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    Une bibliothèque nationale au service de tous

    Par Catherine Schmitt, Directrice de la documentation du Musée national d'art moderne

    Je précise que je ne m'exprime pas ici au nom du Musée national d'art moderne, mais en qualité de présidente de la sous-section des bibliothèques d'art de l'Association des Bibliothécaires Français. Et j'espère, à ce titre, que mes propositions refléteront les interrogations et les attentes de mes collègues bibliothécaires et documentalistes de Paris et de province.

    Je tenterai tout d'abord d'évoquer quelques-uns des problèmes d'ordre déontologique et structurel que soulève le projet. Puis, je souhaite insister sur certaines nécessités absolues en matière de services et de missions.

    Je passerai assez rapidement sur la forme, certes encore floue, mais discutable, sous laquelle se présente actuellement le projet. Je me réjouirai, avec vous, de voir enfin la Bibliothèque d'art et d'archéologie sortir des oubliettes de l'Administration. Je m'étonnerai, comme vous, de voir le " plus grand musée du monde " omettre, en quelque sorte, de se doter d'une bibliothèque à la mesure de ses ambitions. Mais je choisirai de donner un point de vue prospectif plutôt qu'un jugement sur les choix de départ.

    Une nécessité

    Souvenons-nous du rapport Chastel et de ses propositions, parole de professionnel non relayée par une volonté politique, comme en témoigne la malheureuse aventure de " l'Institut national d'histoire de l'art ". Aujourd'hui, une volonté politique se dessine, qui, après avoir destiné la Bibliothèque d'art et d'archéologie (BAA) à divers lieux parisiens, lui propose de voisiner avec quelques consoeurs dans un ensemble dont les contours structurels nous sont encore inconnus.

    Nous savons tous, pour l'avoir vécu encore récemment avec certains grands projets, que la décision politique ne prend pas toujours la forme attendue ou préconisée par les professionnels. Or, seule la décision politique met en oeuvre des moyens et crée de nouvelles opportunités.

    Le projet qui nous réunit aujourd'hui, constitue, si imparfait soit-il, une opportunité qu'il importe de saisir absolument. A nous professionnels de l'art et de la documentation de tenter de l'orienter et de le modeler selon nos besoins. L'un des aspects les plus déroutants de ce projet réside en effet dans les délais qui lui sont impartis. On pourrait penser, qu'étant tributaire des échéances de la construction de la Bibliothèque de France et du déménagement de la Bibliothèque nationale, il a tout le temps d'être préparé, étudié, peaufiné, ou, au pire, modifié au gré de nouveaux aléas politiques.

    Plusieurs urgences sont néanmoins à souligner :

    • celle du sauvetage physique de la BAA qui heureusement ne semble pas devoir attendre l'évacuation de la rue de Richelieu ;
    • celle des établissements directement concernés : le Louvre, les départements spécialisés de la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, qui ne peuvent vivre pendant 4 ans sur de simples hypothèses ;
    • celle de tous les partenaires obligés du projet : la Bibliothèque de France, qui doit définir à la fois sa propre politique d'acquisition en art et ses liens structurels avec la rue de Richelieu, notamment avec les départements spécialisés ; les universités, qui devront réorganiser leurs activités autour du projet ; la Délégation aux arts plastiques, qui pourra s'interroger sur l'articulation possible avec le réseau des écoles d'art ; la Direction des musées de France, qui devra définir une politique documentaire des musées ; le Musée national d'art moderne, qui par l'importance de ses collections et son avance en matière d'informatisation, pourrait devenir au Centre Pompidou un pôle XXesiècle ; tous les établissements de province, enfin, dont les choix documentaires ou informatiques vont dépendre des choix nationaux.

    Pour toutes ces raisons, il me semble indispensable de lancer dès aujourd'hui, parallèlement au déménagement de la BAA, un double chantier : la création d'une structure dont les missions dépassent largement la simple organisation d'une cohabitation géographique, la mise en oeuvre des outils collectifs indispensables à l'histoire de l'art en France.

    Le regroupement géographique proposé pourrait constituer une sorte de version minimale du projet. Espérons qu'il n'en sera rien. Une simple cohabitation ne répondrait en effet à aucune nécessité intellectuelle, scientifique ou professionnelle. Elle ne ferait qu'exploiter, avec plus ou moins de bonheur, l'espace libéré rue de Richelieu. L'objectif ainsi atteint serait bien mince, même si l'on peut trouver dans ce regroupement quelques atouts, que je qualifierai de symboliques :

    • la force du lieu lui-même, bâtiment prestigieux, chargé d'histoire, vénérable et vénéré,
    • le mythe, toujours vivace, de l'accumulation du savoir en un seul endroit,
    • l'effet d'entraînement qu'ont toujours en France les projets d'envergure : rappelons simplement le rôle de catalyseur qu'ont joué la BPI, le Grand Louvre, et que joue aujourd'hui la Bibliothèque de France.

    Mais, globalement, le rassemblement rue de Richelieu de plusieurs bibliothèques présente plus d'inconvénients que d'avantages. On peut s'interroger en effet sur l'espace qu'offrira le redéploiement des départements de la BN aux nouveaux arrivants, sur la réelle complémentarité des collections regroupées, sur l'articulation des départements " artistiques " (Estampes et Manuscrits) avec les fonds d'art partis à Tolbiac, sur la place de départements plutôt hétérogènes tels que les Cartes et plans, les Monnaies et médailles, la Musique, sur l'arrivée du département des Arts du spectacle, qui, grand consommateur d'espace, aurait mérité de faire l'objet d'un projet spécifique d'envergure, sur l'exclusion de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet dont le fonds de livres d'art est pourtant considérable, sur la continuité, au sein des universités concernées, entre les enseignements, la documentation, la recherche, sur le maintien pour les conservateurs du Louvre du lien avec leur outil de travail.

    De toutes ces questions ressortent deux impératifs :

    Le premier consiste à accueillir, en plus des bibliothèques concernées, les activités qui leur sont liées. Si l'hébergement dans l'ensemble Vivienne-Richelieu d'une partie des activités des universités Paris 1 et Paris IV semble acquis, les choses se compliquent dès que l'on tente de faire la liste de toutes les institutions ou associations ayant un lien avec les collections regroupées. S'amorce alors une spirale infinie évoquée par Michel Melot.

    Le second impératif consiste à donner sa cohérence à cet ensemble hétéroclite par la mise en oeuvre d'objectifs et de moyens communs.

    Il ne saurait être question, face aux besoins de la recherche en art en France, de déménager et de moderniser plusieurs bibliothèques, en leur donnant quelques moyens supplémentaires, sans passer par la définition de missions nouvelles. Il s'agit de créer un ensemble de dimension internationale, qui donne à la France sa juste place dans le monde de la recherche en histoire de l'art - et aussi de doter le pays d'un outil national à la mesure de ses besoins documentaires.

    Un concept

    Il semble aujourd'hui que soit officiellement adoptée l'appellation de " bibliothèque nationale des arts ".

    Si une telle entité administrative et juridique est encore incertaine, il m'a paru intéressant d'explorer le concept lui-même, car il répond d'une certaine façon aux attentes des professionnels, tout en posant quelques problèmes.

    Par une coïncidence amusante, j'ai assisté en février 1990, lors du congrès annuel des bibliothèques d'art nord-américaines, à une session consacrée au même thème : peut-on concevoir, en Amérique du Nord, une ou des bibliothèques nationales d'art ? Je me suis donc largement inspirée du contenu de cette session pour vous soumettre les quelques réflexions qui suivent.

    S'il est évident que les notions de bibliothèque nationale d'art et de bibliothèque nationale tout court ne sont pas interchangeables, l'abondance de la littérature consacrée aux bibliothèques nationales fournit plusieurs pistes de débat. Ainsi la compilation des différentes définitions de leurs missions données par l'UNESCO, l'IFLA, et divers articles ou dictionnaires, fait apparaître que certains aspects de ces missions évoluent fortement.

    La première notion, celle de rassemblement d'une collection, qui fasse référence sur le plan national et international pose un triple problème : celui de la complémentarité entre les différentes entités du projet, en termes de politique d'acquisition et de conservation, celui des moyens nécessaires à l'enrichissement des collections (disposerons-nous du dépôt légal pour la production française en art, et de crédits suffisants pour la production étrangère qui représente 70 % au moins des collections ?), enfin et surtout, celui de l'impossibilité même d'un tel rassemblement.

    En effet, d'une part, l'explosion de la production documentaire comme celle de la demande des différents publics ne permettent plus aujourd'hui à une seule institution, aussi multiforme soit-elle, de faire face de façon isolée. D'autre part, la richesse des autres collections parisiennes, la floraison des musées de province, le développement des écoles d'art, incitent à considérer que toutes les bibliothèques d'art françaises constituent, ensemble, " la collection nationale " d'histoire de l'art. Je vous renvoie à ce sujet à l'excellent article de Bruno Fou-cart dans Beaux-Arts Magazine de septembre 1986, qui me paraît toujours d'actualité. Par une " promenade " dans les bibliothèques d'art parisiennes il plaide à la fois pour la diversité des lieux, des collections, des missions, pour le renforcement des moyens et pour une indispensable coordination.

    Le nouvel ensemble de la rue de Richelieu ne saurait être constitué et enrichi que dans le cadre du paysage documentaire français en histoire de l'art. Les collections parisiennes ne répondent pas nécessairement à tous les besoins. Je citerai deux exemples : le fait que les bibliothèques municipales de province possèdent ensemble, d'après une enquête de la Bibliothèque nationale, bien davantage de livres anciens que la BN elle-même ; les tests effectués récemment entre les collections du MNAM, qui font pourtant référence pour l'art moderne, et celles du musée de Grenoble ou du Musée d'art contemporain de Bordeaux font apparaître des taux de recouvrement de 30 à 40 % seulement. La prédominance de la fonction de collecte centralisée dans la définition d'une bibliothèque nationale tend depuis plusieurs années à faire place à celles de coordination et de localisation, la notion d'accumulation est petit à petit supplantée par celles de communication et de service. La rue de Richelieu ne peut aller à l'encontre de cette évolution.

    La seconde notion, celle de l'accès du public à ces collections, indissociable de leur conservation, est une question cruciale. Je rappelerai ici une autre rencontre, organisée par Michel Melot, le 25 mai 1991, avec les directeurs des principales bibliothèques d'art européennes : la Bibliothèque nationale d'art du Victoria and Albert Museum à Londres, la Biblioteca Herziana de Rome, le Zentral Institut fur Kunstgeschichte de Munich, le Centro de Arte Reina Sofia de Madrid, le Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie de la Haye. Se cotoyaient deux modèles très différents de bibliothèque nationale spécialisée : le premier, en Angleterre ou en Espagne, associe une collection la plus large possible à une ouverture à tous les publics, le second, en Allemagne par exemple, fédère des bibliothèques hautement spécialisées, dites de dernier recours. Il semble que nous oscillions pour la rue de Richelieu entre ces deux conceptions, et que la tendance naturelle aille vers la seconde, ce qui paraît une dérive dangereuse.

    La notion de bibliothèque de dernier recours, c'est-à-dire de niveau recherche et 3ecycle, ne serait en effet envisageable que si la France était dotée d'un réseau solide de bibliothèques universitaires. Loin s'en faut, et je reprendrai la mise en garde de ma collègue Geneviève Bonté, directrice de la Bibliothèque des arts décoratifs : " si nous voulons des étudiants de 3ecycle, il faut bien qu'ils passent d'abord par les 1er et 2ecycles ". La situation documentaire de ce point de vue est scandaleuse. Les étudiants effectuent une harassante rotation, selon leurs horaires d'ouverture, entre les rares bibliothèques " d'art " dont l'accès est facile : la BPI, la Bibliothèque Forney, la Bibliothèque Sainte-Geneviève, la Bibliothèque des arts décoratifs, et celle du MNAM pour l'art moderne.

    L'ouverture à tous les publics est une question de principe essentielle. Si elle n'était adoptée, la réalité impérieuse de la demande estudiantine se chargerait sans doute de rappeler à l'État ses obligations en la matière.

    Les outils bibliothéconomiques dont nous disposons aujourd'hui nous permettent de gérer de façon différenciée la demande de ces publics, et de concilier enfin communication et préservation des collections. L'un des enjeux majeurs du projet de la rue de Richelieu réside dans la mise en oeuvre d'une politique raisonnée, concertée et nationale d'accessibilité des collections. Les moyens techniques existent, notamment en matière de reproduction et de transmission à distance des documents, il convient d'y adjoindre les moyens financiers et administratifs, c'est-à-dire une structure commune de services nationaux.

    Enfin, la troisième et principale notion à retenir de la définition d'une bibliothèque nationale est celle de ses missions nationales. Si cette notion regroupe plusieurs fonctions, longtemps conçues comme centralisées : centre bibliographique national, agence de normalisation et de localisation, etc, elle évolue aujourd'hui vers un rôle plus subtil d'animation de réseau.

    Il n'y aura pas de projet utile et réussi rue de Richelieu si n'est mis en oeuvre dès maintenant un réseau national des bibliothèques d'art. C'est ce que proclamait déjà en octobre 1989 une motion adoptée par les 140 bibliothécaires et documentalistes réunis à Saint-Étienne.

    Il paraît toutefois nécessaire d'apporter ici quelques précisions sur l'usage, parfois fluctuant, du terme de réseau lui-même. Le réseau dont nous avons besoin ne réside en aucun cas dans un système de connexion informatique, reliant en temps réel à travers tout le territoire toutes les bibliothèques du pays. Le réseau dont nous parlons serait une sorte de consortium, de coopérative, de mutuelle, de cartel, de pool, ou d'association assurant des fonctions d'intérêt national.

    Certaines seulement de ces fontions requièrent des outils informatiques. Sur ce point aussi, nous avons trop souvent confondu les genres : la gestion d'une bibliothèque, la localisation des documents, la fourniture et les échanges de notices, le prêt entre bibliothèques, le dépouillement des périodiques, l'accès aux bases de données sont autant de fonctions informatisées qu'il convient d'assurer plutôt séparément.

    Nous avons longtemps cru, encouragés par quelques expériences ministérielles comme le réseau Libra, pouvoir en assurer plusieurs à la fois sur le même outil. Nous avons aussi une longue tradition de réseaux constitués de façon verticale et unilatérale par nos différents ministères. Or, l'histoire de l'art a l'horrible malchance d'être interministérielle. Je plaide donc pour des solutions transversales et légères et vous soumets onze propositions d'action.

    Des missions

    1 - La constitution d'un catalogue collectif.

    La nécessité de localiser les documents possédés par toutes les bibliothèques d'art françaises fait l'unanimité.

    Première étape, indispensable, l'informatisation de ces bibliothèques. Il est plus qu'urgent de doter la BAA, les bibliothèques du Louvre et de l'ENSBA de systèmes de gestion intégrée, fournis clés en main par des constructeurs respectant les standards nationaux et internationaux. Une bibliothèque qui se connecte sur un réseau bibliographique national ou international n'est pas une bibliothèque informatisée. Il s'agit là d'investissements réalistes (de 1 à 2 millions de francs par établissement, ou moins si on les groupe), sans lesquels le projet s'enlisera dans un archaïsme inefficace.

    Même nécessité pour les bibliothèques de province, en privilégiant les aspects de standardisation et de réseau local.

    Seconde étape : effectuer la rétrocon-version, c'est-à-dire transférer sur support informatique le signalement de tous les documents de ces bibliothèques. Selon la qualité et le contenu des fichiers existants, trois méthodes sont possibles : la récupération des notices dans des réservoirs nationaux ou internationaux, la saisie directe par des prestataires spécialisés, l'échange de notices entre bibliothèques déjà informatisées. J'insiste à ce propos sur la nécessité, politique et économique, de panacher ces méthodes et non d'en imposer une par autorité de tutelle.

    Troisième étape : regrouper sur un même support les données ainsi obtenues. Pour l'instant, seul le CD-ROM paraît réaliste. Je travaille actuellement sur deux projets de ce type pour l'art moderne : l'un européen, l'autre national. Les investissements nécessaires sont tout à fait raisonnables et les mises à jour peuvent être financées de façon coopérative grâce aux abonnements.

    Je suggère que nous nous inspirions, dans ce domaine, de la philosophie et de l'organisation très réalistes du projet VIDEOMUSEUM (catalogue collectif d'oeuvres du XXesiècle dans les collections publiques françaises).

    2 - La création d'une cellule d'étude des problèmes de vocabulaire

    L'harmonisation nationale s'impose. Nous devons, à partir des outils existants, encore incomplets, proposés par la BN, par la nouvelle bibliographie franco-américaine (BHA) et d'autres partenaires, aboutir à une liste d'autorité des noms d'artistes qui couvre tous les domaines et toutes les époques, et qui soit utilisée à la fois par les bibliothèques et les musées.

    L'harmonisation de l'indexation matière est beaucoup plus complexe. Les systèmes " maison " sont innombrables, la structure désuète du thésaurus encyclopédique RAMEAU, préconisé comme outil national, répond difficilement aux besoins des bibliothèques d'art et le " Art and Architecture Thésaurus ", mis au point par la Fondation Getty, est en passe d'être adopté dans de nombreux pays européens. Il est urgent d'entamer des négociations techniques sérieuses avec la Bibliothèque Nationale et avec le CNRS, si nous ne voulons nous retrouver réduits à échanger des notices et constituer des outils collectifs dépourvus d'indexation matière commune.

    3 - Le lancement d'un programme collectif de reproduction

    Ce n'est en effet que par un programme commun de supports de substitution (microfilmage, reprints, numérisation) que nous saurons assurer à la fois la conservation et la diffusion du patrimoine de nos bibliothèques. Il s'agit de nous associer et d'associer des partenaires comme l'ACRPP, la Bibliothèque de France, sur des projets précis tels que certains titres de périodiques ou de salons dont le papier se désagrège au fil des ans, certains fonds d'archives et tous ces documents éminemment rares ou fragiles, trop consultés en de trop rares endroits.

    4 - La création d'un groupe de travail sur le dépouillement des périodiques

    Si je fais partie des quelques bibliothécaires qui pensent que le dépouillement ne peut plus aujourd'hui se faire en bibliothèque, j'estime cependant que nous devons en finir avec l'inefficacité de notre contrôle de la littérature périodique.

    Le RILA et le RAA viennent de fusionner pour donner un nouvel outil que nous espérons plus riche. Une bibliographie pour l'art contemporain vient de naître à Kassel. Mais les résultats sont encore incohérents, comme en témoigne une étude récemment menée par la BPI et le MNAM pour l'art moderne. Je propose que ce travail soit repris pour toute l'histoire de l'art afin de constituer à l'échelon international un groupe de pression qui aide nos partenaires commerciaux à une couverture raisonnée et complète de la production.

    5 - La mise en place d'une politique nationale de collecte d'archives

    Trois nécessités sont à souligner en effet : le dégagement de crédits communs, sous forme de fonds d'intervention, destinés à enrayer la fuite à l'étranger des archives d'artistes, de critiques, de collectionneurs, de marchands ; la répartition des compétences entre les différentes institutions ; l'inventaire des fonds d'archives disséminés en France.

    Je vous renvoie à ce sujet à l'interview de Jean-Marc Léri dans Beaux-Arts Magazine de janvier 1991.

    6 - L'organisation d'actions de formation

    La spécificité des nombreux supports de l'histoire de l'art, le développement des bibliothèques d'art en province, l'évolution des méthodes et des outils ne peuvent qu'encourager la mise en oeuvre d'une politique nationale de formation. La demande est très importante, les modalités peuvent être très légères et reposer sur un partage ou une rotation entre les principales institutions spécialisées.

    7 - Le lancement d'une politique nationale de dossiers d'artistes

    La charge de travail et la consommation d'espace induites par la collecte et la conservation de tous les petits imprimés, éphémères et précieux, qui constituent les dossiers d'artistes appellent à une coordination nationale dans ce domaine, notamment pour l'art moderne et contemporain. Une première étape permettrait d'éviter les redoublements, une seconde pourrait envisager la constitution d'un catalogue collectif des dossiers (cf. Canada) et leur transfert sur des supports de substitution.

    8 - L'organisation d'une collaboration systématique avec les universités

    Il s'agirait notamment de développer en France la bibliographie en histoire de l'art dans deux directions : son enseignement, encore largement insuffisant et la recherche en encourageant par exemple les mémoires de bibliographie, les dépouillements rétrospectifs.

    9 - Le développement des catalogues collectifs d'oeuvres

    Si les bibliothèques maîtrisent aujourd'hui, ou du moins s'attaquent sérieusement à la constitution de catalogues collectifs d'ouvrages et de périodiques, elles peuvent aussi jouer un rôle dans le développement des catalogues collectifs d'oeuvres d'art, qui manquent cruellement à la recherche en France.

    Là encore le partenariat avec la Direction des Musées de France notamment peut aboutir à une action efficace en matière de localisation et d'harmonisation. Les nombreuses rencontres que nous avons eues pour l'art moderne avec le projet VIDEOMUSEUM nous ont montré qu'il y avait fort à faire dans le rapprochement entre les techniques bibliothéconomiques et documentaires et les services de gestion et de description des oeuvres.

    10 - La création d'une mission photographique nationale

    Un premier niveau consisterait à doter l'ensemble Richelieu d'une grande photothèque transversale assurant 3 missions : la conservation (avec un rôle d'expertise national), la reproduction à des fins commerciales ou pédagogiques, la documentation, avec la création d'une photothèque d'oeuvres utilisant les supports de substitution.

    Le second niveau, national, aurait une fonction de coordination de toutes les photothèques d'art françaises, en termes de normalisation, de localisation, de reproduction et de conservation.

    11 - La mise en place d'un service de recherche à distance

    Pour pallier l'éloignement du Louvre, pour contourner la lourdeur de l'ensemble et pour répondre à des besoins institutionnels urgents et spécifiques tels que ceux des musées, on pourrait envisager la constitution d'une équipe de documentalistes chargée d'exploiter sur demande les outils existants et d'assurer un service rapide de réponse par télécopie.

    En conclusion, je ferai référence à un article publié dans Art Libraries Journal en janvier 1988 par Clive Phillpot, directeur de la bibliothèque du Museum of modern art de New-York, alors président des bibliothèques d'art nord-américaines, intitulé Bibliothèques nationales d'art monolithes ou artels " A la lumière des arguments que j'ai évoqués, il préconise la constitution d'un réseau national sous forme de coopérative. Nous n'avons pas besoin pour faire de la rue de Richelieu un véritable outil national, d'une lourde structure bureaucratique et centralisée, nous pouvons, dès aujourd'hui avec un budget raisonnable, sous une forme associative et participative, assurer les missions qui feront du projet une véritable réussite.