Edouard Pommmier, inspecteur général honoraire des Musées de France, expose l'opinion et les attentes d'un historien d'art sur le projet de la Bibliothèque Nationale des Arts. Dans une intervention largement improvisée, il rappelle qu'il utilise quotidiennement les bibliothèques, que ce soit au Louvre, rue Michelet, à la Sorbonne ou rue de Richelieu. Sans être parfait, chacun de ces établissements pris séparément lui apporte ce dont il a besoin et il rend un hommage appuyé au personnel de ces bibliothèques auprès de qui il reçoit toujours aide et bon accueil. Il craint que le rassemblement de certaines de ces bibliothèques rue de Richelieu ne leur fasse perdre leur âme et que le projet " mégalomane " efface toute spécificité.
Il souhaite qu'une large concertation soit ouverte pour préparer ce projet, que les meilleures compétences soient mises à contribution et que les antiquités n'y fassent pas figure de parent pauvre ". Il met en garde, en revanche, contre les amalgames trop faciles et souvent flatteurs avec les autres sciences humaines qui n'ont pas forcément leur place dans ce projet. Pour lui, la bibliothèque des arts idéale doit offrir une " batterie " de dictionnaires, d'encyclopédies, de répertoires et de catalogues raisonnés sur l'histoire de l'art et sur l'histoire et la littérature qui en sont les naturels compléments. Il souhaite qu'un effort exceptionnel soit fait pour compléter les fonds étrangers, souvent lacunaires, et que l'on établisse, si c'est possible, un catalogue des écrits sur l'art jusqu'en 1800 et un répertoire des revues d'art.
Guy Cogeval, conservateur des Musées nationaux, a bien voulu venir, en remplacement de M. Bernard Ceysson, conservateur du Musée d'Art moderne de Saint-Étienne, empêché, donner l'opinion d'un conservateur de province. Il a pu constater que la préparation d'une exposition et de son catalogue passe par de longues consultations en bibliothèque. En fait, on travaille en permanence entre le dossier de l'oeuvre et les livres. Les bibliothèques doivent d'autant plus être fournies que les collections des musées de province couvrent toutes les époques, de la Préhistoire au XXesiècle.
Le problème n'est pas moindre lorsqu'il faut créer de toutes pièces une documentation des oeuvres dans son propre musée. Ce fut le cas à Lyon où, sous la direction de M. Durey, conservateur du musée des Beaux-Arts, il a du créer la documentation. Il a pu alors apprécier pleinement la possibilité de pouvoir emprunter un livre pour un temps donné. Le prêt à des services situés en province est donc à ses yeux un aspect essentiel des services rendus par une future bibliothèque nationale des arts.
François Baratte, conservateur en chef au Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre, juge indispensable le maintien d'une bibliothèque sur place au musée, car on ne connaît pas d'exemple de grand musée sans une bibliothèque, ni de bibliothèque d'archéologie séparée d'un centre de recherche vivant. Dans le cas contraire, l'activité des départements se réduirait fortement. Il s'inquiète aussi de la petite place faite aux Antiquités et à l'Archéologie dans le nouvel institut d'art. Il ne voit ni archéologue, ni antiquisant dans les personnes désignées par le Ministre pour réfléchir sur la constitution de cet institut. Or, ces disciplines ne peuvent être considérées comme annexes de l'histoire de l'art. Pour lui, l'institut et la bibliothèque devront être-liés à un centre de recherches dynamique dans ces domaines.
Pour la constitution de la bibliothèque, exemples peuvent être pris sur l'Institut archéologique allemand de Rome et sur celui de Francfort, tous deux doublés d'importantes photothèques. Il faudrait aussi réfléchir à la constitution d'un grand répertoire bibliographique sur les Antiquités correspondant à la Bibliographie d'Histoire de l'Art.
Philippe Bruneau, professeur d'archéologie grecque à l'Université de Paris IV, se présente lui-même comme un mauvais exemple puisqu'il ne travaille jamais dans d'autres bibliothèques que celle de l'École française d'Athènes. Pour lui, la bibliothèque d'Art et d'Archéologie est indissociable des UFR des universités de Paris-I et Paris-IV. Le futur regroupement des bibliothèques d'art doit se faire à trois conditions :
Se sentant peu compétent pour parler des bibliothèques, M. Bruneau passe la parole à Philippe Sénéchal, maître-assistant d'art moderne à l'Université de Paris-IV. Ce dernier confirme l'importance qu'il faut donner à l'archéologie dont Francis Haskell a souligné à quel point elle était utile puisque l'art occidental est presque entièrement fondé sur l'Antiquité. Chargé d'enseignement pour la préparation à l'École nationale du Patrimoine, il note que le programme va de la Préhistoire au XXesiècle et qu'il faut donc une bibliothèque ouverte aux domaines les plus larges. Il souhaite aussi que l'accès libre aux rayons soit accordé selon des principes qu'il faut définir. Enfin, il aimerait que les locaux laissés libres rue Michelet après le départ de la Bibliothèque d'art et d'archéologie soient affectés à une bibliothèque d'art pour le 1 er cycle. Mais ces locaux seront très convoités !
A la suite de ces interventions, les débats ont surtout pris la forme de questions dont la plupart concernaient l'organisation de la future Bibliothèque Nationale des Arts et s'adressaient à MmeBenha-mou, chargée de mission pour le projet. Michel Albaric (Le Saulchoir), constatant avec humour que l'on déshabillait Louis XIV pour habiller Richelieu, pose le problème du département des Manuscrits qui, privé de ses imprimés et des collections historiques, littéraires et scientifiques qui sont ses naturels compléments devrait être rapproché des centres de recherches liés aux textes : Sorbonne, IRHT, ITEM, etc.
Mme Geneviève Boisard (bibliothèque Sainte-Geneviève) demande si la future bibliothèque aura deux niveaux d'accès, l'un pour les chercheurs, l'autre pour les étudiants et le public plus large. Elle souhaite savoir si la Bibliothèque littéraire-Jacques Doucet sera réunie à sa soeur aînée, si des rapports sont prévus entre le catalogue collectif de France et celui de la bibliothèque d'art et, enfin, si il y aura un accès libre aux rayons.
Mme Benhamou répond que deux salles de lecture sont bien envisagées et que l'accès aux rayons est une possibilité à étudier de très près, sans la rejeter. Mlle Gazier précise que Jacques Doucet souhaitait que ses deux bibliothèques soient réunies. C'est donc une affaire à suivre !
M. Yves Thoraval (BN) demande quel sera le statut des personnels de la BN par rapport à ceux de la Bibliothèque de France et le statut des personnels des départements " non-déménageurs " dans la BN-Arts. Gérald Grunberg (BDF) répond qu'il y aura correspondance de statut entre les futurs établissements et que 2 000 postes sont prévus pour la BDF.
Maxime Préaud (BN, Réserve des Estampes) fait remarquer à M. Auguier que bon nombre des grandes collections d'oeuvres d'art de la BN sont déjà microfilmées et disponibles pour le grand public.
Francine Masson (École polytechnique) pense que l'accès direct aux rayons deviendra de moins en moins nécessaire dans la mesure où les moyens informatiques actuels, associant texte et image sur un même écran, donneront bientôt un descriptif très performant et très pertinent des collections.
Sont posées ensuite en vrac des questions sur les photothèques documentaires et le rôle que devra jouer la Bibliothèque nationale-Arts en ce domaine, sur les problèmes des livres d'artistes intégrés dans le fonds des imprimés de la BN et donc en partance pour Tolbiac, sur les photographies d'artistes, sur l'avenir des ouvrages en double, sur les futures mini-bibliothèques du Musée du Louvre et sur la politique d'acquisition en histoire de l'art de la Bibliothèque de France. Mais dans l'état actuel des choses, aucune étude n'est assez avancée pour donner des réponses précises.