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    Discours de M. Denis Varloot


    Madame la Présidente, Messieurs les Inspecteurs généraux, Mesdames et Messieurs. Comme J. GATTE-GNO, je ne faillirai pas à la tradition qui veut que votre congrès annuel me fournisse, comme à lui-même, l'occasion de faire le point sur la politique que mène le Ministère de la recherche et l'enseignement supérieur et sur les actions entreprises pas. la DBMIST.

    En raison du temps qui m'est imparti, vous me permettrez de ne pas aborder aujourd'hui dans le détail les questions qui pourtant, je le sais, suscitent de votre part un vif intérêt et peut-être, pourquoi le nier, quelques inquiétudes: il s'agit de l'évolution de la politique de la DBMIST en matière d'information. J'ai eu l'occasion de m'exprimer clairement sur ce sujet lors d'un entretien accordé à Livres-Hebdo. Je n'y reviendrai donc pas dans mon propos d'aujourd'hui.

    Avant toute chose, je voudrais saluer ici, devant vous, la mémoire de Madame ROSENBAUM, Directeur du Centre International d'enregistrement des publications en série, décédée au mois de novembre 1986. Parmi les toutes premières, cette éminente professionnelle avait compris que l'avenir des bibliothèques et de la documentation ne pouvait se jouer à une échelle nationale, mais bien dans un contexte d'échanges et de coopération à l'échelon international. Les relations qu'elle avait su nouer dans le monde entier lui avaient valu une estime universelle. Sa disparition constitue une très grande- perte pour la communauté professionnelle internationale toute entière.

    L'idée que l'avenir de la documentation ne saurait exister en dehors de la coopération internationale progresse à présent de manière inéluctable. Je n'oublie pas, Madame la Présidente, que votre association avait choisi les relations internationales pour thème de son congrès de Lyon en 1986. Ce n'est pas un hasard non plus, si le congrès IDT 87, qui a précédé cette manifestation de quelques jours, s'est inscrit cette année dans la perspective européenne.

    A présent, si nous essayons de mettre à profit le cadre international pour établir des comparaisons dans les domaines qui nous occupent, qu'observons-nous ? Un fossé qui se creusera chaque jour davantage, si nous n'y prenons garde, entre l'Europe et l'Amérique du Nord, pour l'accès aux documents. Au problème du multilinguisme européen s'ajoute le retard croissant dans la mise en place et l'intégration de réseaux bibliographiques pour le repérage de l'information, de catalogues collectifs pour sa localisation et enfin de messageries de prêt entre bibliothèques. L'exemple de nos collègues américains et canadiens doit nous inciter à réfléchir : ils accèdent directement à l'information ; quant à nous européens, il n'est pas excessif de dire que nous avons à nous livrer à une course d'obstacles dans un labyrinthe. Sur un certain nombre de ces questions, sur celles des formats de catalogage en particulier, je suis convaincu qu'il faut prendre un peu de hauteur et non plus continuer à disputer.

    Si nous n'avons pas l'intelligence et la volonté de nous adapter au monde qui nous entoure, et d'adapter notre politique informatique à ces réalités et aux moyens dont nous disposons, nous courons le risque de ne jamais rattraper notre retard en matière de réseaux bibliographiques et de handicaper ainsi de plus en plus gravement les chercheurs. Comme je l'ai indiqué précédemment, le temps de mon discours ne me permet pas aujourd'hui de reprendre plus complètement ce sujet, mais je puis vous dire que les choix techniques et d'organisation reposent sur les considérations de bon sens que je viens de vous rappeler.

    Avant d'aborder la situation des bibliothèques universitaires, je ne voudrais pas clore mon propos sur la coopération internationale sans avoir évoquer les trois axes principaux des conclusions de l'audition tenue à Luxembourg au mois de février dernier à l'initiative de la Direction Générale XIII de la Commission des Communautés Européennes. L'impact des nouvelles technologies rend plus que jamais nécessaire une relance de la recherche en science de l'information au plan européen ; Dans le souci de l'identité culturelle des différents pays, l'importance des formations en information scientifique et technique s'avère capitale ; au plan national, les associations ont joué un rôle de premier ordre, de même qu'au plan international.

    Je me plairai encore à citer brièvement les actions menées par la DBMIST dans le cadre de cette coopération internationale : une rencontre d'experts français et allemands aura lieu à Berlin, au mois de juin, mise en place conjointement par la DBMIST et le Deutsches Bibliotheksinstitut sur le thème des catalogues collectifs ; pour la quatrième année, le séminaire annuel organisé avec la British Library se tiendra en décembre. La DBMIST poursuit son effort pour affirmer la présence française au sein de l'IFLA et, d'ores et déjà, participe activement à la préparation du congrès de l'IFLA qui se tiendra à Paris en 1989.

    Vous me permettrez maintenant de sacrifier à la loi du genre qui veut que je présente l'action du Ministère de la Recherche et de l'Enseignement supérieur.

    Je commencerai mon propos par une description que je n'ai pas voulu forcer dans le sens du pessimisme : la situation de l'enseignement supérieur n'est pas bonne. Elle se caractérise, malgré les efforts consentis ces dernières années, par une pauvreté relative par rapport au pays voisins. Il ne suffit pas de constater que le chercheur, l'étudiant français lisent beaucoup moins en moyenne que leurs homologues étrangers. Plus lourd de conséquences me paraît être le manque de solidarité entre les acteurs concernés, entre les BU et les BUER, entre les bibliothécaires et les documentalistes (et ceci malgré l'action de l'ADBS), entre les BU et les CDI, et très souvent encore, entre les bibliothécaires et les chercheurs. Autre frein au développement des services mais aussi à la reconnaissance des professions de l'information : l'ignorance des coûts de l'information et, à fortiori, une difficulté certaine à les budgétiser. Cependant c'est dès à présent qu'il faut prévoir institutionnellement deux millions d'étudiants environ, à l'horizon de l'an 2000. C'est dès à présent donc que les bibliothèques universitaires vont devoir définir avec les universités un certain nombre d'objectifs prioritaires, parmi lesquels la formation permanente de tous les personnels. J'aurai l'occasion d'aborder plus loin cette question, mais en faisant le bilan des actions entrprises, je voudrais encore ajouter ceci. Nous ne disposons pas encore à ce jour d'information qui puisse être confirmée sur les perspectives du budget 1988. La seule qui soit connue est une diminution très probable des effectifs des personnes de l'ordre de 1,5%.

    Le décret du 4 juillet 1985 portant organisation de la documentation universitaire est entré en application dans les quinze universités françaises ayant adopté des statuts conformes à la loi Savary. Un "toilettage" de ce décret, souhaité par plusieurs associations professionnelles, est prévu ; il portera notamment sur la qualité d'ordonnateurs secondaires de droit des Directeurs de BU, sur l'appellation même de ces bibliothèques ; il permettra d'apporter les précisions nécessaires sur la partie du décret concernant les BIU, ainsi que sur le renforcement de l'autonomie budgétaire des établissements.

    Vous le savez, ce décret ne s'applique pas au BIU parisiennes. Des réunions de travail avec les universités concernées se sont tenues régulièrement depuis 1986, réunions au terme desquelles il semble que la forme d'organisation le mieux adaptée à la complexité des établissements les plus importants serait celle de GIP (Groupement d'intérêt public) - bibliothèques.

    En dépit des points noirs que j'ai évoqués précédemment, il est essentiel de souligner les aspects positifs de l'action menée par le Ministère de la Recherche et de l'Enseignement supérieur.

    Les BIU sont actuellement en pleine phase de modernisation. La formation des personnels que chacun reconnaissait comme inadaptée, connaît une profonde restructuration.

    La réforme des CRFP qui, - comme Jean Gattegno se plaisait à l'évoquer tout à l'heure-, est le fruit d'une coopération exemplaire entre le BU et la DBMIST, cette réforme va aboutir avant la fin de l'année 1987 à la création d'un certain nombre de nouveaux centres entre cinq et dix, dont deux situés à Paris, et appuyés sur les universités de Paris III et Paris X. Pour ce qui concerne l'ENSB, l'année 1987-1988 sera, en attendant la mise en place de l'ENSSIB, une année de transition avec une réelle réforme du contenu des enseignements. En outre la possibilité est offerte aux élèves de l'Ecole de préparer deux diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS) : l'un correspondant à une option "Médiathèques publiques" et délivré par l'Université des Sciences sociales de Gre-noble ; l'autre en informatique documentaire, délivré par l'Université de Lyon I. A cet égard, je tiens à saluer ici le travail remarquable effectué par Jacques KERIGUY qui vient d'être confirmé dans son poste de Directeur de l'ENSB.

    L'action de formation entreprise en direction des utilisateurs va se trouver renforcée par la création de deux nouvelles URFIST : l'une à Paris (située auprès de l'ENSET, à Cachan), l'autre en province, dont l'implantation n'est pas encore définitivement arrêtée.

    Autres actions entreprises : celles en faveur de la conservation et de l'exploitation du patrimoine. Même si elles demeurent aujourd'hui encore modestes, elles ne sont pas négligeables, et j'en citerai trois exemples : le premier est celui des travaux menés sur les fonds documentaires européens dans les grandes bibliothèques de recherche. Cet inventaire s'effectue dans un contexte de coopération européenne, sous l'égide de la bibliothèque interuniversitaire Cujas.

    Seconde action en cours : l'appel d'offre lancé par la réédition d'ouvrages de fonds anciens. Cette opération dont vous avez entendu parler sous le nom de concours de reprints a fait l'objet jusqu'à présent d'une quinzaine de propositions sérieuses qui seront examinées par un jury au cours du dernier trimestre de l'année. Enfin la réalisation de vidéodisque permet de valoriser un patrimoine d'images jusqu'ici pratiquement inaccessibles ; après les miniatures de la bibliothèque Ste Geneviève, c'est aux vélins du Muséum que nous nous attaquons.

    En ce qui concerne le développement des sciences de l'information, une nouvelle école d'été consacrera cette année des travaux, à Poitiers, du 9 au 18 septembre au thème de la communication de l'information scientifique et technique vers le grand public. Faisant suite aux journées de Villeur-banne qui avaient réuni l'an passé les enseignants en sciences de l'information, un nouveau colloque organisé au CNAM en décembre 1987 permettra un large débat entre enseignants et employeurs.

    Je rappelerai enfin que se tiendra, du 22 au 24 septembre prochain, à Saint-Etienne, la seconde rencontre consacrée à la télématique universitaire.

    Les journées UNISTEL seront cette fois plus particulièrement centrées sur la maîtrise de la communication à l'université.

    Je souhaiterais à présent dresser pour vous un bilan rapide de la modernisation des bibliothèques universitaires. D'ici la fin de l'année 1987, 97 systèmes anti-vol auront été installés, dont 76 avec la participation financière de la DBMIST. La mise en place de ces équipements se fait bien entendu avec pour objectif l'installation ou le développement du libre accès.

    Un tiers des sections de BU sera pourvu d'un système de prêt informatisé : 46 systèmes fonctionnaient déjà fin 1986, 63 fonctionneront fin 1987.

    Aujourd'hui, toutes les sections sont équipées de terminaux d'interrogation en ligne, donnant accès à plus de 320 banques de données. 50 de ces banques ont été aidées par la DBMIST. A partir de ces 200 terminaux, 10 000 heures d'interrogation ont été réalisées en université, dont 60 % en BU. Grâce aux structures mises en place par la DBMIST, les URFIST, 1500 personnes ont été formées aux techniques de l'IST.

    Aux 100 lecteurs de microfiches installés en 1986, viendront s'ajouter d'ici la fin de l'année 50 nouveaux appareils. La DBMIST a participé financièrement à la mise en place d'une vingtaine de lecteurs de vidéodisques ainsi qu'à la réalisation de plusieurs banques d'images, notamment dans le domaine de l'archéologie antique et dans celui de la médecine. Tout laisse espérer l'implantation prochaine de lecteurs de CDROM

    Le SUNIST a produit en 1986 plus de 70 000 heures d'interrogation. Le fait qu'il ait accru sa capacité de prise en charge de banques de données et d'applications n'est sans doute pas étranger à la mention particulière que Minitel Magazine a décernée à la banque dont il est le serveur. Il convient de signaler également l'accès par Minitel à TELETHESES, TELE-LAB, TELEBANK, et pour 1988, de nouvelles applications bibliothéconomiques sur minitel comme, par exemple, le CCN.

    Le dernier volet de la modernisation des bibliothèques que je voudrais évoquer avec vous n'est pas le moindre : il s'agit de la contractualisation. Si contrairement à ce qui a pu être dit, les budgets documentaires n'ont pas globalement diminué, par contre, il y a eu une réactualisation du principe de leur affectation.

    Moins de crédits seront attribués sur critères normés, plus de crédits sur des contrats de recherche. Pour mener à bien cette politique , des outils d'évaluation s'avèrent nécessaires. Je pense tout particulièrement aux "plans de développement des collections". Un premier stage se déroulera prochainement à Paris pour former les professionnels des BU à la technique des PDC. Je pense également aux tableaux de bord, outil permettant le pilotage local. Je recommande vivement à ce sujet la lecture des excellents articles du n 1 de la Revue de bibliométrie.

    Quant aux contrats de modernisation, contrats qui seront désormais établis de manière globale et à partir d'objectifs bien définis, ils devront intégrer les aspects humains et notamment l'évaluation des besoins en formation, indispensables pour mener à bien cette modernisation.

    De la sorte, il est permis d'espérer que les meilleures conditions seront réunies pour prévoir la mise en place, dans les établissements, de plans de formation continue cohérents ainsi que de responsables de l'amélioration des conditions de travail. Ces décisions se prendront naturellement en accord avec Jean Gattegno.

    Cette dernière remarque me rapproche, Madame la Présidente, du thème qui est celui de votre congrès : organisation du travail, relations et pouvoirs dans les bibliothèques. L'introduction des nouvelles technologies appliquées à l'information, leurs incidences économiques renouvellent l'actualité des questions dont vous allez débattre ici. Je demeure persuadé également que ces thèmes doivent occuper une place prioritaire dans la formation des professionnels et contribuer à modifier le visage de notre profession. Votre réflexion sera fructueuse, je n'en doute aucunement. Je voudrais enfin, en guise de conclusion, vous rappeler à quel point je partage la conviction de Jean Gattegno sur l'importance du rôle des associations professionnelles en France.

    L'administration, nos administrations ont absolument besoin de dialoguer avec, voire de déléguer des missions de réflexion, d'études ou de formation à des associations fortes et actives. J'y vois l'une des conditions du développement des bibliothèques françaises.

    C'est la raison pour laquelle l'affluence à ce congrès que vous vous êtes plu à souligner légitimement, Madame la Présidente, me rend confient dans le succès de cette manifestation et la qualité du résultat de ses travaux.