Livre ambitieux s'il en fut : ses auteurs nous proposent une vue d'ensemble sur la constitution d'une politique documentaire « de service public,,. Dans un premier chapitre très développé, ils exposent longuement les principes du service public, et les conditions dans lesquelles il doit s'appliquer aux bibliothèques (territoriales, universitaires) ; la BNF est citée rapidement, mais entre-t-elle dans ce cadre ? Les auteurs le confirment, mais rien ne viendra l'expliciter plus tard dans l'ouvrage.
Tous les collègues reconnaîtront dans les 50 pages du chapitre liminaire les conceptions régulièrement exposées par T. Giappiconi dans ses interventions écrites ou orales, le rappel des idées de Condorcet sur la diffusion du savoir et de la connaissance, la référence à la Constitution et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour asseoir les missions des bibliothèques de service public. Leurs priorités vont donc, logiquement, vers l'éducation, la contribution au développement de chacun, l'accompagnement de la formation initiale et continue. Dans ce cadre, le bibliothécaire devrait se garder de céder à « l'idéologie managériale, [au] relativisme culturel et [au] populisme qui se retrouvent sur le terrain de la démagogie. »... en satisfaisant d'abord le consommateur avant de respecter les principes d'une politique de prescription : débat fondamental du service public aujourd'hui : quelle prise en compte des aspirations des usagers, de leurs demandes? comment répondre à la demande exprimée sans en être trop dépendant?
Les auteurs donnent leur réponse dans la définition des missions des bibliothèques de service public : missions conformes au manifeste de l'Unesco, pour la « lecture publique (le terme est peu employé), beaucoup moins développées pour les services universitaires (1) .
On passe donc ensuite aux principes du management dans les services publics ; sont distinguées cinq fonctions fondamentales : production, finance, contrôle, personnel, marketing sous l'autorité de la direction : fonctions sont détaillées systématiquement, utilisant nombre de références d'ouvrages, parfois un peu anciens : certes, les principes restent inchangés, mais leur application en période de relative expansion (les années 1981-1985) est de plus en plus limitée par une mise en oeuvre intégrant des soucis premiers de restriction budgétaire et de personnel.
Le rôle des élus (politiques locaux ou conseil de l'université) est abordé, selon moi, un peu rapidement : en effet, le directeur est considéré comme l'« expert, le conseiller technique des élus, situation idéale, mais bien souvent non réalisée. Cette très longue deuxième partie m'a paru parfois trop théorique.
Très heureusement, dans la suivante, « définir orientations et objectifs » on revient au plus concret, et le cas précis d'une BM de ville moyenne est très bienvenu : mise en évidence des rôles attendus, des objectifs à atteindre, et diagnostic sans complaisance (c'est à noter, merci à son auteur). Les objectifs sont clairs, les résultats attendus sont également clairs et traduits en indicateurs globaux, les « objectifs opérationnels (traduction en interne de la mise en oeuvre) auraient gagné à être plus clairement quantifiés, mais ce sera pour le tableau de bord.
Il est dommage que ce même travail n'ait pas été fait pour un service de documentation, le seul exemple donné est celui d'une bibliothèque d'Afrique du Sud, dont le responsable a fait une communication à l'IFLA.
Le chapitre « mise en oeuvre » est évidemment le plus concret : il reprend les exigences de la comptabilité publique, de la pratique des collectivités pour la préparation des budgets, etc. Il insiste sur les responsabilités (droits et devoirs) du fonctionnaire et plus précisément du bibliothécaire sur la constitution des collections, à la lumière de graves problèmes récents. J'y ai noté que certaines pétitions de principe exprimées avec force en théorie sont adaptés en une pratique plus souple, en particulier sur la prise en compte des aspirations et remarques des usagers sur le fonctionnement, dans un « processus d'échange avec la population ».
Quant au fonctionnement interne proposé, il se fonde systématiquement sur une répartition des rôles très formalisée : responsabilité de chacun sur telle ou telle tâche (des remarques intéressantes esquissées sur l'évolution des fonctions de chacun avec l'évolution des techniques, ont été trop peu développées, me semble-t-il, p.150 et seq.); pour les acquisitions, il reprend les principes exposés par Bertrand Calenge sur une répartition des acquéreurs par secteurs, avec budgets strictement segmentés a priori : je reste sceptique sur une telle méthodologie dans une bibliothèque à vocation encyclopédique d'importance moyenne (30 codes de répartition budgétaires et sectoriels! pour certains codes, 20 titres à acquérir!) et y vois quelque contradiction avec d'autres remarques sur la polyvalence des agents.
Le dernier chapitre est consacré à l'évaluation : en fait, y sont surtout présentés les résultats des commissions statistiques de la CG46, et les normes ISO en cours d'établissement définitif. C'est très utile, et montre la nécessité de préciser les rapports statistiques demandés par la DLL pour les BM ou BDP, et par la DISTnB pour les SCD.
La partie « évaluation " après avoir rappelé les principes, propose des batteries d'indicateurs pertinents, mais probablement trop nombreux en pratique. Utile pour la démarche, la question reste entière du choix des quinze indicateurs les plus pertinents, qui permettront de suivre les activités de la bibliothèque et de les présenter aux décideurs. Prenons le comme une contribution à cette recherche balbutiante dans notre pays.
Cet ouvrage s'adresse surtout aux bibliothécaires territoriaux. Mais, après tout, peut-être les SCD s'en inspireront-ils avec profit, pour une prochaine édition revue? Elle gagnerait à plus de concision dans la réflexion théorique, pour plus de développements sur la mise en oeuvre au quotidien.