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    2000 mètres carrés pour le SCD de Metz

    Les enjeux d'une construction

    Par Benoît Lecoq, Directeur du Service commun de la documentation Université de Metz

    Plus que d'autres encore san doute, l'Université de Met et sa bibliothèque sont tribu 1 taires d'un passé - d'un pas sif ? - qu'il faudra bien, un jour ou l'autn apprendre à négliger. Rappelons-en tou tefois quelques éléments décisifs puis qu'aussi bien ils font désormais parti, des annales messines et que, jusqu'à ui certain point, ils éclairent l'histoire ; rebondissements de la constructioi récente de 2000 m2pour le secteu "Lettres et sciences humaines" du Servio commun de la documentation. D'origin récente - son noyau initial, sous formi de collège littéraire universitaire rattacha à la Faculté de Strasbourg, remonte ; 1961 - l'Université de Metz s'est consti tuée et développée dans un élai d'enthousiasme collectif qui favorisait 1 dispersion, parfois l'anarchie. Ainsi, pa exemple, tandis que se créait, quasimen ex nihilo, un embryon de bibliothèque universitaire, les autres composantes di la future Université développaient de collections parallèles et concurrentes. l'orée des années 1980, la Faculté de Lettres avait réussi le tour de forc, contestable de réunir un fonds d'enviroi 50 000 volumes, dont la gestion, confiée à des non professionnels, laissait naturellement à désirer ...

    Les inondations de 1983 : une chance ?

    C'est ce fonds, déménagé on ne sait trop pourquoi au sous-sol de la Faculté réputé inondable, qui fut victime des importantes crues de la Moselle en 1983. Est-il iconoclaste de dire qu'on a aujourd'hui quelques raisons de se féliciter de ce qui fut unanimement tenu à l'époque pour une catastrophe ? L'étendue du sinistre imposa, à la suite d'une inspection, l'improbable intégration de cette entité - budget et personnel compris - au sein de la bibliothèque universitaire, contraignit l'Université à prendre conscience de la nécessité d'une politique cohérente et aboutit, pour finir, à l'affectation de locaux spécifiques - bien qu'inadaptés - au secteur Lettres et sciences humaines de la BU. Précisément, l'inadaptation même de ces locaux est, pour partie, à l'origine de la construction dont nous venons de bénéficier.

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    Plan

    C'est en effet le bâtiment d'un ancien restaurant universitaire qui fut, à partir de 1984, dévolu à la section Lettres, la bibliothèque ouverte en 1971 étant déjà engorgée : solution de fortune très temporaire, assurait-on alors ; ce provisoire devait en fait durer jusqu'à novembre 1992. Situés à 800 mètres de la "centrale", ces locaux aussi exigus que malcommodes (1 175 m2 de surface dans oeuvre qu'on peut facilement réduire à 800 m2 de surface véritablement utile) imposaient des contraintes à peine vraisemblables : ouvrages précieux hébergés dans des anciens congélateurs alimentaires, crochets de boucherie suspendus dans les magasins, secrétariat, bureaux du personnel et prêt entre bibliothèques ayant dû trouver refuge dans l'appartement étriqué du concierge, etc. A cela s'ajoute que les dons envahissants (et d'un intérêt extrêmement variable) consentis à la BU à la suite des inondations, liées au dynamisme de la politique documentaire mise en oeuvre à partir de 1984 aboutirent à une rapide et totale saturation du bâtiment. On vit alors se développer une situation paradoxale où les collections vieillies - et souvent gondolées ! - demeuraient en accès libre. alors que les acquisitions récentes s'engrangeaient dans l'obscurité des magasins. Quant aux usagers potentiels (4 500 étudiants à l'UFR Lettres), ils ne disposaient que de 120 places assises. Tel est le constat désolant qu'après d'autres nous avons pu faire, Marie-Jeanne Poisson, conservateur de la section "Lettres", et moi-même à notre arrivée dans l'établissement en octobre 1991.

    Du programme à la réception des travaux

    Heureusement, si l'on ose dire, l'aberration devenait si criante que le consensus fut total, au moment de l'élaboration du premier contrat de plan Etat-Région, pour désigner la construction d'une surface de 2 000 ni2 pour la section Lettres du SCD comme une urgente priorité. Toutefois, on vit alors se réveiller des rancoeurs qu'on aurait pu croire oubliées : au moment de l'intégration de ses collections à la BU, la Faculté des lettres avait éprouvé un sentiment de dépossession indue qui engendra une amertume hostile encore sensible en 1993. Fallait-il, comme le préconisait le directeur du SCD profiter de cette manne pour regrouper (en reliant l'extension à l'existant central) sur un seul et même site l'ensemble des trois sections ? Ou devait-on, comme le revendiquait hautement le Doyen des Lettres, accoler cette surface à celle de la Faculté lui offrant ainsi la reconquête d'un territoire perdu ? Si cette dernière solution n'avait en soi, à mon sens, rien de choquant, elle était, dans le cas précis de Metz, irréaliste et coûteuse. La dimension modeste de notre campus, la place centrale qu'y occupe, depuis 1971, la bibliothèque, invite, chaque fois que faire se peut, au regroupement qui permet des économies d'échelle, autorise la proximité interdisciplinaire, favorise le décloisonnement. Il fallut l'autorité d'un Président d'Université prêt à renoncer à l'opération si l'on ne se rangeait pas à ses arguments, pour que le bon sens l'emporte après des mois de débats stériles.

    La réalisation de l'opération porte les marques de cette querelle initiale. La bibliothèque fut, semble-t-il, avarement associée à l'élaboration du programme. Confronté à l'obstacle de cette mésentente, le Conseil général, maître d'ouvrage mandaté par l'Etat, avait, dans un premier temps, fortement soutenu la position de l'UFR Lettres en sorte qu'au moment du concours fut retenu un projet qui consistait en une simple juxtaposition de l'extension à l'existant aux dépens de ceux qui proposaient une restructuration globale du bâtiment. En somme, le parti était d'isoler la section Lettres de ses voisines (Droit et Sciences) afin de lui garantir un fonctionnement autonome ! On sait la difficulté réelle qu'il y a, pour les architectes, à relier une construction nouvelle à un édifice plus ancien : gestion des espaces aveugles, fonctionnalité des circulations et respect d'une esthétique conciliatrice sont autant de véritables casse-têtes. On aura pu se convaincre, à l'occasion de cette construction, qu'un pur et simple accolement n'est certainement pas la meilleure façon d'aborder ces contraintes.

    Arrivés au SCD au plus mauvais moment, c'est-à-dire quand le gros-oeuvre commençait à sortir de terre, ma collègue des Lettres et moi-même étions, en quelque sorte, placés devant un fait accompli. Néanmoins, après examen minutieux du dossier et des plans, un suivi régulier et actif des réunions de chantier hebdomadaires nous aura permis - au risque d'être perçus comme des empêcheurs de tourner en rond - d'obtenir satisfaction sur plus d'un point. Notre objectif était, en particulier, de faire se compénétrer des espaces initialement prévus comme étanches : éviter par exemple l'absurdité de deux banques de prêt distinctes et dévoreuses de personnel, éloignées l'une de l'autre de seulement trente mètres ; obtenir la création d'un couloir de liaison reliant le premier étage de l'existant à celui de l'extension ; ouvrir largement la section Lettres sur la salle de Droit et sciences économiques afin de regrouper les collections interdisciplinaires (sciences sociales, sciences politiques) ; modifier la distribution des bureaux, voire des magasins, etc. J'ajoute encore que les bonnes relations entretenues avec les différents corps de métier, les sympathies qui peuvent naître au cours des visites de chantier, sont aussi un moyen de parvenir à ses fins...

    Convenons-en en revanche, c'est naturellement au moment de l'élaboration de l'avant-projet sommaire, voire de l'avant-projet détaillé qu'il aurait fallu pouvoir intervenir fortement afin de revenir sur les aspects les plus contestables des plans du cabinet d'architectes. Des piliers ponctuent, de cinq mètres en cinq mètres, l'ensemble des espaces publics... Ce qui facilite considérablement, on s'en doute, l'aménagement des zones de lecture et d'accès libre ! Le vaste mur-rideau qui orne, de façon assez réussie, il est vrai, la façade principale, n'est qu'un habile trompe-l'oeil : il donne à croire, de l'extérieur, que les salles de lecture sont inondées de lumière naturelle ; en pénétrant, on découvre qu'un très étroit bandeau vitré - le reste étant constitué de miroir opaque - oblige à faire fonctionner l'électricité en toute saison de l'ouverture à la fermeture. Aucune ventilation mécanique n'ayant été prévu, il nous faut gérer la difficulté de concilier l'aération au moyen des ouvrants à serrure et la nécessité d'empêcher la possible fuite des documents par ces mêmes ouvrants. Si le bâtiment n'a qu'une entrée principale extérieure, on est cependant obligé de choisir entre deux entrées intérieures, l'une qui ouvre sur l'existant préalable, l'autre sur l'extension ; cela nous a contraint à reculer l'implantation du système anti-vol à l'extrême limite de la sortie, rendant ainsi la surveillance plus délicate. Last but not least, les toilettes forment un bloc compact au centre des espaces de lecture, ce qui constitue, on le conçoit aisément, une gêne à plusieurs égards.

    La réhabilitation de l'ancien bâtiment

    Pendant que ce gros chantier s'achevait, ou presque, - ver la fin juin 1992- et que la section Lettres, préparant le complexe déménagement de plus de 140 000 volumes, s'apprêtait à quitter son restaurant universitaire pour rejoindre des locaux plus fonctionnels, une autre opération démarrait, essentiellement financée par l'Université, celle-là : sur un coût total de 1,700 MF, 500 KF devaient être pris en charge par l'Etat, qui n'ont toujours pas été versés. Il s'agissait non seulement de réhabiliter les parties publiques de l'ancien bâtiment de 1971, mais encore d'élever des mezzanines dans les salles "Droit et sciences économiques" et "Sciences et techniques". Bien que portant sur une superficie assez modeste ( 320 m2 pour les deux mezzanines), cette opération, confiée au cabinet Albert Longo, n'était pas moins nécessaire que l'autre ; elle était même son complément logique. Sans cette remise à neuf et cet accroissement de surface, le secteur Lettres aurait rapidement été surchargé aux dépens de locaux anciens boudés et désaffectés. Le bâtiment de 1971 présentait en effet toutes les caractéristiques des constructions de bibliothèques de ces années-là : vastes salles de lecture démesurément hautes, sols plastiques aux couleurs vite défraîchies, système d'éclairage inesthétique, larges baies vitrées, le tout étant particulièrement inhospitalier. La construction des mezzanines a permis de "casser" ces volumes ; la pose d'une moquette, le remplacement des faux-plafonds et du luminaire, le choix d'une nouvelle peinture ont rendu chaleureuses et, si l'on ose dire. "cosy" des zones autrefois réputées austères. Du reste, la fréquentation de l'établissement s'en ressent : nous connaissons maintenant une moyenne de 2 200 entrées quotidiennes contre 1 600 l'an passé, l'Université de Metz comptant 13 000 étudiants. Au total, un gain de 112 places assises supplémentaires a ainsi été réalisé, qui viennent s'ajouter aux 260 places des sections Droit et Sciences et aux 230 places de la section Lettres.

    Ø Construire oblige à repenser

    On le voit, j'ai, jusqu'ici, presque autant insisté sur les inconvénients que sur les avantages de l'entreprise. Que l'on ne se méprenne pas toutefois : ces quelques lignes visent surtout à montrer que, même confronté à un parti architectural décevant, il est possible, avec l'astuce et l'imagination qu'encouragent des réflexions collectives, de présenter au public un service complètement repensé et considérablement amélioré. Grâce à la réunification des trois sections sur un seul et même site et à l'économie en personnel ainsi dégagée, nous offrons des horaires d'ouverture étendus : 56 heures hebdomadaires cette année, plus de 60 à partir de la rentrée prochaine. Désormais, un bureau de renseignements bibliographiques multi-sections situé dans la salle de références pluridisciplinaire, à proximité du catalogue informatisé et des CD-ROM, forme, informe et conseille le lecteur durant une très large partie des heures d'ouverture. Un angle malheureux à l'extrémité du bâtiment, où nous ne nous voyions pas installer des rayonnages ou des tables, accueille une vidéothèque de prêt et de consultation à juste titre appréciée des étudiants et des enseignants. L'attrait que doit exercer toute bibliothèque littéraire nous a invité à développer une zone "Actualités" et un fonds "Loisir et culture" (romans actuels, romans policiers, poésie, bandes dessinées, etc.) où viennent volontiers puiser juristes et scientifiques. Pour pallier l'obstacle de la forêt de piliers évoqués plus haut, nous avons choisi de disposer. à partir d'eux, les rayonnages en étoile, créant ainsi des secteurs spécialisés mais ouverts. Surtout, la préparation du déménagement de la section Lettres, où. faute de place, les ouvrages s'entassaient dans un inextricable désordre. nous a contraints de procéder à une profonde remise en ordre de nos collections. Ayant choisi d'affecter la grande salle de lecture du rez-de-chaussée (550 m2) à un premier cycle étendu jusqu'à la licence et de réserver la "petite" salle de l'étage (325 m2) aux chercheurs à partir de l'année de maîtrise, il nous a fallu préalablement trier, "dégraisser", reclasser, recoter afin de proposer à nos usagers un accès libre de bonne qualité. Enfin, dans une perspective plus globale, cette extension nous a amenés, et nous amènera toujours davantage à repenser l'organisation du travail au SCD. Une répartition étanche en sections, surtout lorsqu'on dispose d'un personnel réduit (six bibliothécaires-adjoints pour cinq conservateurs !), risque d'engendrer des comportements étroits et routiniers : une section ne doit pas devenir une cellule... Pour ces raisons et pour d'autres, un certain décloisonnement est nécessaire.

    M Et l'avenir ?

    Après cette première phase de développement, le SCD de Metz, qui atteint aujourd'hui une sorte de majorité, connaîtra, dès la prochaine rentrée, les joies et les difficultés d'une première véritable délocalisation. Prévue au schéma Université 2000, une bibliothèque de 2 000 m2 est actuellement en train de sortir de terre sur le site du Technopôle. Elle aura à desservir les filières pluridisciplinaires (littéraires et scientifiques) qui s'y implantent au gré mouvant de la politique des UFR. Gageons que cette construction, dont le maître d'ouvrage mandaté est la Ville de Metz et l'architecte Albert Longo (financement : Etat, 8 MF ; Région : 4 MF ; Ville de Metz : 4 MF) aura bénéficié de l'expérience acquise à l'occasion de la précédente. Plus importants encore à mes yeux, 2 000 m2, inscrits au schéma Université 2000, doivent venir compléter l'extension de la bibliothèque centrale sur le campus du Saulcy (à l'horizon 1996 ?). C'est pour nous l'unique chance de désengorger des magasins déjà combles, d'accroître les surfaces d'une section Droit et sciences économiques encore bien à l'étroit et de répondre à l'exceptionnel taux d'accroissement annuel du nombre des étudiants de l'Université de Metz. Il reste à souhaiter que, sur un plan national, les contraintes budgétaires attendues, et que, sur un plan local, l'élection d'un nouveau Président d'Université en octobre, ne viennent pas remettre en cause un projet si nécessaire.

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    Fiche technique