Index des revues

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    Par Jacqueline Gascuel
    Dominique Hausfater

    La médiathèque musicale publique

    Evolution d'un concept et perspectives d'avenir.

    Paris : AIBM, Groupe français (2, rue de Louvois, 75002 Paris). - ISBN 2-909327-00-0. Prix 95 F plus frais de port

    En publiant cette première publication professionnelle l'Association internationale des bibliothèques musicales annonce son intention "de fournir aux bibliothèques musicales et aux bibliothèques et médiathèques ayant des fonds musicaux (partitions, livres sur la musique) significatifs, des instruments de travail qui aideront les bibliothécaires, spécialistes ou non, à gérer ces fonds".

    En fait il s'agit d'un mémoire de DESS de Direction de projets culturels de l'Université de Grenoble et de l'ENSB, soutenu en 1990. On ne s'étonnera donc pas de voir que le projet est ambitieux et la bibliographie abondante. Le propos s'ouvre par un court chapitre intitulé "problématique" qui, opposant à la notion de discothèque celle de médiathèque musicale publique, laisse entendre qu'il pourrait s'agir d'une structure autonome et pose la question : "Les établissements concernés ne relèveraient-ils pas des politiques de démocratisation de la pratique musicale et d'extension du public définies par la Direction de la musique et de la danse?" Cet ouvrage se situe donc tout à la fois dans une problématique récente : le développement des activités musicales et l'intérêt croissant pour la musique, justifie la création de structures répondant aux besoins d'un nouveau public ; par ailleurs on perçoit dans le propos une certaine nostalgie de la "Médiathèque de secteur" (en témoignent les nombreuses références aux écrits de Albert Ronsin et Michel Bouvy) qui prendrait la forme d'une médiathèqe thématique, et échapperait au carcan du cadre municipal.

    Suit une étude du public qui s'appuie essentiellement sur les statistiques du Ministère de la Culture, sur les bilans d'activité des discothèques de la Ville de Paris et du centre de documentation de la Discothèque des Halles ou sur l'enquête de Pierre-Yves Duchemin à la BPI. Cependant n'est pas clairement posée la question de savoir si les auditeurs de phonogrammes, sont aussi des lecteurs de partitions ou d'imprimés consacrés à la musique (livres et périodiques). On se souvient en effet que Jean-François Barbier-Bouvet et Martine Poulain, ont noté dans Publics à l'oeuvre que "la pratique la plus répandue à la salle d'actualités reste en fait la pratique monomédia" ... la pratique multimédia n'étant le fait que de 5% des usagers. Dans un contexte différent, marqué en particulier par la présence d'un nombre important d'étudiants et de professionnels de la musique, Dominique Hausfater affirme : "Le succès obtenu par ces différents supports, au fur et à mesure de leur intégration dans les bibliothèques et discothèques traditionnelles, oblige ces établissements à repenser leur politique documentaire. Il existe en effet un public réel, et relativement important, pour des documents musicaux de toute nature, incitant les institutions qui le prennent en compte à évoluer vers une structure de médiathèque spécialisée..."

    L'auteur aborde ensuite l'état des lieux par un aperçu historique... pour lequel le temps et les document lui ont visiblement manqué : sauter directement de 1885 à 1945 est en effet un peu rapide. Peut-on d'ailleurs parler d'une histoire commune aux différents médias musicaux ? En effet au XIXe siècle, quand on parle de musique dans les bibliothèques, il s'agit de musique écrite... celle-ci, dont l'usage est attesté par Eugène Morel, va lentement tomber en désuétude - faute de moyens et d'usagers - malgré l'intérêt qu'y porte encore Gabriel Henriot dans les année trente. Avec la naissance du disque, apparaît une autre ambition : celle de créer des discothèques (voir dans ce numéro l'article de Paul Gordeaux) et l'Association pour le développement de la lecture publique affirmera dès 1936 que la bibliothèque publique doit posséder un poste de radio et des disques. Affirmation reprise par Henri Vendel au lendemain de la dernière guerre ou par Paul Poindron dans les Cahiers des bibliothèques , en 1954. Et il y aurait là matière à une étude : pourquoi et pour quoi faire les disques étaient-ils associés à l'idée de bibliothèque moderne ? pourquoi les écoles de musique - dont les budgets au début des années 60 étaient sensiblement plus élevé que celui des bibliothèques - n'envisageaient-elles pas d'avoir leur propres collections de phonogrammes ? ni même de collections de musique imprimée ?

    Beaucoup plus concrètes et précises sont les pages consacrées à l'état des lieux proprement dit : l'auteur y passe en revue les bibliothèques publiques, les bibliothèques universitaires, bibliothèques spécialisées et celles des conservatoires. Dans l'ensemble le bilan n'est pas très positif, c'est pourquoi cet état des lieux se poursuit par quelques établissements exemplaires : la Discothèque des Halles bien sûr, mais aussi la bibliothèque musicale Picpus, les BM de Colombes, de Mulhouse, ...

    J'écrivais il y a bientôt 10 ans, dans Un espace pour le livre : "L'usage s'est établi d'appeler discothèque le secteur de la bibliothèque consacré à la musique, c'est-à-dire le secteur où sont regroupés tous les types de documents ayant la musique pour contenu : livres, périodiques, disques, cassettes, partitions ; celui où se déroulent toutes les activités musicales de la bibliothèque : emprunt des documents, consultation sur place, écoutes collectives ou individuelles, animations diverses". Il faut croire que c'était un peu trop vite dit : pour Dominique Hausfater le mot discothèque renvoie encore bien souvent à un classement par supports et elle propose d'y substituer l'appellation de bibliothèque ou médiathèque musicale. Et à partir de cette nouvelle appellation, elle développe une étude prospective passant par la sensibilisation des pouvoirs publics, la recherche de partenaires institutionnels, la coopération - et surtout le développement de structures régionales - cadre qu'elle juge le plus propice à l'instauration d'une véritable politique documentaire en matière musicale.

    Cet ouvrage vient donc bien à son heure, puisque de nouveaux moyens devraient être donnés à des bibliothèques de vocation régionale... sans parler des pôles associés de la BDF.