de page. Une information plus complète de la DPDU s'impose. Cette description est suivie par une mise en cause des réseaux, partant d'une analyse des coûts et d'une affirmation, à mon avis fausse du Schéma directeur de l'information bibliographique selon laquelle : "le concept de catalogage partagé concernant la production française et étrangère courante devient moins pertinent". Les autres arguments présentés concernent les bases de données réparties, qui n'en sont pourtant qu'au test de laboratoire, les mémoires optiques (CD-ROM), l'émergence du secteur privé, la propriété des données. La conclusion est pourtant très balancée, donnant les avantages et les inconvénients des réseaux de catalogage.

    Après présentation des systèmes OSI, l'auteur décrit le marché des systèmes informatiques, avec listes des principaux systèmes proposés (non exhaustives), un inventaire des possibilités de la micro-informatique, et surtout une analyse fine du concept de système intégré.

    On en revient ensuite au démarrage d'une installation, avec les problèmes de locaux, de formation et d'évaluation. Le catalogage rétrospectif fait aussi l'objet d'un chapitre qui indique les différentes techniques et une méthode pour choisir. L'ouvrage se conclut sur l'accès aux documents primaires.

    En conclusion, l'auteur prévoit ce que pourra être l'informatisation des bibliothèques demain, avec une superposition des techniques actuellement disponibles, le développement des télécommunications, la priorité attribuée aux données dont la permanence, la standardisation et la disponibilité sont des facteurs inconnus jusqu'ici, le retour au livre qui, par la numérisation, deviendra directement accessible, et le développement de l'intelligence artificielle pour permettre à l'utilisateur de "naviguer" au mieux dans la richesse des accès possibles à l'information.

    Ce bref résumé montre la richesse de ce livre qui, même si quelques conseils sur le choix des systèmes sont trop résumés, donne une information très complète sur le paysage informatique actuel et doit figurer sur le rayon des usuels de tout bibliothécaire.