On m'a demandé de faire le point sur la Bibliothèque des Musées nationaux, plus communément appelée " bibliothèque du Louvre ". Il faudrait plutôt parler du Service des bibliothèques des Musées nationaux, car il s'agit d'un ensemble de 24 bibliothèques - une par musée - de taille et de compétence fort diverses. La plupart sont de simples bibliothèques de service, liées aux documentations des musées, regroupant entre 500 et 2 000 volumes et une dizaine de titres de périodiques. Mais d'autres sont des instruments de travail plus spécifiques et plus riches : la bibliothèque du Musée Guimet (110 000 volumes), la seule à avoir le statut de bibliothèque publique, est la plus importante en Europe sur les arts asiatiques ; celle du Musée des arts et traditions populaires regroupe 80 000 volumes sur le folklore et l'ethnologie française et européenne ; et celle du Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain en Laye, depuis longtemps instrument de base du bulletin signalétique du C.N.R.S., est désormais l'épine dorsale de la base FRANTIC.
La bibliothèque centrale des Musées nationaux (près de 300 000 volumes, 2 000 titres courants de périodiques) joue un peu le rôle de mère-poule, celle qui se charge d'approvisionner, d'enrichir et d'entretenir, dans les faibles moyens dont elle dispose, les bibliothèques-annexes et de mettre constamment à jour un catalogue collectif des ouvrages entrés dans les musées nationaux.
Très profondément liée aux sept départements du Musée du Louvre (Antiquités égyptiennes, Antiquités orientales, Antiquités grecques, étrusques et romaines, Objets d'art, Sculptures, Peintures et Arts graphiques), c'est plus une bibliothèque sur les oeuvres d'art qu'une bibliothèque d'histoire de l'art. Les acquisitions se font en liaison permanente avec un correspondant de chaque département qui propose des listes que l'on vérifie, discute ou complète selon les besoins.
Ainsi s'est peu à peu formée une collection très spécialisée d'où ont disparu les " livres d'art " au profit d'ouvrages d'érudition, de thèses, de rapports de fouilles, de catalogues raisonnés et de " tirés-à-part " auxquels on porte la plus vive attention. Suivant le même fil, on a développé la collection des périodiques dans laquelle large place a été donnée aux bulletins de musées et d'institutions patrimoniales, aux revues d'archéologie et aux publications de sociétés de savants et d'antiquaires.
La réunion des Musées nationaux met à la disposition de la bibliothèque un certain nombre de publications qui sont régulièrement échangées avec plus de 500 organismes où les pays de l'Europe de l'Est, les universités américaines et les diverses associations plus ou moins formelles d'Italie ont une part prépondérante. Ces échanges contribuent à peu près pour un tiers aux enrichissements de la bibliothèques mais portent sur des catalogues d'exposition, des catalogues raisonnés de collections ou des publications à tirage limités qu'il serait très difficile de se procurer par les voies commerciales habituelles.
Chose importante, le domaine des Antiquités couvre actuellement 47 % de la totalité des fonds spécialisés de la bibliothèque. Il convient d'y insister d'autant plus que le nombre de bibliothèques traitant de ces domaines à Paris est des plus réduits et que le service rendu aux chercheurs doit en être d'autant plus efficace.
Il reste enfin l'épineux problème des catalogues de vente. En-dehors de Drouot, Sotheby's et Christies, la bibliothèque des musées nationaux essaye de suivre les ventes de la province française, de la Suisse, de la Belgique, de l'Autriche, de la Suède, des bribes des pays latins (Espagne et Italie) et, dans la mesure de nos moyens, du monde nordique (Alle-magne, Danemark et Pays-Bas). Or, dans la seule année 1991, ces catalogues ont couvert 11 mètres de rayonnages (au 30 novembre dernier). On continue, contre vents et marées, à les cataloguer sur un système informatique " maison ", faute de pouvoir continuer à stocker les fichiers. C'est sans aucun doute actuellement la collection dont l'accroissement pose les plus gros problèmes.
La bibliothèque des Musées nationaux a, en outre, reçu en dépôt la bibliothèque de la Société Nationale des Antiquaires de France, doyenne en prestige au moins, de toutes les sociétés savantes de France, constituée par un étonnant fonds de " tirés-à-part " extrêmement précieux (plus de 4 000 pièces) venus du monde entier depuis le XIXesiècle et d'une collection de 300 titres de périodiques dont 240 vivants, reçus à titre d'échange avec le Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France.
Depuis deux ans, la Direction des Musées de France a été sensibilisée par la fuite, hors des frontières de l'hexagone, de manuscrits d'artistes et d'historiens d'art, de fonds d'archives de galeries, de marchands, d'association et de bibliothèques de collectionneurs. Elle a donc décidé de réagir, d'ouvrir un crédit spécial pour l'acquisition d'autographes d'artistes ou d'historiens d'art et de charger Jean Lacambre, conservateur en chef des musées, de rechercher des fonds intéressants et de les signaler aux diverses institutions qui peuvent réagir contre la fuite d'un tel patrimoine. Les résultats n'ont pas tardé à suivre dès l'année 1991.
Notre préoccupation immédiate, c'est bien évidemment l'état d'avancement des travaux du Grand Louvre dont dépendra la survie de la bibliothèque jusqu'à son départ pour la rue de Richelieu. Pour l'instant, nous avons reçu l'assurance que la partie du palais où est située la bibliothèque ne serait pas touchée avant 1995.
La deuxième préoccupation, c'est l'informatisation, sans laquelle nous ne pouvons avoir ni inventaire convenable, ni déménagement calme. Or, nous venons d'apprendre qu'une première tranche de crédits a été accordée pour lancer les travaux dès 1992 et que l'ensemble sera complètement informatisé en 1993.
Cette opération permettra de relier directement le catalogue de la bibliothèque aux différentes conservations du Louvre et aux musées extérieurs et aussi les premières opérations en commun à mener avec les autres bibliothèques concernées par le projet de Bibliothèque Nationale des Arts.
Jusqu'au déménagement et à la réalisation de la Bibliothèque Nationale des Arts, il convient de garder quelques principes qui pourraient postérieurement servir de base de travail :