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    Par Bruno Blasselle, Bibliothèque nationale.

    Histoire des bibliothèques françaises

    Les bibliothèques médiévales du VIesiècle à 1530.

    Paris : Promodis. Cercle de la librairie,1989. - ISBN 2-903181-72 - Prix : 790 F

    Les bibliothèques françaises ont une histoire et elles ne le savaient pas. Lacune d'autant plus étonnante que les historiens ont longtemps eu le quasi-monopole de la direction de ces établissements. Le mérite des Editions Promodis est de combler ce vide en offrant pour la première fois une étude globale sur cette institution ancienne, inséparable de l'histoire de notre patrimoine intellectuel. Le renouveau des études d'histoire du livre et les recherches autour de celle de la lecture n'y sont certainement pas pour rien. Quoi de plus naturel après avoir redécouvert les conditions de fabrication et de diffusion commerciale du livre que d'étudier les organismes servant d'intermédiaire avec les usagers, c'est-à-dire essentiellement les bibliothèques publiques et privées ?

    Ce volume consacré au moyen âge, paru après celui traitant des bibliothèques de l'Ancien régime, réunit, sous la direction d'André Vernet, 29 auteurs français et étrangers, universitaires, chercheurs, bibliothécaires. qui couvrent une large période, du Vie siècle à 1530. A cette date, la composition des fonds des bibliothèques se trouve largement modifiée : la part du livre manuscrit ne représente plus que 10% du total des fonds. L'imprimé a pris sa place. Toutes les contributions sont des travaux de spécialistes, solidement étayés, convaincants, jamais ennuyeux. Leur érudition bien nourrie jette rarement une ombre sur la clarté de l'exposé, mais pourquoi ne pas donner la traduction des très nombreuses citations latines employées dans le texte ? Un effort a visiblement été fait pour éviter l'écueil propre à ce genre d'ouvrages, les répétitions d'un article à l'autre. Mais l'on regrette de ne pas trouver, à l'exemple de l'Histoire de l'édition française une présentation propre à chacune des cinq grandes parties du livre, pour en dégager la problématique, justifier le plan ...et aider le lecteur à émerger de ces 450 pages d'informations. Le livre médiéval était un objet précieux. Son coût, dû à celui de son support et à la lenteur de sa fabrication, sa rareté, sa place dans la religion chrétienne expliquent les précautions prises pour sa conservation et le rôle des bibliothèques. Qui n'a entendu parler des "livres enchaînés"? Il est banal de constater la permanence de certains débats dans les bibliothèques, mais si l'ouvrage nous les restitue utilement pour une période aussi mal connue que le moyen-âge, il nous fait surtout découvrir la grande variété des institutions que nous regroupons sous le nom de bibliothèques, dans les établissements religieux et universitaires. L'historien se heurte à une certaine rareté et à l'éparpillement des sources. Il n'y a pas filiation directe entre les bibliothèques médiévales et celles d'aujourd'hui. Les fonds ont été détruits, dilapidés, vendus. Bâtiments, mobilier, décor ont presque totalement disparu. L'historien doit donc s'appuyer sur des archives, principalement les inventaires et les catalogues, dont les plus anciens remontent à l'époque carolingienne. Elles permettent de connaître la taille, la composition et l'organisation des fonds. Elles donnent une idée du travail du bibliothécaire; dans les monastères, la compétence de l'armarius ne se limite pas aux opérations classiques de catalogage, classement et prêt ; elle s'étend souvent à la gestion du scriptorium et de l'école. Si les bibliothèques monastiques prêtent peu à l'extérieur jusqu'à la fin du moyen-âge, il en va tout autrement des bibliothèques des cathédrales. L'ouvrage nous fait également assister, dans une réjouissante variété d'approches, à la naissance de la bibliothèque en tant que bâtiment, aux premiers débats sur les classifications, à l'arrivée du livre imprimé, etc.

    Des encadrés ou des chapitres sont consacrés aux plus grands établissements et à ceux pour lesquels des ensembles importants d'archives sont conservés. Il nous emmène enfin dans les collections particulières, des plus petites (quelques livres) aux plus grandes (collections princières). L'iconographie est riche, passionnante, bien choisie. A défaut de vues d'ensemble de bibliothèques médiévales, elle nous montre les traces laissées par celles-ci sur les livres eux-mêmes (reliures, ex libris, cotes) ainsi que les catalogues qu'elles en dressaient. Elle réunit surtout bon nombre de ces représentations du livre si fréquentes dans les manuscrits médiévaux, illustrant avec bonheur les attitudes de l'écrivain, du copiste, du lecteur, de l'enseignant, sans compter les scènes d'offrandes d'un ouvrage par l'auteur à son mécène. On regrettera simplement que la couleur n'ait pas été utilisée au service d'une iconographie aussi riche.