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Congrès de l'association des bibliothécaires de l'Enseignement roumain

1993
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    Congrès de l'association des bibliothécaires de l'Enseignement roumain

    Craïova, Roumanie

    Par Francis Deguilly, Président du groupe Centre

    L'ABIR : bâtir sur les décombres

    L'Asociata Bibliotecarilor din Invatamint-Romania (Association des Bibliothécaires roumains) a été créée après la "Révolution" de 1989 par les bibliothécaires dépendant du Ministère de l'Enseignement, soucieux de se libérer de la tutelle de l'association officielle trop liée à l'ancien régime. A la coupure institutionnelle, que connaissent les bibliothécaires français, s'ajoute donc un fossé idéologique que d'autres expériences avaient déjà permis de déceler.

    Avec des moyens dérisoires et beaucoup de dynamisme, l'ABIR a entrepris de construire le cadre professionnel des bibliothèques roumaines : statut, information et formation professionnelle, déontologie, reconstitution d'un réseau. Tâches immenses en regard des moyens, répétons-le, et du manque d'intérêt (ou des autres priorités) des autorités. L'ABIR s'efforce d'éditer un bulletin trimestriel de 8 pages malgré les problèmes de coût d'impression (elle recherche une machine offset ou un photocopieur A 3 sur le modèle des nôtres).

    La Roumanie manquant dramatiquement de personnel qualifié et d'écoles de bibliothéconomie, l'ABIR s'efforce de donner à Bucarest une formation dans le cadre de l'université. L'ABIR, par la voix de son Président Ion Stoïca, Directeur de la BCU (1) de Bucarest, milite pour une définition du statut des personnels des bibliothèques, où plus de 30% des effectifs, des cadres A et B, sont des reclassés d'autres secteurs du Ministère de l'Enseignement. Le Président attache également une grande importance, qui me paraît disproportionnée, à la définition d'une déontologie de la profession.

    L'une des priorités est aussi de constituer un réseau, d'autant plus nécessaire que les ressources documentaires sont éclatées, sinon détruites comme par l'incen die de la BCU de Bucarest lors de la "Révolution" de 1989. La constitution de catalogues collectifs, des livres et des périodiques, permettrait aux bibliothèques roumaines d'être moins étranglées par le coût des publications occidentales et par la dispersion de l'aide internationale.

    Le Congrès de Craïova

    Dans la grande salle de l'université de Craïova, le 3e congrès de l'ABIR a réservé un préambule à ses invités (2) qui ont pu s'adresser aux 200 à 250 bibliothécaires présents. J'ai pu ainsi transmettre les amitiés de l'ABF et assurer les congressistes du soutien moral et matériel que pourront continuer à leur apporter les bibliothécaires français et ceux de notre association en particulier.

    Après les discours des autorités locales et institutionnelles, dont l'un extrêmement libre et enthousiaste d'un inspecteur général de l'enseignement, le Président a présenté un rapport moral détaillant les buts de l'Association et faisant état d'une progression très rapide de l'ABIR dans toutes les régions du pays. Les interventions de la salle après ce rapport montraient bien les préoccupations de nos collègues roumains, qui rappellent par bien des points les nôtres. J'en citerai les principales :

    Statuts : dans certains cas, le Ministère considère le personnel de bibliothèque comme du personnel universitaire et dans d'autres cas, non. Ainsi, les bibliothécaires roumains (le plus souvent anciens professeurs d'université) n'ont pas profité de l'augmentation de salaire de 12% du personnel universitaire. Par ailleurs, les bibliothécaires dépendant du Ministère de la Culture bénéficient d'un statut spécifique.

    L'Association professionnelle doit-elle ou non avoir des préoccupations relevant des syndicats ?

    • Revalorisation des salaires des postes de direction ;
    • Protection des personnels en butte à l'arbitraire hiérarchique (il y a encore des apparatchiks de l'ancien régime à la tête de bien des services de l'Etat).

    Augmentation de la cotisation : La cotisation actuelle est de 300 Lei mais un salaire mensuel d'un bibliothécaire de catégorie B est de 4 000 Lei et subit l'inflation (variable selon les mois de 10 à 15%).

    Formation professionnelle : L'une des élèves suivant actuellement la formation universitaire de bibliothécaire à Bucarest s'est plainte au nom de ses camarades de l'enseignement trop spécialisé (informatique en particulier) et des lacunes de la formation générale.

    L'après-midi fut consacrée au travail des commissions : bulletin professionnel, échanges internationaux, catalogage, formation professionnelle.

    Je suivis personnellement deux d'entre elles - bulletin et échanges - à l'invitation de nos collègues roumains , et j'appris les conclusions des autres lors de la réunion du Conseil de l'ABIR qui suivit. Il me paraît important de faire ressortir les éléments suivants :

    Le bulletin. Charge très lourde pour l'Association, le bulletin ne peut paraître actuellement qu'en utilisant le matériel de la BCU, ce qui limite son tirage... et potentiellement son indépendance. L'aspect rédactionnel pose aussi problème, non par manque de rédacteurs, mais par manque de connaissances professionnelles dignes d'être imprimées. Le bulletin cherche des contributions qui puissent faire progresser les lecteurs, ainsi que des ouvrages professionnels pour les traduire en roumain.

    Information professionnelle : Nos collègues réclament plus de pages. Coût de fabrication du Bulletin : 20 Lei la page, soit 4 000 Lei (environ 300 F) pour un tirage à 200 exemplaires.

    Le manque de documentation professionnelle. Les bibliothécaires roumains recherchent des exemplaires du "Métier de Bibliothécaire", même s'il ne s'agit pas de la toute dernière édition, afin qu'il y en ait au moins un dans chaque bibliothèque universitaire ou scolaire importante (une cinquantaine). L'ABIR souhaite un service de nos revues professionnelles (Bulletin d'information de l'ABF, Lecture Publique, Bulletin des bibliothèques de France, Livres-Hebdo) car elle n'a absolument pas les moyens de s'y abonner. j'ai laissé au directeur de la revue, Mircea Regneata, les n° 155 et 156 du Bulletin de l'ABF en échange du dernier bulletin de l'ABIR. Nos collègues cherchent également à établir un vocabulaire professionnel en roumain et souhaitent toute documentation relative à ce sujet en français. Ils souhaitent également une version abrégée de la norme UNIMARC (qui serait bien utile également en France).

    Les échanges internationaux qui apportaient auparavant, vaille que vaille, une quantité régulière de documentation, ne fonctionnent plus beaucoup. En effet, le calcul de la valeur d'échange des périodiques est de plus en plus difficile à établir, et toujours plus défavorable aux publications roumaines. De plus, ces échanges m'ont paru quelque peu inadaptés. Que viennent faire à la BU de Craïova les "Bulletins de la Société Archéologique et Historique de l'Orléanais", que j'estime beaucoup par ailleurs, mais qui sont exclusivement centrés sur l'Orléanais ?

    La nécessité de la coopération. Auparavant, imposée d'en haut et corsetée dans un cadre hiérarchique, la coopération était vécue comme une contrainte totalitaire et bureaucratique. Les bibliothèques universitaires roumaines s'en sont affranchies après 1989 et ont souvent rejeté tout ce qui pouvait rappeler une coopération forcée (ce sentiment était entretenu par une double coupure, entre les BM et les BU d'une part et d'autre part entre les BU elles-mêmes, les BU scientifiques et les autres BU dépendant de directions différentes au sein du même Ministère de l'Enseignement !). Elles ont appris depuis à dépasser cet isolationnisme et cherchent à établir une coopération volontaire. Ainsi, plusieurs BU sont déjà reliées par télécopie à la BCU. La plupart cherchent à acquérir des systèmes informatiques compatibles et à travailler selon des normes identiques et sur des projets communs (catalogue UNIMARC, projet de catalogues collectifs). Volonté d'autant plus louable que, là-bas encore plus qu'ici, la coopération entre les bibliothèques de tutelles différentes, ou même simplement de taille ou de spécialisation trop éloignées, n'est pas évidente.

    Formation initiale et continue. La majorité des personnels de catégorie A et B étant formée sur le tas, la formation continue peut prendre très souvent des allures de formation initiale courte. La demande est extrêmement forte tant les bibliothécaires roumains savent ou devinent que ce qu'ils font est dépassé ou inefficace. L'ABIR souhaite accueillir les formateurs que la France voudrait bien lui envoyer pour des journées de formation comme celles que trois bibliothécaires de la British Library ont effectuées du 1er au 15 juin 1992 à Bucarest, Cluj et Jasi, les grandes villes universitaires. Encore plus généreux, les USA ont payé une bibliothécaire de l'Iowa, Patricia Larsson, pour une année scolaire de cours de catalogage informatisé à Bucarest.

    Acheminement de l'aide. Collecter livres, périodiques et matériels en France est assez facile mais les problèmes sont ailleurs : il faudra que les Français trouvent des solutions adaptées pour être efficaces :

    • Cibler l'aide j'ai pu encore constater que l'aide apportée avec les meilleurs sentiments et acceptée avec gratitude était en fait souvent un véritable gâchis, car donnée à l'aveuglette et acceptée sans discernement.
    • Transporter ou expédier les dons l'entreprise est coûteuse aussi bien par la poste pour les abonnements que par la route (ne parlons pas du rail !) pour les livres. L'expédition des documents est insupportable financièrement si l'on ne trouve pas de "généreux sponsors", institutionnels ou privés.

    1. BCU : Bibliothèque Centrale et Universitaire retour au texte

    2. Absence de représentants de l'Association des Bibliothécaires Français relevant du Ministère de la Culture, pourtant invités retour au texte