Le dépouillement du questionnaire a porté sur 170 réponses. Les 52 autres réponses parvenues plus tard n'ont pu être portées dans les tableaux qui vous ont été remis ; cependant nous les avons utilisées pour cet exposé introductif. Le pourcentage élevé de réponses, 18,5 %, nous paraît très satisfaisant et semble indiquer que le thème proposé a retenu toute votre attention. Nous remercions donc les bibliothèques qui nous ont répondu et qui ont bien voulu apporter à leurs réponses les commentaires nécessaires.
Les 222 réponses émanent de 154 bibliothèques municipales ; de 25 bibliothèques pour tous et en majorité de sièges départementaux de l'Association Culture et Bibliothèques pour tous; de 16 bibliothèques Centrales de prêt; de 11 bibliothèques de la Ville de Paris, dont la Bibliothèque Forney ; de 8 bibliothèques d'hôpitaux ; de 7 bibliothèques d'entreprises ; et enfin d'une association disposant d'un réseau de 85 bibliothèques à Marseille.
L'idée de l'enquête était d'une part d'essayer de dresser un bilan des domaines où la collaboration est déjà organisée et d'autre part de déterminer les domaines pour lesquels une collaboration est la plus souhaitée. Pour cette raison nous voulions aborder le sujet, aussi complètement que possible à travers cinq domaines d'activité des bibliothèques ; les fonds documentaires, le catalogage, les publications, les activités d'animation, les machines et le matériel. D'emblée nous avions défini toute collaboration à base de réciprocité pour que les réponses ne traduisent pas seulement les services rendus par une bibliothèque à une autre mais plutôt des échanges de services ponctuels ou permanents organisés selon des objectifs communs, les charges de chaque activité étant partagées entre les bibliothèques selon leurs moyens.
Il est assez facile à dresser puisque deux domaines seulement sont remarquables.
Comme l'on pouvait s'y attendre, c'est au niveau de la circulation des documents que les « oui » l'emportent et particulièrement dans le domaine du prêt inter-bibliothèques et du prêt de documents pour des activités précises. L'autre domaine remarquable est celui des activités d'animation et de formation. Pour les trois autres domaines du questionnaire, la collaboration est faible et concerne principalement les bibliothèques organisées en réseau : bibliothèques pour tous et bibliothèques de la ville de Paris pour lesquelles existent un service central fortement organisé et structuré.
A ce niveau les réponses sont beaucoup moins nettes. Les bibliothèques souhaitant collaborer représentent 1/3 des répondants et le domaine sur lequel la réponse est la plus unanime est celui des activités d'animation et de formation suivi de près par les domaines 3 et 5. Moins d'unanimité en ce qui concerne les fonds documentaires et le catalogage ; c'est sur ces deux domaines que les réponses négatives sont les plus apparentes.
Mais ce qui retiendra particulièrement notre attention c'est le pourcentage élevé (il varie entre 37 et 75 %) de non réponses à cette question. On peut s'interroger sur cette absence apparente d'opinion et je poserai pour ma part trois questions qui pourraient faire le principal objet de notre débat.
Si l'on reprend point par point les domaines évoqués par le questionnaire, on arrive aux constatations suivantes :
Principalement effective pour les bibliothèques constituées en réseau, cette collaboration porte sur les périodiques, la documentation professionnelle (dans ce cas avec les bibliothèques universitaires) et les livres « coûteux », appellation qu'il conviendrait d'expliciter.
La collaboration est jugée nécessaire pour les fonds locaux et régionaux très souvent cités ; puis pour les ouvrages « coûteux », pour les ouvrages spécialisés, pour les périodiques et plus rarement pour les ouvrages de référence notamment quand ils ont une utilisation professionnelle.
Les obstacles à cette collaboration semblent être la diversité des structures administratives, ce qui peut sembler a priori une réponse non pertinente, et une trop grande dispersion des bibliothèques de certains départements.
Très peu pratiqués pour des raisons administratives et comptables ou simplement locales (certaines bibliothèques municipales sont contraintes dans le choix de leurs fournisseurs), ils sont néanmoins souhaités pour obtenir des conditions d'achat et de livraison plus avantageuses. Certaines bibliothèques souhaitent également regrouper les achats faits directement dans de petites maisons d'édition, pour les mêmes raisons que précédemment.
Quand elles existent c'est le plus souvent à la littérature enfantine qu'elles s'intéressent. Il semble qu'en ce domaine les revues spécialisées ne suffisent pas à se faire une opinion sur la qualité des ouvrages.
Mais les clubs sont également souhaités pour les ouvrages de certaines disciplines particulièrement pour les livres scientifiques : est-ce le signe d'une lacune dans notre formation ? On les souhaite également pour préparer des thèmes mensuels ou établir des bibliographies sélectives destinées aux lecteurs. On souhaite à ce niveau ne pas limiter la collaboration aux autres bibliothèques, mais l'étendre à d'autres organismes comme Jeunesse et Sports, CEMEA, etc.
Ils sont peu pratiqués et semblent effectifs pour des ouvrages documentaires ayant des thèmes précis (mais on n'indique pas lesquels) et pour des documents publiés par d'autres bibliothèques. Pour ces derniers documents, la collaboration est très souhaitable et semble être un point d'ancrage pour toute autre forme de collaboration.
On échange et on souhaite échanger de manière ponctuelle des ouvrages des fonds locaux et régionaux, et des périodiques. Cette réponse est à rapprocher des réponses données à la question portant sur les critères communs de conservation et d'élimination des documents.
Il est effectif pour plus de la moitié des bibliothèques répondantes, qui le pratiquent au niveau départemental et régional avec satisfaction ; il semble fonctionner moins bien hors de ces limites. Il est parfois jugé comme une collaboration difficile s'il ne se borne pas aux ouvrages épuisés ou coûteux. Les bibliothèques qui ne collaborent pas à ce service sont avant tout des bibliothèques d'entreprises, d'hôpitaux et des Bibliothèques centrales de prêt pour des raisons qu'il conviendrait de mieux connaître.
Il est effectif avant tout pour des activités d'animation : expositions, conférences, projections de films ; il se pratique aussi pour l'élaboration de publications ; on le trouve enfin pratiqué dans le cadre de la formation professionnelle. Une bibliothèque centrale de prêt indique qu'elle prête des documents aux petites Bibliothèques municipales pour que celles-ci puissent décider de leurs achats en connaissance de cause, notamment pour les encyclopédies.
Enfin, on souhaite que cette collaboration se développe au niveau départemental.
La principale collaboration consiste à orienter les dons reçus vers d'autres bibliothèques.
A cette question peu de réponses « oui » ; lorsqu'elle existe cette collaboration concerne avant tout les ouvrages des fonds locaux et régionaux, et les périodiques.
Cette collaboration est souhaitée à l'échelon régional ; parfois pour des fonds de périodiques et d'ouvrages scientifiques ; mais le plus souvent on souhaite disposer de critères systématiques pour tous les fonds documentaires et particulièrement les livres. Il semble donc très intéressant que l'A.B.F. ait retenu ce thème de réflexion pour son congrès national en 1978.
Il est assez peu pratiqué et porte dans ce cas sur le dépouillement de revues régionales, sur les ouvrages du fonds local et sur les ouvrages des fonds anciens afin de constituer des catalogues collectifs. C'est une collaboration souvent souhaitée pour les ouvrages des fonds anciens au niveau régional. Certaines bibliothèques indiquent qu'elles participent au CANAC et malgré les critiques qu'elles formulent sont généralement désireuses de poursuivre. D'autres souhaitent y participer.
Très peu pratiqué, il concerne essentiellement les fonds anciens. Aucune réponse ne mentionne une quelconque collaboration au niveau de la documentation professionnelle par échange de fiches alors que beaucoup de bibliothèques interviennent dans cette formation professionnelle. On souhaite échanger les fiches des ouvrages des fonds locaux et régionaux et l'on désire qu'il existe une structure régionale pour organiser cet échange.
Quelques catalogues sont constitués au niveau régional pour des fonds locaux et régionaux, pour les périodiques. On souhaite également pouvoir établir des catalogues collectifs des fonds anciens en disposant d'une structure régionale.
Une seule bibliothèque indique sa participation au C.C.O.E. : il est probable que d'autres bibliothèques ayant répondu au questionnaire participent également à ce catalogue, mais elles ne semblent pas ressentir cette participation comme une collaboration.
Cette collaboration apparaît pour les fonds locaux et régionaux, les périodiques, les incunables ; elle existe alors au niveau départemental ou régional, ce qui est également le voeu des bibliothèques qui souhaitent collaborer. La principale condition mise à cette collaboration est de définir au préalable une politique commune d'acquisitions.
Certaines bibliothèques jugent que cette collaboration n'est pas nécessaire car les catalogues et listes d'acquisitions se périment trop vite et ne sont pas indispensables aux lecteurs.
Dans ce domaine, la collaboration est assez forte : elle va du simple échange d'articles entre bibliothèques pour des publications séparées jusqu'à la rédaction et diffusion de bulletins régionaux. Cependant c'est au niveau d'un département que la collaboration semble la plus souhaitée.
Quelques documents sont produits en collaboration : ce sont essentiellement des affiches, des dépliants présentant les bibliothèques, des sacs en plastique pour transporter les livres.
C'est un des domaines où l'on souhaite le plus collaborer autant pour réduire le coût de ces produits en élevant le chiffre de leur tirage que pour mettre en commun des idées et des techniques pour leur réalisation : on souhaite produire ainsi des affiches et des couvertures destinées à différentes publications, notamment les guides du lecteur. On souhaite aussi participer et élaborer en commun des campagnes publicitaires pour la promotion des bibliothèques.
On collabore pour des guides du lecteur, pour des bibliographies et des sélections par thèmes, pour des articles destinés à la presse locale : on souhaite le plus souvent collaborer à des catalogues d'exposition itinérantes, à des guides du lecteur et pour élaborer des cartes d'invitation ou de voeux. Cette collaboration se trouve donc directement liée aux activités d'animation entreprises en commun.
C'est le domaine où la collaboration est la plus effective et la plus souhaitée. Cela montre bien que les bibliothèques ont pris conscience de la nécessité de s'ouvrir les unes aux autres afin d'offrir à leur public des activités d'une certaine envergure et pour échanger leurs points de vue à l'occasion de stages, de journées d'étude ou de réunions amicales.
Les expositions dont la préparation est partagée et qui sont le plus souvent itinérantes sont nombreuses ; on y trouve associés tous les types de bibliothèques. Cette collaboration ne semble pas poser de problèmes mais on aimerait savoir sur quels thèmes elle s'organise ou devrait s'organiser.
On remarquera qu'elle est effective et souhaitée pour tout ce qui concerne le recyclage des bibliothécaires : on se recycle localement en animation, pour étudier des techniques ou des documents nouveaux. Cependant cette collaboration est souhaitée sur le plan régional.
C'est surtout dans ce domaine qu'apparaît la collaboration avec les bibliothèques universitaires, mais on ne voit pas se dégager le cadre dans lequel elle s'accomplit. A ce niveau également, c'est au plan régional qu'on la place. Plusieurs fois apparaît le souci de collaborer pour former des dépositaires de Bibliothèques Centrales de Prêt ou de Bibliothèques municipales.
Elles existent mais elles sont plus souvent le fait d'un hasard heureux que d'une volonté délibérée de se retrouver en dehors des cadres habituels pour discuter de problèmes communs. Elles sont cependant souhaitées notamment par les bibliothèques à petits effectifs.
Plus que des souhaits nous avons relevé des réalisations et quelques projets ; mais ces activités sont éparses, ponctuelles ou trop mal définies pour que l'on puisse en donner le profil.
Si l'on collabore peu, on souhaite cependant que soient créés des ateliers régionaux ouverts à toutes les bibliothèques et que ces ateliers puissent disposer de services de restauration pour les ouvrages anciens.
Malgré les difficultés administratives et pratiques qu'implique une telle collaboration, elle est vivement souhaitée par les bibliothèques peu équipées à condition que puissent être définis un matériel commun et des programmes d'utilisation. On souhaite disposer au moins de matériel offset et de duplicateurs pour la reproduction des fiches de catalogue.
Cette collaboration est également souhaitée par les bibliothèques peu équipées pour les panneaux et vitrines d'exposition qui sont signalés comme étant les matériels les moins détériorables à l'opposé des machines qui nécessitent plus de précautions d'emploi.
On souhaite pouvoir disposer de matériel informatique pour utiliser le prêt automatisé.
Dans l'ensemble la collaboration pour les machines et le matériel semble soulever les problèmes les plus importants : s'il semble légitime de mieux utiliser le matériel qui « dort », en revanche beaucoup de bibliothèques indiquent que leur équipement est rentabilisé, voire saturé. Les bibliothèques municipales attirent l'attention sur les problèmes administratifs soulevés par une collaboration à ce niveau. Presque toutes les bibliothèques indiquent que l'éloignement est un obstacle majeur et qu'on doit éviter le transport de certains matériels fragiles. Certains souhaiteraient « prêter l'homme avec la machine ». Pour toutes ces raisons, on désire que soit créé ou rassemblé au niveau régional un équipement susceptible de servir à plusieurs bibliothèques.
N.B. - Bien que la question n'ait pas été posée, quelques bibliothèques souhaitent également une collaboration au niveau du mobilier (chaises et tables) nécessaire pour des activités ponctuelles.
Sans vouloir conclure, nous ajouterons que, si la collaboration entre bibliothèques n'est pas une idée neuve (plusieurs réponses font état d'expériences arrêtées ou avortées), c'est une idée qui n'a peut-être pas été suffisamment approfondie dans certains domaines de notre activité. Nous essaierons de voir si les obstacles souvent rappelés : différences administratives, différences de moyens, différences d'objectifs, sont des obstacles réels dans tous les domaines ou seulement supposés. Nous tâcherons également de définir les domaines de collaboration qui peuvent être codifiés, ceux qui doivent s'inscrire dans des cadres institutionnels et ceux qui devront au contraire être laissés à l'initiative locale ou individuelle.